AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 avril 2001), que la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Languedoc Roussillon (SAFER) a rétrocédé à la société Coopérative de vinification du Château d'Aubiry (la coopérative) une parcelle cadastrée A n° 1636 ; que la société RE, acquéreur évincé, a assigné la SAFER et la coopérative en nullité de la rétrocession ;
Attendu que la société RE fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'alinéa 4, de l'article R. 142-3, du Code rural, les appels de candidatures à l'acquisition d'un bien rétrocédé par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural doivent être publiés dans deux journaux diffusés dans le département intéressé ; que pour rejeter le moyen soulevé par la société RE et tiré de ce que la SAFER Languedoc Roussillon n'avait pas respecté la procédure de rétrocession du bien litigieux, l'arrêt constate qu'un appel à candidatures a été publié dans le PARJAL n° 2021 du 26 août 1995 ; qu'en jugeant néanmoins que la SAFER avait, au cas d'espèce, respecté la procédure de rétrocession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que l'appel de candidatures n'avait été publié que dans un seul journal, et a, de ce fait, violé l'article R. 142-3, alinéa 4, du Code rural ;
2 / qu'il résulte de l'article R. 142-4 du Code rural, applicable aux rétrocessions de biens à l'amiable, que la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit informer les candidats évincés des motifs ayant déterminé son choix et que la motivation ainsi fournie doit permettre de vérifier la conformité du choix de la SAFER avec les objectifs définis par la loi ; que la cour d'appel constate que la SAFER justifie la rétrocession par la considération que le bien rétrocédé n'ayant pas strictement de vocation agricole, la préférence a été donnée à une coopérative en vue de conforter une structure économique représentant les intérêts des exploitants du secteur ; qu'en estimant qu'une telle motivation permettait de dire conforme aux critères légaux la rétrocession opérée, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de l'appelante si l'imbrication de la parcelle litigieuse dans celles appartenant à la société RE, et la nécessité corrélative d'établir un état descriptif et division et un règlement de copropriété n'obérait pas l'intérêt économique et social de sa rétrocession au profit de la société Coopérative de vinification du Château d'Aubiry, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 142-4 du Code rural ;
Mais attendu, d'une part, que la société Re n'ayant pas soutenu, devant les juges du fond, que la SAFER n'avait pas respecté la procédure de rétrocession en ne publiant l'appel à candidatures que dans un seul journal, le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau de ce chef ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant exactement relevé que le contrôle juridictionnel sur les décisions de rétrocession prises par les SAFER se limitait à l'appréciation de leur légalité et de leur régularité et ne pouvait, en aucun cas, concerner leur opportunité, la cour d'appel, qui a retenu que la motivation de la rétrocession était "le bien rétrocédé n'ayant pas strictement de vocation agricole, la préférence a été donnée à une coopérative en vue de conforter une structure économique représentant les intérêts des exploitants du secteur", a pu en déduire que rien ne la conduisait à considérer comme irrégulière cette décision clairement motivée ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Re aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Re à payer à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural du Languedoc Roussillon la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille trois.