AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me BROUCHOT et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... William,
- Y... Vincent,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 27 septembre 2002, qui, dans l'information suivie contre eux pour tentative d'extorsion de fonds et complicité, abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux, a rejeté leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 18 novembre 2002 joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Lagardère, le procureur de la République a requis, le 22 janvier 1997, l'ouverture d'une information contre personne non dénommée du chef de tentative d'extorsion de fonds ; que, le même jour, a été désigné le juge d'instruction chargé de cette information, auquel ont été adjoints, le 8 décembre 1999, deux magistrats ; que, par réquisitoires supplétifs en date des 3 avril 2000, 19 avril 2000 et 3 avril 2001, la saisine des juges d'instruction a été étendue à des faits nouveaux retenus sous les qualifications d'abus de biens sociaux, recel de ce délit, faux et usage de faux ; qu'au cours de l'information, plusieurs personnes ont été mises en examen, dont William X..., avocat, le 12 juin 2001, des chefs de tentative d'extorsion de fonds, recel, faux et usage de faux, et Vincent Y..., également avocat, le 24 juillet 2001, pour complicité de tentative d'extorsion de fonds, faux, usage de faux, et complicité d'abus de biens sociaux ; que, par requêtes en date des 12 décembre 2001 et 18 janvier 2002, ils ont saisi la chambre de l'instruction de demandes d'annulation d'acte de la procédure en application de l'article 173 du Code de procédure pénale ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, des articles 1er, 80, 81, 173, 174, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de nullité de la procédure concernant l'ensemble des actes de celle-ci à compter de la cote D 104, et en tout cas de la date de nomination de M. Peyron à la tête de la section du parquet du procureur de la République chargé de la poursuite de l'action publique dans l'information ouverte depuis 1997 au cabinet de Mme Maligner-Peyron, juge d'instruction ;
"aux motifs que M. Peyron n'a personnellement signé ou visé aucune des réquisitions supplétives intervenues postérieurement à sa nomination à la tête du service le 2 février 2000, ni assisté à aucun acte d'instruction ; que ne demeure que le doute subjectif exprimé par le mis en examen sur l'impartialité du juge d'instruction, lié à la situation de son conjoint ; qu'il lui appartenait de solliciter la récusation de celle-ci ou le renvoi de l'affaire pour cause de suspicion légitime, un tel doute n'entrant pas dans les prévisions de l'article 173 du Code de procédure pénale et n'étant pas de nature à entraîner l'annulation de la procédure ;
"alors, d'une part, que ne sont valables que les actes de procédure effectués par un juge d'instruction compétent et agissant dans le cadre de ses pouvoirs ; que sa compétence et ses pouvoirs s'apprécient au regard de l'ensemble des règles qui gouvernent son intervention, y compris au regard de la règle d'impartialité objective qu'il doit respecter à tout moment de la procédure ; que, si cette impartialité objective n'existe pas, ou vient à disparaître, les parties sont recevables et bien fondées à solliciter l'annulation des actes effectués par lui en méconnaissance de cette exigence fondamentale, peu important l'existence de procédures de dessaisissement parallèles qui peuvent se combiner avec une requête en nullité mais qui n'ont ni le même objet ni le même effet puisqu'elles peuvent aboutir au maintien d'actes profondément irréguliers ; que la chambre de l'instruction a donc violé les textes et principes susvisés ;
"alors, d'autre part, que caractérise un doute objectif sur l'impartialité du magistrat instructeur le fait que celui-ci soit le conjoint du magistrat du ministère public placé à la tête du service du parquet précisément chargé de l'action publique dans une information suivie par ce magistrat instructeur, peu important que le parquetier en cause n'ait pas personnellement fait d'actes de poursuite dans cette procédure ; que le droit objectif, nécessaire et suffisant pour la mise en oeuvre de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, devait entraîner la nullité de tous les actes diligentés par le juge d'instruction à compter de son apparition" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Brouchot pour William X..., pris de la violation des articles 668 du Code de procédure pénale et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou de pièces de la procédure ;
"aux motifs que William X... soulève la nullité des actes réalisés par Mme Maligner-Peyron, juge d'instruction, à compter de la cote D 389 (correspondant à la demande par elle, le 19 décembre 1999, d'adjonction d'un ou plusieurs autres juges d'instruction à raison de la complexité de l'affaire), pour violation des articles 668 du Code de procédure pénale et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en faisant valoir que celle-ci est l'épouse du chef de la section du parquet du procureur de la République chargé des poursuites, M. Peyron ; que William X... estime dans sa requête que, depuis le 29 octobre 1999, date à laquelle il affirme que ce dernier a été nommé à ce poste, l'impartialité du magistrat instructeur n'est plus garantie et que cette situation porte atteinte au principe d'égalité des armes ; que, dans son mémoire, il précise que, s'agissant d'une cause d'incompatibilité, motif absolu d'abstention, les actes accomplis par Mme Maligner-Peyron (par elle-même ou sur ses instructions), à compter du 26 janvier 2000 sont entachés d'une nullité d'ordre public ; que s'il existe entre les membres du ministère public d'une même juridiction une certaine indivisibilité résultant de la communauté de fonctions qu'ils exercent, cette indivisibilité ne peut aller jusqu'à les faire considérer comme ayant tous participé aux poursuites exercées par l'un d'entre eux ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, L. 311-14 et R. 311-34 et suivants du Code de l'organisation judiciaire que les substituts sont placés sous la direction et le contrôle du procureur de la République, lequel peut, à tout moment, exercer lui-même les fonctions qu'il a pu spécialement déléguer à l'un d'entre eux ; que, dès lors, en dépit du fait que M. Peyron a été affecté par le procureur de la République à la section des affaires financières en qualité de chef de celle-ci, il demeure possible d'établir que celui-ci n'a pas personnellement participé aux actes de poursuite dans la présente affaire, voire même qu'il n'en a aucune connaissance personnelle, les substituts ayant signé les actes de poursuite ou assisté aux
actes d'instruction en ayant directement rendu compte au seul procureur de la République ; qu'en l'espèce, ainsi que l'indique la note de service du procureur de la République en date du 26 janvier 2000 que Mme l'avocat général verse aux débats, l'affectation de M. Peyron a pris effet à compter du 2 février 2000 en sorte que les allégations des demandeurs sur la période antérieure sont inopérantes ; qu'il ressort de l'examen du dossier que M. Peyron n'a personnellement signé ou visé aucune des réquisitions supplétives intervenues postérieurement et n'a jamais assisté aux actes d'instruction ; qu'au surplus, l'information étant toujours en cours, en l'absence d'appréciation sur l'existence ou non de charges susceptibles d'être retenues, le grief pris de ce que les époux Peyron pourraient paraître avoir tous deux connu d'une même cause, au sens des dispositions des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et R. 721-1 du Code de l'organisation judiciaire, ne peut être admis ; qu'en cet état, ne demeure que le doute subjectif exprimé par William X... et Vincent Y... sur l'impartialité du juge d'instruction, Mme Maligner-Peyron, lié à la situation de son conjoint ; qu'il appartenait cependant à ces demandeurs, et leur appartient toujours, de solliciter la récusation de celle-ci ou le renvoi de l'affaire pour cause de suspicion légitime par application des dispositions des articles 662 et 668 du Code de procédure pénale, un tel doute n'entrant pas dans les prévisions de l'article 173 du Code de procédure pénale et n'étant pas de nature à entraîner l'annulation de la procédure ;
"alors que l'information judiciaire a été confiée, à compter du 22 janvier 1997 à Mme Maligner-Peyron, juge d'instruction ; qu'à l'automne 1999, M. David Peyron a pris la direction de la section des affaires financières du parquet de Paris ;
que Mme Maligner-Peyron étant l'épouse de M. David Peyron, le juge d'instruction et le parquet en charge du dossier se sont trouvés alliés, de sorte que n'était plus garantie l'impartialité du magistrat instructeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'après avoir relevé que le juge d'instruction initialement désigné était le conjoint du premier substitut, chef de la section financière, laquelle était chargée de suivre, au sein du ministère public, le dossier de l'information les concernant, Vincent Y... et William X... ont demandé à la chambre de l'instruction, sur le fondement, notamment, de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et du principe de séparation des fonctions de poursuite et d'instruction, l'annulation des actes accomplis par le magistrat instructeur faisant valoir que celui-ci ne présentait pas toutes les garanties objectives d'impartialité ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, la chambre de l'instruction énonce que, s'il existe entre les membres du ministère public d'une même juridiction une certaine indivisibilité résultant de la communauté de fonctions qu'ils exercent, cette indivisibilité ne peut aller jusqu'à les faire considérer comme ayant tous participé aux poursuites exercées par l'un d'entre eux ; qu'elle rappelle, en outre, que les substituts affectés, par le procureur de la République, au sein de l'un des services du parquet, demeurent placés sous la direction et le contrôle de ce magistrat, en application des articles 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature et des articles L. 311-14, R. 311-34 et R. 311-35 du Code de l'organisation judiciaire ; qu'après avoir constaté qu'en l'espèce, par une note de service du procureur de la République en date du 26 janvier 2000, le premier substitut, conjoint du juge d'instruction, avait été affecté, à compter du 2 février suivant, à la section financière du parquet, en qualité de chef de cette section, les juges retiennent qu'il n'a personnellement signé ou visé aucun des réquisitoires supplétifs, qu'il n'a jamais assisté aux actes d'instruction et que rien n'établit ainsi qu'il soit intervenu personnellement, de manière directe ou indirecte, dans l'information confiée à son conjoint ;
que les juges ajoutent que, le magistrat instructeur n'ayant pas eu à apprécier la valeur des charges susceptibles d'être retenues à l'encontre des personnes mises en examen, il ne peut être soutenu, en toute hypothèse, que lui et son conjoint auraient statué dans une même cause ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il n'est pas établi que le magistrat du ministère public, conjoint du juge d'instruction saisi du dossier, soit, en l'espèce, intervenu dans le déroulement de la procédure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation proposé par Me Brouchot pour William X..., pris de la violation des articles 105, 171, 802 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les auditions de William X... ;
"aux motifs que, dans le cadre d'une information ouverte contre personne non dénommée comme en l'espèce, la décision d'entendre une personne en qualité de témoin assisté relève de la seule appréciation du magistrat instructeur et que ce dernier a la faculté de ne mettre en examen une personne déterminée qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité ; que, même si les éléments susévoqués les mettaient en cause, William X..., Vincent Y... et Dominique Z... étaient susceptibles de s'en exonérer par leurs explications et la fourniture éventuelle d'éléments en leur possession ; qu'en toute hypothèse, s'ils ont exposé chacun leur rôle en donnant leur opinion, voire relaté des faits dont il estimait avoir été personnellement victime en ce qui concerne William X..., il n'en demeure pas moins qu'au cours des auditions litigieuses, aucun d'entre eux n'a admis avoir commis une infraction en sorte que leurs déclarations ne sont pas susceptibles de leur faire grief ; que la prestation de serment du témoin entendu sur commission rogatoire résulte des dispositions de l'article 153 du Code de procédure pénale applicable aux personnes gardées à vue, lesquelles ont la possibilité de ne pas répondre aux questions posées, en faisant usage du droit que leur confère l'article 63-1 du même Code ;
qu'en l'espèce, il résulte des cotes D 2260/2, D 2260/5, D 2298/2, D 2298/5, D 2294/2 et D 2294/5 du dossier que, dès leur placement en garde à vue, William X..., Vincent Y... et Dominique Z... ont reçu notification de leur droit de ne pas répondre aux questions des enquêteurs et qu'en leur qualité de professionnels du droit et de la procédure, puisqu'avocat inscrit aux barreaux de Paris et de New-York en ce qui concerne William X..., et avocats au barreau de Paris en ce qui concerne Vincent Y... et Dominique Z..., tous trois étaient particulièrement à même de comprendre la portée de l'avis ainsi donné et d'en faire usage ; que ce droit de ne pas répondre n'est nullement incompatible avec l'obligation de dire la vérité dans l'hypothèse où l'intéressé décide de répondre aux questions posées et lui permet, lorsqu'il en fait usage, de ne pas s'incriminer ; que la discussion sur la valeur probante, au sens de l'article 427 dudit Code, des déclarations ainsi recueillies, ne relève pas du contentieux des nullités régi par les articles 173 et suivants du susdit Code et ne peut qu'être déclarée étrangère à l'unique objet de la présente instance ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à annulation des auditions de William X..., Vincent Y... et Dominique Z... sur commission rogatoire ;
"alors que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ne peuvent être entendus comme témoins ; que William X... a été placé en garde à vue le 11 juin 2001 et entendu pendant près de 48 heures alors que, selon le magistrat instructeur et les enquêteurs, il existait d'ores et déjà, à cette date, après plus de quatre années d'instruction, des indices graves et concordants d'une participation de William X... aux faits dénoncés par la partie civile, en sorte qu'il a été manifestement porté atteinte à ses intérêts ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser de prononcer l'annulation des auditions de William X... intervenues en garde à vue" ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de William X... qui soutenait qu'en violation de l'article 105 du Code de procédure pénale, il avait été entendu les 11 et 12 juin 2001, sur commission rogatoire du juge d'instruction, malgré les indices graves et concordants réunis à son encontre, la chambre de l'instruction énonce que le magistrat instructeur avait la faculté de ne le mettre en examen qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition, sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité ; qu'elle retient qu'en l'espèce, lors de son audition, l'intéressé aurait pu fournir des explications et des éléments d'information qui eussent permis de le mettre hors de cause et d'éviter ainsi sa mise en examen ; que les juges ajoutent que William X... n'a fait alors aucune déclaration susceptible de lui faire grief ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 153, 113-7, 63, 63-1, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté Vincent Y... de sa demande d'annulation de ses auditions en garde à vue effectuées sous serment, ainsi que de toute la procédure subséquente ;
"aux motifs que le juge d'instruction a la faculté de ne mettre en examen une personne déterminée qu'après s'être éclairé notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin ;
que la prestation de serment du témoin entendu sur commission rogatoire résulte des dispositions de l'article 153 du Code de procédure pénale applicable aux personnes gardées à vue, lesquelles ont la possibilité de ne pas répondre aux questions posées ; que Vincent Y... a été informé de ce droit de ne pas répondre, qui n'est nullement incompatible avec l'obligation de dire la vérité dans l'hypothèse où l'intéressé décide de répondre aux questions posées, et qui lui permet, lorsqu'il en fait usage, de ne pas s'incriminer ;
"alors qu'il résulte de la combinaison des articles 153, 63 et 63-1 du Code de procédure pénale que ne peuvent être retenues en garde à vue que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ; que les gardés à vue doivent se voir notifier et reconnaître le droit de garder le silence, ce qui est incompatible avec le serment de dire la vérité ; qu'il en résulte que les auditions de personnes gardées à vue, nécessairement suspectées d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction - circonstance qui avait au demeurant été expressément notifiée à Vincent Y... - ne peuvent avoir lieu sous serment, sans porter atteinte aux droits de la défense ;
"et alors que, à supposer que Vincent Y... ne fût pas suspecté dans les termes de l'article 153-2 du Code de procédure pénale d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, il ne pouvait être retenu que pour le temps nécessaire à son audition en qualité de témoin ; que sa garde à vue devait alors être annulée" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, il résulte des dispositions combinées des articles 105, 113-1, 153 et 154 du Code de procédure pénale, qui ne sont pas contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'une personne placée en garde à vue sur commission rogatoire du juge d'instruction est entendue par l'officier de police judiciaire après avoir prêté le serment prévu par la loi, dès lors qu'il n'existe pas à son encontre des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ou qu'elle n'est pas nommément visée par un réquisitoire introductif ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 96, 56, 56-1 et 593 du Code de procédure pénale, 226-13 du Code pénal, violation des droits de la défense, excès de pouvoir, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré valables les saisies effectuées au cabinet d'avocat de Vincent Y... ;
"aux motifs que le respect du secret professionnel de l'avocat ne peut être entendu comme ayant un caractère absolu et ne peut faire obstacle à la saisie de pièces susceptibles d'établir la participation éventuelle de celui-ci à une infraction pénale; qu'au surplus, la comptabilité de l'avocat ainsi que les factures établies par lui n'entrent pas dans le camp d'application de l'article 61-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; que les correspondances ou pièces échangées entre avocats ainsi que les consultations de pièces relatives aux procédures, saisies en l'espèce, étaient en étroite relation avec les faits dénoncés par la partie civile (lesquels) auraient été commis à la faveur d'actes de la profession d'avocat tels que le soutien d'instances ou offres de transaction, donc de nature à établir la participation de l'avocat concerné aux infractions précitées ; que la saisie des éléments comptables n'est pas irrégulière et concerne directement les faits de l'information ;
"alors, d'une part, que les pièces comptables de l'avocat, notamment les factures établies nominativement et éventuellement avec des références à l'affaire traitée, relèvent de la sphère du secret professionnel ; qu'elles ne peuvent donc être saisies que si elles sont susceptibles de caractériser l'infraction elle-même ; que la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
"alors, d'autre part, que si des pièces couvertes par le secret professionnel de l'avocat peuvent être saisies par le juge d'instruction, à titre de preuve de la participation de cet avocat à l'infraction pénale en cause, ces saisies doivent rester strictement proportionnées à l'objectif de répression poursuivi par l'information, et ne doivent porter que sur les pièces strictement nécessaires à la preuve des infractions ; que toute saisie à mesure générale, portant sur des listes de clients étrangers à la procédure, sur l'exhaustivité des pièces comptables pendant une période donnée, ou des ensembles de pièces retenues prétendument pour faire la preuve négative de ce que l'avocat n'aurait pas eu telle ou telle personne comme client, doit être prohibée ; qu'en déclarant justifiées de telles saisies générales, au motif d'un rapport des pièces avec les infractions poursuivies, sans s'expliquer sur leur défaut total de proportionnalité avec l'objectif recherché, la chambre de l'instruction a encore violé les textes et principes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 22 mai 2000, lors d'une perquisition effectuée au cabinet de Vincent Y..., les juges d'instruction ont saisi plusieurs documents, parmi lesquels, notamment, des "listings" relatifs à la comptabilité de ce cabinet entre 1992 et 1997 ; que Vincent Y... a demandé l'annulation de cette saisie, soutenant qu'en violation des articles 96 du Code de procédure pénale et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, avaient été appréhendées des pièces étrangères à l'information et que le secret professionnel avait été méconnu ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, la chambre de l'instruction énonce, notamment, que le secret professionnel de l'avocat ne peut faire obstacle à la saisie de pièces susceptibles d'établir la participation éventuelle de celui-ci à une infraction pénale ; qu'elle relève que tel est le cas en l'espèce, l'information ayant pour objet de vérifier la réalité d'une "machination" qui aurait été conçue avec la participation de Vincent Y..., afin d'obtenir de la société Lagardère qu'elle accepte, par une transaction, le versement d'une importante somme d'argent en réparation d'un préjudice imaginaire, allégué par cet avocat devant la Commission des opérations de bourse, le tribunal de commerce et la cour d'appel de Paris au nom de la société GPSC, de la société Calpers et, prétendument, des "petits actionnaires français" de la société Matra ; que les juges retiennent que la saisie des éléments comptables précités était nécessaire pour comparer la liste exhaustive des clients du cabinet de Vincent Y... avec celle de ses prétendus mandants dans les actions en justice précitées ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que la saisie effectuée, en relation directe avec l'infraction objet de la poursuite, était limitée aux documents nécessaires à la manifestation de la vérité, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il critique un motif surabondant de l'arrêt attaqué, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, Mazars, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Ponsot, Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;