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06/02/2003 | FRANCE | N°00-20780

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 février 2003, 00-20780


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., "prêtre de l'Eglise néo-apostolique" et gérant d'une société de construction immobilière, a été condamné pénalement pour escroquerie envers M. Y... ; que ce dernier a assigné en responsabilité et dommages-intérêts l'association Eglise néo-apostolique (l'association) notamment sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'

avoir débouté de ses demandes contre l'association alors, selon le moyen :

1 / que le comme...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., "prêtre de l'Eglise néo-apostolique" et gérant d'une société de construction immobilière, a été condamné pénalement pour escroquerie envers M. Y... ; que ce dernier a assigné en responsabilité et dommages-intérêts l'association Eglise néo-apostolique (l'association) notamment sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes contre l'association alors, selon le moyen :

1 / que le commettant répond des fautes de son préposé ;

qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... avait la qualité statutaire de serviteur de l'église, serviteurs qui conduisent selon la mission qu'ils ont reçue de leur chef spirituel ou apôtre-président, les districts et les communautés dans leurs domaines d'activité respectifs ;

qu'en estimant néanmoins que M. X... qui exerçait notamment des activités pastorales dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par l'association, n'était pas dans un lien de subordination par rapport à l'autorité hiérarchique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article 1384, alinéa 5, du Code Civil ;

2 / que les statuts de l'association prévoyaient l'exclusion d'un de ses membres par le chef spirituel ou apôtre président de l'Eglise néo-apostolique de France ; qu'en écartant dès lors tout lien de préposition entre M. X..., serviteur de l'église, sous l'autorité disciplinaire de sa hiérarchie et ladite Eglise néo-apostolique, la cour d'appel a dénaturé par omission les statuts de l'association, violant l'article 1134 du Code Civil ;

3 / que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision de condamnation ; que dans son jugement définitif de condamnation par escroquerie de M. X..., le tribunal correctionnel de Bastia a, dans les motifs qui sont le soutien nécessaire de sa décision, caractérisé les man uvres de M. X... qui ont pu être perpétrées "grâce aux liens personnels noués avec les époux Y... sous un couvert apostolique" ; qu'en énonçant dès lors que l'escroquerie réalisée par M. X... était étrangère à son activité spirituelle au sein de l'Eglise néo-apostolique, la cour d'appel a violé l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, et par là même les articles 1351 du Code civil et 4 du Code de procédure pénale ;

4 / que le commettant est responsable de son préposé dès lors que la victime a pu croire que ce préposé agissait dans le cadre de ses fonctions, ce préposé ayant trouvé dans ses fonctions l'occasion et les moyens de sa faute ; que M. X... n'a pu perpétrer son escroquerie au préjudice des exposants qu'à l'occasion de ses fonctions et avec les moyens mis à sa disposition par l'association dont l'objet social permet la réalisation d'affaires immobilières ; qu'en estimant que M. X... avait agi en dehors de ses fonctions au sein de l'association, au seul motif qu'il avait agi en sa qualité de gérant d'une société immobilière extérieure à son activité spirituelle, sans rechercher si M. X... n'avait pas trouvé dans ses fonctions l'occasion et les moyens de perpétrer ses manoeuvres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code Civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... était un "prêtre de l'Eglise néo-apostolique" et en était un "serviteur" ; que ce vocable, utilisé à côté du terme "fidèle", a une connotation religieuse ne permettant pas d'établir l'existence d'un lien de subordination répondant aux conditions de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, le "serviteur" exerçant une activité de type pastoral ; que si M. X... et les époux Y... ont fait connaissance en raison de leur appartenance commune à l'Eglise néo-apostolique, l'escroquerie est exclusivement liée à l'activité professionnelle de M. X..., gérant d'une société immobilière, extérieure et étrangère à son "activité spirituelle" au sein de l'Eglise, laquelle n'avait aucune influence ni droit de regard sur cette activité professionnelle, que M. X... a ainsi agi en dehors de ses fonctions au sein de l'association, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ;

Que par ces constatations et énonciations dont il résulte que M. X... a agi à l'égard de M. Y... dans le cadre de son activité professionnelle, étrangère à ses attributions "spirituelles" au sein de l'Eglise et que la manière dont MM. X... et Y... ont fait connaissance était sans influence sur les manoeuvres entreprises par ce dernier, le jugement correctionnel qui a condamné M. X... s'étant borné à retenir au titre des manoeuvres frauduleuses les liens personnels existant entre l'auteur et la victime, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée au pénal, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que l'association a demandé la suppression des passages suivants des conclusions de M. Y... devant la cour d'appel : "Il est fort à parier que si l'action avait été dirigée contre le chef suprême, celui-ci aurait tenté de s'exonérer par sa subordination à Dieu ... et dont personne n'est responsable, Car, quelle est la fonction d'un prêtre d'une telle église, dont l'objet social est notamment d'acquérir tout bien immobilier (en fait : mobilier) ou immobilier si ce n'est de rassembler des gens, d'acquérir leur confiance et de se faire remettre des sommes, Mais il est bien évident que les statuts n'allaient pas mentionner expressément le terme d'escroquerie, Elle a donc donné à son prêtre les moyens matériels et intellectuels d'escroquer M. Y..., Le chapitre relatif aux offrandes figurant dans les écritures de l'église frôle le comique" ;

Attendu que pour ordonner cette suppression la cour d'appel s'est fondée sur l'article 24 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'en se déterminant ainsi alors que seul l'article 41 susvisé était applicable, la cour d'appel a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la suppression des passages suivants des écritures de M. Y... devant la cour d'appel datées du 25 février 2000 : "Il est fort à parier que si l'action avait été dirigée contre le chef suprême, celui-ci aurait tenté de s'exonérer par sa subordination à Dieu ... et dont personne n'est responsable, Car, quelle est la fonction d'un prêtre d'une telle église, dont l'objet social est notamment d'acquérir tout bien immobilier (en fait : mobilier) ou immobilier si ce n'est de rassembler des gens, d'acquérir leur confiance et de se faire remettre des sommes, Mais il est bien évident que les statuts n'allaient pas mentionner expressément le terme d'escroquerie, Elle a donc donné à son prêtre les moyens matériels et intellectuels d'escroquer M. Y..., Le chapitre relatif aux offrandes figurant dans les écritures de l'église frôle le comique", l'arrêt rendu le 30 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. Y... et de l'association Eglise néo-apostolique ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 00-20780
Date de la décision : 06/02/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Conclusions - Suppression - Passages mettant en cause une partie - Fondement juridique.

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Suppression - Conclusions - Passages mettant en cause une partie - Fondement juridique

Viole l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 la cour d'appel qui, pour ordonner la suppression de passages des conclusions d'une partie mettant en cause une autre partie, s'est fondée sur l'article 24 du nouveau Code de procédure civile, alors que seul l'article 41 précité était applicable.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 41
nouveau Code de procédure civile 24

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 30 mai 2000

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 1998-05-19, Bulletin 1998, I, n° 180 (2), p. 120 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Chambre civile 2, 2000-03-02, Bulletin 2000, II, n° 40, p. 28 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 fév. 2003, pourvoi n°00-20780, Bull. civ. 2003 II N° 28 p. 24
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 28 p. 24

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel .
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Mazars.
Avocat(s) : la SCP Ghestin, M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.20780
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