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06/02/2003 | FRANCE | N°00-13167

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 février 2003, 00-13167


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 janvier 2000) et les productions, que M. X... a distribué en octobre 1995, sur le parking d'un centre commercial Leclerc exploité par la société Aviroc et par la société Angledis un tract syndical, attribué à la CFTC, mettant en cause M. Y..., "président directeur général" de ces sociétés ; que par acte d'huissier de justice du 18 janvier 1996, les sociétés Aviroc et Angledis (les sociétés) ont fait assigner M. X... deva

nt le tribunal de grande instance, en réparation du préjudice occasionné par ses...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 janvier 2000) et les productions, que M. X... a distribué en octobre 1995, sur le parking d'un centre commercial Leclerc exploité par la société Aviroc et par la société Angledis un tract syndical, attribué à la CFTC, mettant en cause M. Y..., "président directeur général" de ces sociétés ; que par acte d'huissier de justice du 18 janvier 1996, les sociétés Aviroc et Angledis (les sociétés) ont fait assigner M. X... devant le tribunal de grande instance, en réparation du préjudice occasionné par ses agissements fautifs ; que par conclusions signifiées le 3 avril 1996, les sociétés ont déclaré étendre leur demande à un tract distribué par M. X... le 18 janvier 1996, et M. Y... est intervenu volontairement à l'instance pour réclamer réparation du préjudice occasionné par sa diffamation dans ce tract ; que par jugement du 29 janvier 1997, le tribunal de grande instance s'est déclaré incompétent pour statuer sur les actions en diffamation, et a renvoyé l'affaire au tribunal d'instance en application de l'article R. 321-8 du Code de l'organisation judiciaire ; que le tribunal d'instance a déclaré recevable les actions en diffamation, mais en a débouté les sociétés et M. Y... ;

Sur le second moyen, qui est préalable :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes des sociétés et de M. Y..., alors, selon le moyen :

1 / que les juges du fond excèdent leur pouvoir lorsqu'après avoir déclaré une demande irrecevable, ils en déboutent néanmoins les parties au fond, ou rejettent la demande comme mal fondée, d'où s'évince qu'ils ont examiné au fond une demande irrecevable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dans le dispositif de sa décision dit les sociétés et M. Y... irrecevables en leur action, et confirmé les autres dispositions du jugement ; que ce jugement avait dit l'action des sociétés et M. Y... recevable, mais les en avait déboutés ; qu'à considérer que la cour d'appel ait entendu confirmer le débouté au fond prononcé par les premiers juges, après avoir quant à elle considéré que l'action des sociétés et M. Y... était irrecevable, elle n'a pu qu'excéder ses pouvoirs, et violer les articles 122, 455 et 562 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / en tout état de cause, les sociétés et M. Y... faisaient valoir devant les juges du fond que la responsabilité de M. X... était recherchée certes en tant qu'auteur du tract litigieux, mais aussi et surtout en tant que distributeur de ce tract, et ce sur le fondement de l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en outre, dans le tract litigieux du 28 mai 1996, les sociétés et M. Y... dénonçaient, non pas le fait qu'il soit fait allusion à des éléments de la vie privée de Mme Z... que M. X... n'aurait pu connaître, mais bien le fait qu'il ait été imputé à l'employeur une "odieuse machination, montée de toute pièce par le PDG et le directeur et le chef de rayon charcuterie", ainsi que des procédures qualifiées de "révoltantes" utilisées par M. Y..., pour "assouvir sa vindicte avec les sous d'Aviroc" ; que les juges du fond, qui n'ont aucunement recherché si M. X..., qui ne contestait aucunement avoir distribué le tract litigieux, pouvait engager sa responsabilité de ce fait, ni non plus recherché dans quelle mesure l'imputation à l'employeur d'une "odieuse machination", de "procédures révoltantes" et d'un assouvissement de sa "vindicte" à l'aide de l'argent de la société ne constituait pas une diffamation, ont manifestement privé leur décision de base légale au regard des articles 29 et suivants et 42 de la loi du 29 juillet 1881, et L. 412-8 du Code du travail ;

Mais attendu qu'en déclarant irrecevables en leur action les sociétés et M. Y..., l'arrêt, qui a réformé partiellement le jugement attaqué sur l'appel incident de M. X..., a annulé la disposition du jugement prononçant le débouté des demandes jugées recevables ; que le moyen, en sa première branche, manque en fait ;

Et attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation ni d'aucunes conclusions que les parties poursuivantes aient allégué des faits commis dans un tract du 28 mai 1996 ; que les faits allégués avaient été commis en octobre 1995 et le 18 janvier 1996 ; que l'arrêt ayant déclaré les actions irrecevables en raison de leur prescription, le moyen, en sa seconde branche, est inopérant ;

Et sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré leurs actions en diffamation prescrites, alors, selon le moyen, que le délai de prescription de trois mois propre aux actions en diffamation est valablement interrompu par la communication de pièces émanant de la partie poursuivante ; que la prescription de l'action est en outre suspendue à compter de l'audience et durant tout le délibéré, la partie poursuivante étant dans l'impossibilité d'accomplir un acte de procédure pour manifester à son adversaire l'intention de continuer l'action engagée ; qu'en l'espèce, il résultait des écritures mêmes de la partie poursuivie pour diffamation que le poursuivant avait conclu et lui avait communiqué des pièces le 28 mai 1996, donc postérieurement aux conclusions signifiées le 3 avril 1996 ; qu'en outre, il était constant que l'affaire avait été plaidée à l'audience du 12 juin 1996, et mise en délibéré jusqu'à la décision du Tribunal rendue le 29 janvier 1997 ; que la prescription avait donc été interrompue le 28 mai 1996, et qu'elle avait en tout état de cause été suspendue, à compter de l'audience du 12 juin 1996, pour toute la durée du délibéré et jusqu'au prononcé de la décision du 29 janvier 1997 ; que la cour d'appel, qui a jugé l'action des sociétés et de M. Y... irrecevables, en considérant à tort qu'aucune cause d'interruption de la prescription n'était intervenue entre le 3 avril 1996 et le 29 janvier 1997, a violé l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que l'action en diffamation ne peut être étendue par voie de conclusions à des faits postérieurs à l'acte introductif d'instance qui a fixé irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen, et dès lors que l'acte introductif d'instance, délivré plus de trois mois après la distribution d'octobre 1995, le 18 janvier 1996, n'articulait pas les faits commis à cette dernière date, la décision, qui a constaté l'extinction des actions en diffamation par la prescription, se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Angledis, Aviroc et M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives des sociétés, de M. Y... et de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 00-13167
Date de la décision : 06/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Procédure - Assignation - Mentions obligatoires - Précision et qualification du fait invoqué - Conclusions - Extension à des faits postérieurs à l'assignation - Possibilité (non).

PRESSE - Procédure - Assignation - Mentions obligatoires - Précision et qualification du fait invoqué - Portée

L'action en diffamation ne peut être étendue par voie de conclusions à des faits postérieurs à l'acte introductif d'instance qui a fixé irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 20 janvier 2000

A RAPPROCHER : Chambre criminelle, 1995-07-11, Bulletin criminel 1995, n° 256, p. 715 (cassation partielle) ; Chambre criminelle, 1996-01-23, Bulletin criminel 1996, n° 36, p. 87 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 fév. 2003, pourvoi n°00-13167, Bull. civ. 2003 II N° 31 p. 28
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 31 p. 28

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Guerder.
Avocat(s) : la SCP Gatineau, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.13167
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