AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de ce qu'il se désiste de son pourvoi à l'encontre de la Compagnie des transports saumurois ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, un accord a été conclu le 25 mai 1982 entre la direction de la société des Transports saumurois, aux droits de laquelle se trouve la Compagnie des transports saumurois, et les délégués du personnel sur l'instauration d'un treizième mois pour l'ensemble du personnel ; que le 19 février 1993, un protocole d'accord de fin de grève a dénoncé l'ensemble des accords et usages existant dans l'entreprise et fixé à la fin juin 1993 le délai pour conclure un nouvel accord ; qu'après échec des négociations, l'employeur a proposé à chaque salarié de signer un avenant, avec effet au 1er juillet 1994, prévoyant notamment le remplacement du treizième mois par une prime de fin d'année d'un montant inférieur jusqu'à ce que la situation de l'entreprise se rétablisse ; que M. Y... et plusieurs autres salariés, après avoir signé ces avenants en y ajoutant la mention manuscrite "sous réserve de mes droits collectifs", ont saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir l'annulation de ces actes ainsi que le paiement de diverses sommes ;
Attendu que, pour débouter les salariés de leurs demandes, la cour d'appel énonce que les salariés ont accepté et signé un avenant prévoyant la suppression du 13e mois jusqu'à ce que la situation de l'entreprise se rétablisse et que, dès lors, le débat portant sur la nature de l'accord ayant institué initialement le versement d'un 13e mois, la qualité réelle des signataires de cet accord et la validité de sa dénonciation est sans portée réelle ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les conditions de versement du 13e mois ne pouvaient être modifiées par un avenant au contrat de travail dans un sens moins favorable que celles prévues par un accord collectif ou par un accord valant engagement unilatéral de l'employeur tant que cet accord demeurait en vigueur et qu'il lui appartenait, dès lors, comme l'y invitaient les conclusions des salariés de rechercher, au regard de la nature juridique de l'accord de 1982, si sa dénonciation était régulière et opposable aux salariés concernés à la date de signature des avenants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2044 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter les salariés de leur demande d'annulation des avenants au contrat de travail, la cour d'appel, après avoir rappelé que ceux-ci soutenaient que la mention de réserves sur ces avenants devait être appréciée comme un refus de leur part d'accepter la suppression du 13e mois et qu'ils invoquaient la violence morale exercée par l'employeur et la crainte d'être licenciés en cas de refus, retient que ces salariés étaient parfaitement à même de disposer des droits en cause ; que, dès lors, la référence à des réserves portant sur des questions parfaitement périphériques par rapport à la question posée, ne peut être utilement prise en compte ; que les circonstances invoquées sont trop générales et ne caractérisent pas la violence ou la contrainte, au sens de l'article 1111 du Code civil, étant observé que l'employeur ne peut être considéré comme responsable du climat économique général ;
qu'on ne peut donc accorder aucune efficacité aux réserves apportées par les salariés et qu'il convient d'en rester au fait central qu'ils ont accepté et signé l'avenant prévoyant entre autres la suppression du 13e mois, jusqu'à ce que la situation de l'entreprise se rétablisse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la mention manuscrite "sous réserves de mes droits" ne caractérisait pas de la part des salariés concernés une volonté claire et non équivoque d'accepter la diminution du 13e mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions ayant débouté les salariés de leurs demandes relatives à la prime de 13e mois et de leur demande en annulation des avenants au contrat de travail, l'arrêt rendu le 9 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la Compagnie des transports saumurois aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille trois.