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06/02/2003 | FRANCE | N°00-20147

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 février 2003, 00-20147


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué et les productions, que le syndicat Union nationale des agents techniciens ouvriers de service (UNATOS) de la Réunion a publié, dans le numéro 4 de son journal "L'espoir" de septembre 1995, en page 4, un article intitulé "les adhérents ont la parole", non signé, mettant en cause un fonctionnaire responsable syndical, celui du SNAEN-FEN, désigné par l'initiale de son nom, M. B., et sa famille ; que par acte d'huissier de justice du

18 octobre 1995, M. Bernard X..., Mme Céline X... et Mlle Véronique X...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué et les productions, que le syndicat Union nationale des agents techniciens ouvriers de service (UNATOS) de la Réunion a publié, dans le numéro 4 de son journal "L'espoir" de septembre 1995, en page 4, un article intitulé "les adhérents ont la parole", non signé, mettant en cause un fonctionnaire responsable syndical, celui du SNAEN-FEN, désigné par l'initiale de son nom, M. B., et sa famille ; que par acte d'huissier de justice du 18 octobre 1995, M. Bernard X..., Mme Céline X... et Mlle Véronique X..., retenant l'article du journal en entier, et relevant que M. X... était dénigré dans l'exercice de ses fonctions et que sa femme et sa fille étaient présentées comme ayant bénéficié d'irrégularités commises par l'administration rectorale à la suite de ses interventions, ont fait assigner devant le tribunal d'instance, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, le syndicat UNATOS et son responsable local, M. Y..., en réparation du dommage causé par la publication et la diffusion du journal contenant les propos litigieux dans les lycées et collèges de la Réunion ;

que par jugements des 18 décembre 1995, 19 février 1996, 17 juin 1996, le Tribunal a prononcé des remises de cause ; qu'à l'audience du 16 septembre 1996, le Tribunal a mis l'affaire en délibéré ; que par jugement du 10 février 1997, il a ordonné la production de l'article de presse litigieux ; que par jugement du 23 juin 1997, après avoir analysé la teneur des propos incriminés, et retenu que l'action relevait de la prescription de trois mois prévue par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, le Tribunal a décidé qu'elle avait été régulièrement interrompue jusqu'à ce jugement ; que par jugement du 28 septembre 1998, le Tribunal a retenu le caractère diffamatoire des propos incriminés, et condamné in solidum le syndicat et M. Y... à indemniser les consorts X... ;

Sur les premier et deuxième moyens, réunis, tels que reproduits en annexe :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir soumis leur action en diffamation aux dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sans caractériser tous les éléments constitutifs de la diffamation ;

Mais attendu que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Et attendu que l'arrêt retient que les faits au titre desquels les consorts X... sollicitent réparation relèvent d'une action en diffamation régie par les articles 29 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 puisqu'il est reproché au syndicat UNATOS et à M. Karl Y..., ès qualités de responsable de ce syndicat, d'avoir publié dans le journal syndical des propos jugés offensants et d'avoir diffusé cet écrit ;

Que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, qui impliquent l'intention de nuire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen pris en sa première branche :

Vu l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que l'appel interrompt, dès sa déclaration, la prescription de l'action en diffamation, quelle que soit la partie dont il émane ;

Attendu que pour déclarer prescrite l'action des consorts X..., l'arrêt relève que ceux-ci ont déposé leurs premières écritures devant la cour d'appel le 21 mai 1999 alors que le délai de la prescription de trois mois instituée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 qui avait commencé à courir à la date du jugement du 28 septembre 1998 était venu à expiration le 29 décembre 1998 et que dans l'intervalle les consorts X... n'avaient à aucun moment formalisé un acte manifestant sans équivoque leur volonté de continuer leur action ;

qu'ils ne sauraient prétendre que le délai de prescription s'est trouvé interrompu par la déclaration d'appel du 16 octobre 1998 alors qu'ils ne sont pas à l'origine de cet appel ;

En quoi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, autrement composée ;

Condamne l'Union nationale des agents techniques ouvriers de service et M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 00-20147
Date de la décision : 06/02/2003
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne - Article d'un journal syndical publiant des propos offensants sur un fonctionnaire et sa famille.

1° PRESSE - Liberté d'expression - Abus - Réparation - Fondement juridique 1° PRESSE - Procédure - Fondement juridique - Abus de la liberté d'expression - Réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil - Exclusion.

1° Les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Tel est le cas de la publication, dans un journal syndical, de propos diffamatoires envers un fonctionnaire et sa famille. Une cour d'appel, qui retient que les faits au titre desquels il est sollicité réparation relèvent d'une action en diffamation régie par les articles 29 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 puisqu'il est reproché à un syndicat et à un de ses responsables d'avoir publié dans le journal syndical des propos jugés offensants et d'avoir diffusé cet écrit, apprécie exactement le sens et la portée des propos incriminés, qui impliquent l'intention de nuire.

2° PRESSE - Procédure - Prescription - Interruption - Déclaration d'appel.

2° L'appel interrompt, dès sa déclaration, la prescription de l'action en diffamation, quelle que soit la partie dont il émane. Dès lors, viole l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 la cour d'appel qui, pour déclarer prescrite une action en réparation qu'elle a soumise aux dispositions de ce texte, relève que les parties qui l'ont engagée ont déposé leurs premières écritures devant la cour d'appel alors que le délai de la prescription instituée par l'article précité qui avait commencé à courir à la date du jugement sur le fond était venu à expiration, que dans l'intervalle elles n'avaient à aucun moment formalisé un acte manifestant sans équivoque leur volonté de continuer leur action, et qu'elles ne sauraient prétendre que le délai de prescription s'est trouvé interrompu par une déclaration d'appel alors qu'elles ne sont pas à l'origine de cet appel.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code civil 1382
Loi du 29 juillet 1881 art. 65
Loi du 29 juillet 1981 art. 29, 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 23 juin 2000

A RAPPROCHER : (1°). Assemblée plénière, 2000-07-12, Bulletin 2000, Assemblée plénière, n° 8, p. 13 (rejet) et les arrêts cités. A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 2, 1999-12-16, Bulletin 1999, II, n° 191, p. 131 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 fév. 2003, pourvoi n°00-20147, Bull. civ. 2003 II N° 29 p. 25
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 29 p. 25

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Guerder.
Avocat(s) : la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.20147
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