AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 28 avril 2000) que la société Ibery international, dont l'objet était le négoce de chaussures de sport fabriquées dans les pays du Sud-Est asiatique et importées en France, a procédé, jusqu'en mars 1990, au dédouanement de ces marchandises sur la base de la position tarifaire n° 6403 applicable à la chaussure principalement constituée en cuir et a payé un droit de douane de 8% ; qu'à compter du 4 avril 1990 et, selon elle, sous la pression de l'administration des Douanes elle a modifié sa position tarifaire et payé un droit de douane de 20 %, correspondant à la position tarifaire n° 6404 concernant la chaussure principalement constituée en tissu ; que l'administration des Douanes a contesté a posteriori, à compter du 14 septembre 1990, l'application de la position tarifaire 6403 pour la période du 24 novembre 1988 au 3 avril 1990 ;
qu'elle a délivré deux contraintes qui ont été annulées par deux jugements ; que la procédure engagée devant le tribunal de police par l'administration a mis en lumière l'existence de 33 déclarations d'importations surchargées ou raturées par le service des Douanes ;
qu'estimant que l'attitude de l'administration des Douanes révélait l'existence de fautes graves et était également constitutive de voies de fait, la société Ibery international l'a assignée en paiement de diverses sommes ; qu'après sa mise en liquidation judiciaire le 25 janvier 1999, sa demande a été reprise devant la cour d'appel par son liquidateur judiciaire, M. X... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le liquidateur judiciaire de la société Ibery international fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de constatation de l'existence d'une voie de fait commise par l'administration des Douanes et Contributions indirectes à l'encontre de la société Ibery international, alors, selon le moyen :
1 / que constitue une voie de fait, le fait, pour l'administration des Douanes et Contributions indirectes, d'engager une procédure de contrainte et une procédure devant les juridictions répressives sur le fondement d'un texte qui n'était pas en vigueur à la date de la prétendue infraction douanière, en vue d'obtenir le paiement de droits tenant lieu de confiscation des marchandises importées ; qu'en considérant le contraire, la cour d'appel a violé les principes régissant la voie de fait, ensemble l'article 544 du Code civil ;
2 / que constitue une voie de fait, le fait, pour l'administration des Douanes et Contributions indirectes, d'engager une procédure de contrainte et une procédure devant les juridictions répressives, sur le fondement de déclarations en douane surchargées par ses soins, en vue d'obtenir le paiement de droits tenant lieu de confiscation des marchandises importées ; qu'en considérant le contraire, après avoir constaté l'existence des irrégularités commises par l'administration des Douanes et Contributions indirectes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les principes régissant la voie de fait, ensemble l'article 544 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l'Administration n'a procédé à aucune saisie de marchandises et que la saisine des tribunaux n'a pas eu pour résultat d'empêcher l'exercice d'une activité commerciale ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'il n'y avait pas eu atteinte à la propriété ou à une liberté fondamentale, la cour d'appel en a exactement déduit que le développement d'un contentieux sur le fondement du tarif douanier applicable ne saurait dans ces conditions, même en présence de certaines irrégularités formelles commises par l'administration constituer une voie de fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu le liquidateur judiciaire de la société Ibery international fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande de condamnation de l'administration des Douanes et des Contributions indirectes à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à la société Ibery international par l'utilisation, par l'administration des Douanes, de déclarations irrégulières, alors, selon le moyen, que la prescription quadriennale des créances de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics ne court pas tant que l'existence et le montant de la créance n'ont pas été judiciairement fixés ; qu'en déclarant irrecevable, car prescrite, sa demande de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à la société Ibery international par l'utilisation par l'administration des douanes de déclarations irrégulières, en prenant pour point de départ de la prescription quadriennale la date à laquelle la société Ibery international a eu connaissance de l'existence de ces déclarations, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Mais attendu que, selon le texte invoqué, sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis et que, s'agissant d'une créance de dommage, la prescription commence à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ; que la cour d'appel a donc fait une exacte application de ce texte en rattachant le point de départ de la prescription au fait générateur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ibery international aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes formées par chacune des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Métivet , conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président en l'audience publique du vingt-cinq février deux mille trois.