AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, le dix-huit février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de Me DELVOLVE et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA DIRECTION REGIONALE DE L'AGRICULTURE ET DE LA FORET d'ALSACE, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 26 septembre 2001, qui a renvoyé Philippe X... et Fernand Y... des fins des poursuites du chef d'infractions au Code forestier et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'aux termes des articles 1er et 2 de la loi du 6 août 2002, sont amnistiées les contraventions de police lorsque, comme en l'espèce, elles ont été commises avant le 17 mai 2002 ; qu'ainsi, l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard des prévenus dès la publication de ce texte ;
Attendu, cependant, que, selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
Qu'il y a lieu, dès lors, d'examiner, en ce qui concerne l'action civile, les moyens produits au soutien du pourvoi de la Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt d'Alsace, qui a exercé, tant dans l'intérêt de l'Etat que des autres propriétaires de bois et forêts soumis au régime forestier, la poursuite en réparation des contraventions commises dans ces bois et forêts, conformément à l'article L. 153-1 du Code forestier ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 32, 510, 512, 592, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour ayant délibéré était composée par M. Lieber, conseiller, faisant fonction de président, MM. Schilli et Limouzineau, conseillers, en présence de Mme Garnier , substitut général, assistés de M. Schneylin, greffier, en présence de Melle Joseph, greffier ;
"alors qu'il résulte des mentions relatives à la composition de la cour d'appel que le ministère public y était présent ; que, faute de précision quant à la composition de la Cour lors du délibéré, les mentions de l'arrêt ne permettent pas de vérifier si le ministère public en était absent ; que l'arrêt ne satisfait donc pas aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que l'arrêt constate que la cour d'appel a rendu sa décision après avoir délibéré conformément à la loi ; que cette mention suffit à établir que, contrairement à ce qui est allégué, le représentant du ministère public n'a pas assisté au délibéré ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 331-3 du Code forestier, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Philippe X... et Fernand Y... des fins de la poursuite des chefs de circulation de véhicule sur une route de forêt interdite à la circulation et circulation de véhicule en forêt hors des routes et chemins, et débouté la partie civile de ses demandes ;
"aux motifs propres que toute limitation de circulation devait être portée à la connaissance des usagers par une signalisation spécifique, notamment pour une infraction sur la base de l'article R. 331-1 du Code forestier ; qu'en l'espèce, aucun panneau d'interdiction n'avait existé sur le parcours des véhicules des prévenus ; qu'en outre, aucune barrière ou clôture n'avait interdit l'accès des véhicules sur des chemins empruntés par ceux-ci, que ce soit des chemins ruraux ou des chemins d'exploitation ;
"aux motifs adoptés qu'il résultait de la circulaire ministérielle du 13 mars 1973 que les chemins d'exploitation non accessibles étaient ceux dont l'accès était interdit par une pancarte ou un obstacle physique dont la nature et les dimensions ne permettaient pas le passage des véhicules ; qu'au surplus, toute limitation de circulation devait être portée à la connaissance des usagers par une signalisation spécifique notamment pour une infraction, sur la base de l'article R. 331-3 du Code forestier ; qu'il était établi qu'en l'espèce aucun panneau d'interdiction n'avait existé sur le parcours des véhicules des prévenus ; qu'il résultait de la jurisprudence que l'interdiction devait être spécifiée quand bien même l'office national des forêts aurait estimé le passage litigieux non carrossable ;
"alors que la signalisation de l'interdiction de circuler ne doit être exigée que pour les chemins présentant un aspect carrossable pouvant faire présumer de leur ouverture à la circulation ; que cette exigence ne s'impose pas en revanche pour les simples sentiers ou layons difficilement circulables par nature qui sont présumés fermés à la circulation ; qu'il appartient donc au juge du fond de rechercher si les chemins en cause présentent l'un ou l'autre de ces caractères ; qu'en l'espèce, et bien que l'arrêt mentionne que les prévenus ont suivi notamment un layon sylvicole de 270 mètres, la cour d'appel n'a pas recherché le caractère apparemment carrossable des chemins empruntés ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article R. 331-3 du Code forestier" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que Philippe X... et Fernand Y... ont été poursuivis pour avoir, étant détenteurs de véhicules, été trouvés dans les forêts, sur des routes ou chemins interdits à la circulation de ces véhicules et, dans les forêts, hors des routes et chemins ;
Attendu que, pour dire que les contraventions ne sont pas constituées et rejeter la demande d'indemnisation au profit de la commune propriétaire des forêts, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'existait pas de panneau d'interdiction, de barrière, ni de clôture, sur le parcours emprunté par les prévenus ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que ni l'article R. 331-3 du Code forestier, applicable aux forêts, ni l'article L. 362-1 du Code de l'environnement, applicable à l'ensemble des espaces naturels, n'exigent que l'interdiction de circulation sur les voies non ouvertes à la circulation publique soit matérialisée, la cour d'appel, qui, de surcroît, n'a pas prononcé sur la seconde contravention visée à la prévention, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
I - Sur l'action publique :
La DECLARE ETEINTE ;
II - Sur l'action civile :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 26 septembre 2001, mais en ses seules dispositions civiles ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Roman, Blondet, Le Corroller, Béraudo conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Gailly, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;