AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° J 00-16. 453 et H 00-16. 106 ;
Donne acte à M. Y..., ès-qualités de mandataire judiciaire de la Société hôtelière Saint-Laurent, du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z..., ès qualités, le Bureau Véritas, la société Viron, les AGF, la compagnie l'Auxiliaire, M. X..., la société Monvert Entreprise, M. A..., ès qualités, la société Seramat, les Mutuelles du Mans assurances Iard, la SMABTP, la société AXA Assurances et Mme B..., ès qualités ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° J 00-16. 453 :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mars 2000), que par acte notarié du 17 mars 1989 la société City affaires a vendu aux sociétés Sofimurs, Selectibanque, Antin Bail et Sophiamurs un immeuble et que par acte du même jour, ces sociétés ont consenti à la Société hôtelière Saint-Laurent (SHSL) un crédit bail immobilier destiné à la réalisation de travaux permettant l'exploitation de cet immeuble en hôtel ;
que les travaux ont été confiés notamment à la société Copare, entreprise générale, qui les a sous-traités par lots à diverses entreprises, le contrôle technique étant confié à la société Contrôle et prévention aux droits de laquelle se trouve le Bureau Véritas ; qu'en raison de l'apparition de nombreux désordres et de prescriptions de sécurité imposées par la préfecture de Police, l'hôtel a été fermé à compter du 1er novembre 1992, pendant une durée de 17 mois et que la SHSL a assigné les sociétés crédit-bailleresses en annulation des clauses de non garantie des vices de construction, clause de résiliation anticipée et clause résolutoire et, invoquant l'exception d'inexécution, a demandé la suspension des échéances et des dommages-intérêts ; que la SHSL a en outre assigné les intervenants à la construction en réparation ;
Attendu que la société SHSL fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre les crédits bailleresses, alors, selon le moyen, que la clause, qui a pour objet de dispenser un contractant de l'obligation essentielle du contrat, doit être écartée, telle la clause de transfert de responsabilité de la garantie des malfaçons et vices cachés qui permettrait au crédit-bailleur de ne pas répondre d'une impossibilité absolue pour le crédit-preneur d'exercer son activité d'hôtel dans les lieux reçus à bail en sorte que ce crédit-preneur, nonobstant la clause, est fondé à opposer au crédit-bailleur, qui demande sa condamnation au paiement des loyers et la constatation de l'acquisition d'une clause résolutoire, l'exception d'inexécution en raison de l'impossibilité pour ce preneur d'exercer son activité hôtelière par suite de malfaçons et vices affectant l'immeuble ; que la cour d'appel ne pouvait donc statuer comme elle l'a fait (violation des articles 1131, 1184, 1719 et 1728 du Code civil et des règles qui régissent l'exception d'inexécution) ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les crédit-bailleresses n'avaient eu qu'un rôle de financiers, que l'opération d'acquisition, de réhabilitation et aménagement avait été entièrement initiée par le fondateur de la SHSL qui en avait ensuite repris les engagements, que la clause selon laquelle le bailleur était dégagé de toute responsabilité en cas de litige ou contestation survenant au sujet de la conception, de la construction, de la qualité des matériaux ou des vices apparents ou cachés, prenait exactement en compte cette réalité d'une édification par le preneur en vertu du mandat qui lui a avait été donné à cette fin, la cour d'appel a pu en déduire que l'exception d'inexécution ne pouvait trouver application, la privation de jouissance tenant à des vices cachés dont le crédit-bailleur était exonéré par la convention ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi n° J 00-16. 453, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que les juges du fond n'ont pas à motiver spécialement leur décision lorsque, faisant application pure et simple des conventions, ils refusent de modérer la peine forfaitairement convenue ;
Attendu, d'autre part, que la société SHSL, n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que l'indemnité d'occupation correspondait à un préjudice déjà réparé par la clause pénale, mais seulement que le quantum réclamé était excessif, le moyen est nouveau de ce chef ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, est mal fondé pour le surplus ;
Sur le moyen unique du pourvoi H 00-16. 106 :
Attendu que la société Bureau Véritas, venant aux droits de la société Contrôle et prévention (CEP), fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société SHSL une certaine somme au titre de ses dommages immatériels, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte de l'application combinée des dispositions des articles L. 111-24 du Code de la construction et de l'habitation et 1792 et 1792-2 du Code civil que la responsabilité qui pèse sur le contrôleur technique dans les limites de sa mission ne permet de garantir de plein droit que la réparation des seuls dommages à l'ouvrage sans pouvoir s'étendre aux dommages immatériels qui ne peuvent être réparés que dans les conditions du droit commun de la responsabilité civile ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel de Paris a fait une fausse application des dispositions de l'article L. 111-24 du Code de la construction et de l'habitation ainsi que des articles 1792 et 1792-2 du Code civil ;
2 / que, selon les prévisions de l'article L. 111-23 du Code de la construction et de l'habitation, le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages, en donnant un avis technique sans que celui-ci soit obligatoirement suivi d'effet ; que cette mission purement consultative engendre une responsabilité exorbitante du droit commun, une abstention fautive de la part du contrôleur ne pouvant avoir de conséquence certaine quant à la réalisation d'un dommage directement causé par le fait des entrepreneurs et constructeurs vis-à-vis desquels le contrôleur n'a aucun pouvoir de contrainte ; qu'il en résulte que la responsabilité décennale du contrôleur doit être entendue strictement et limitée aux seuls dommages à l'ouvrage, dans les termes des articles 1792 et 1792-2 du Code civil ; qu'ainsi la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions des articles L. 111-23 et L. 111-24 du Code de la construction et de l'habitation et fait une fausse application des articles 1792 et 1792-2 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les désordres subis par la société SHSL relevaient de la garantie décennale, et que le CEP, en négligeant de respecter les termes de sa mission, avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 111-24 du Code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel en a déduit à bon droit que ce contrôleur technique était tenu de réparer le préjudice immatériel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Bureau Véritas à payer aux Mutuelles du Mans assurances la somme de 1 900 euros, à la compagnie l'Auxiliaire la somme de 900 euros et à la société AXA Assurances la somme de 750 euros, la somme de 1 800 euros à la société Viron, la somme de 1 900 euros aux sociétés Sofimurs, Sophiamurs, Antin Bail et Selectibanque, ensemble, et la somme de 750 euros à la société Seramat ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la compagnie AGF, de Mme Y..., ès qualités, et la demande des sociétés Sofimurs, Sophiamurs, Antin Bail et Selectibanque, en ce qu'elle est dirigée contre Mme Y..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille trois.