AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept décembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... DE Y... Yves,
contre l'arrêt de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, chambre correctionnelle, en date du 18 avril 2002, qui a prononcé sur une requête en rectification d'erreur matérielle ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 710, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 1351 du Code civil et du principe de l'autorité de la chose jugée, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, au prétexte d'une rectification d'une prétendue erreur matérielle dont serait entaché le jugement du tribunal correctionnel de Fort-de-France du 8 novembre 2000, dit que la peine prononcée à l'encontre d'Yves X... De Y... est d'une durée de 5 ans d'emprisonnement et non de 5 mois ;
"aux motifs que force est bien de constater qu'en l'espèce tous les éléments de fait concordent pour confirmer sans qu'aucun doute ne puisse subsister que la peine prononcée sur le siège par la juridiction a été celle de cinq ans d'emprisonnement comme en font mention les notes d'audience et la feuille de résultats d'audience, et non de cinq mois comme indiqué sur la minute, la durée de cette sanction étant logique et cohérente au regard de la gravité de l'agression sexuelle imposée à la victime, de la durée de la peine requise par le Parquet, de l'absence de contestation sur la culpabilité, des motifs sévères du jugement et de l'orientation du détenu par les services pénitentiaires ;
"alors qu'il n'appartient pas à une juridiction saisie en application de l'article 710 du Code de procédure pénale de modifier, sous couvert d'interprétation ou de rectification, la chose jugée en substituant à la décision initiale des dispositions nouvelles qui ne seraient pas la réparation d'erreur matérielle ; qu'en particulier, les juridictions sont sans pouvoir pour modifier, en suivant cette procédure, les peines prononcées, telles qu'elles sont portées sur la minute qui, signée du président et du greffier, fait foi jusqu'à inscription de faux ; qu'en faisant droit à la requête présentée par le procureur de la République et dit que la peine prononcée à l'encontre d'Yves X... De Y... est d'une durée de 5 ans d'emprisonnement, comme l'indique les notes d'audience et la feuille de résultat et non de 5 mois, telle qu'elle est portée sur la minute signée par le président et le greffier, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles et principes susvisés" ;
Vu l'article 710 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il n'appartient pas à une juridiction saisie en application de l'article 710 du Code de procédure pénale de modifier, sous le couvert d'interprétation ou de rectification, la chose jugée en substituant à la décision initiale des dispositions nouvelles qui ne seraient pas la réparation d'erreurs matérielles ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par jugement en date du 8 novembre 2000 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Fort-de-France a condamné Yves X... de Y... à 5 mois d'emprisonnement pour agressions sexuelles aggravées ; que le procureur de la République a saisi le tribunal d'une requête en rectification d'erreur matérielle exposant qu'une peine de "5 ans d'emprisonnement" avait en réalité été prononcée à l'encontre du prévenu ; que le tribunal a rejeté cette requête ;
Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et procéder à la rectification demandée, la cour d'appel retient que la peine de 5 ans d'emprisonnement est mentionnée dans les notes d'audience ; qu'elle ajoute que cette sanction est "logique et cohérente au regard de la gravité" des faits, "de l'existence d'une précédente condamnation, de la durée de la peine requise par le parquet" ainsi que "des motifs sévères du jugement et de l'orientation du détenu par les services pénitentiaires" ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont méconnu le sens et la portée de l'article susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 18 avril 2002 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;