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13/11/2002 | FRANCE | N°01-88462

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 novembre 2002, 01-88462


REJET du pourvoi formé par X... Michèle, épouse Y..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 9 novembre 2001, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 20 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le Dr Michèle Y... coupable d'homicide inv

olontaire, et en ce qu'il l'a condamnée à une amende de 20 000 francs et à verser à Alain Z...

REJET du pourvoi formé par X... Michèle, épouse Y..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 9 novembre 2001, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 20 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le Dr Michèle Y... coupable d'homicide involontaire, et en ce qu'il l'a condamnée à une amende de 20 000 francs et à verser à Alain Z... et Bernadette A... la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice ;

" aux motifs que s'agissant du Dr Michèle Y..., pédiatre appelé aussitôt par le Dr B..., il ressort de l'expertise confiée aux professeurs C... et D... qu'il n'a pas apprécié correctement la gravité de l'état de l'enfant puisque c'est le Dr B... qui a lui-même pris la décision de mutation ; que les professeurs E... et F... considèrent que "si le diagnostic d'hématome expansif avait été fait, si l'enfant avait été traité en conséquence, et si notamment il avait été transféré dans un service hospitalier adapté plus tôt, en permettant la survie de l'enfant, du fait d'un traitement plus précoce du choc et de la CIVD, ce risque (de séquelles neurologiques ou physiologiques) aurait probablement été diminué" ; que, pour les professeurs G... et E..., "l'appréciation par le Dr Michèle Y... du risque évolutif de ces lésions traumatiques a été inappropriée, car son attention s'est portée en priorité sur les conséquences loco-régionales du traumatisme obstétrical et non sur les risques majeurs, à savoir la possibilité d'extension rapide de l'hématome superficiel avec apparition de troubles secondaires de la coagulation et hémorragies secondaires et/ou l'existence d'hémorragie intracrânienne d'origine traumatique..." qu'ils ajoutent que "de ce fait, le transfert dans un service de pédiatrie disposant des moyens adéquats de surveillance par son personnel et son équipement... n'a pas été envisagé d'emblée... (qu') en outre, les mesures cliniques élémentaires de surveillance qui auraient pu être employées dans le contexte technique propres de cette maternité (mesure régulière systématique des fréquences respiratoire et cardiaque, du temps de recoloration cutanée, du périmètre crânien) n'ont pas été mises en oeuvre dans l'attente des consultations spécialisées, notamment de l'ophtalmologiste" ; qu'ainsi, il résulte de conclusions concordantes d'experts médicaux que se focalisant sur des éléments secondaires au regard de ce que, dans les circonstances de l'espèce, il aurait dû prendre prioritairement en considération, le Dr Michèle Y... n'a pas posé le bon diagnostic ; que corrélativement, rentrant à son domicile avant d'être rappelé deux heures plus tard par le Dr B..., il n'a pas davantage immédiatement mis en place une surveillance médicale adaptée de ce nouveau-né qui aurait pu lui permettre rapidement de revenir sur un premier diagnostic erroné et de prendre l'indispensable décision de transfert de l'enfant vers un service de pédiatrie spécialisé ; que ce non-diagnostic d'un hématome expansif et ce défaut de surveillance constituent des fautes dont le caractère simple suffit pour leur caractérisation, dès lors qu'elles présentent un lien de causalité certain et direct avec le décès de Jordan Z..., qu'il eût été possible d'éviter par une intervention idoine, en dépit des éventuelles séquelles neurologiques ; qu'ainsi sont établies des fautes d'imprudence ou de négligence, au sens de l'article 121-3, alinéa 3, du Code pénal, à l'encontre du Dr Michèle Y... qui n'a pas accompli les diligences normales attendues de lui, compte tenu de ses compétences et des moyens dont il disposait ;

" 1° alors que le délit d'homicide involontaire suppose l'existence d'un lien de causalité certain entre la faute reprochée au prévenu et le décès ; que le seul fait d'avoir causé à la victime une perte de chance d'éviter le décès ne peut dès lors constituer le délit d'homicide involontaire ; que la cour d'appel ne pouvait par conséquent décider que le Dr Michèle Y... s'était rendue coupable du délit d'homicide involontaire en n'agissant pas de manière à diagnostiquer les lésions plus tôt, sans constater qu'un traitement plus précoce aurait permis, de manière certaine, d'éviter le décès ;

" 2° alors que l'erreur de diagnostic n'est pas constitutive d'une faute pénale, lorsque la complexité des symptômes et la difficulté de leur constatation rendant le diagnostic difficile à établir ; qu'en se bornant à affirmer que l'absence de diagnostic d'un hématome expansif sous-cutané constituait la cause directe du décès, sans rechercher si, au moment où le Dr Michèle Y... avait examiné l'enfant, c'est à dire une heure seulement après la naissance, le pédiatre était en mesure de diagnostiquer un hématome expansif, de sorte que sa décision de privilégier les lésions oculaires et orthopédiques au détriment d'un tel hématome résultait d'une simple erreur de diagnostic non fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 3° alors qu'en se bornant à affirmer que le Dr Michèle Y... avait commis une faute en relation avec le décès, à défaut d'avoir mis en place une surveillance médicale adaptée, ce qui lui aurait permis de revenir rapidement sur un premier diagnostic erroné et de prendre la décision d'un transfert de l'enfant vers un service de pédiatrie spécialisé, sans rechercher si la surveillance de l'enfant confiée à une équipe de médecins, dont le Dr B..., n'était pas suffisante, dès lors que ce dernier avait appelé le SMUR lorsque l'état de l'enfant s'était aggravé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 4° alors que, lorsque le lien de causalité entre le comportement du prévenu et le décès est seulement indirect, le délit d'homicide involontaire n'est constitué que si celui-ci a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que le lien de causalité pouvant exister entre le défaut de surveillance d'un patient ayant subi un traumatisme et le décès est seulement indirect, la cause directe étant constituée par le traumatisme ; qu'en décidant néanmoins que le lien de causalité entre le défaut de surveillance de la victime et le décès de celle-ci était direct, pour en déduire que toute faute d'imprudence ou de négligence était de nature à engager la responsabilité pénale du Dr Michèle Y..., la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un accouchement difficile pratiqué dans une clinique et ayant donné lieu à l'application de forceps, le nouveau-né, qui présentait notamment des lésions à la face, a été confié par l'obstétricien à Michèle X..., épouse Y..., pédiatre ; qu'après le départ de celle-ci, l'enfant, dont l'état s'était aggravé, a été transféré, à l'initiative de l'obstétricien, dans un hôpital local, puis dans un centre hospitalier universitaire, où il est décédé quelques heures plus tard ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable d'homicide involontaire, l'arrêt retient qu'en portant son attention sur les seules lésions oculaires et orthopédiques, en négligeant le risque majeur d'extension rapide de l'hématome superficiel et les complications hémorragiques qui pouvaient en résulter, et en omettant de mettre en place une surveillance médicale adaptée, elle a commis une faute en relation de causalité directe avec le décès, qui aurait pu être évité si l'enfant avait été transféré à temps dans un service spécialisé ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que la prévenue n'a pas accompli des diligences normales compte tenu de ses missions, de ses compétences et des moyens dont elle disposait, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-88462
Date de la décision : 13/11/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Causalité directe - Articles 121-3 et 221-6 du Code pénal modifiés par la loi du 10 juillet 2000.

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité - Causalité directe - Articles 121-3 et 221-6 du Code pénal modifiés par la loi du 10 juillet 2000

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin-chirurgien - Homicide et blessures involontaires - Faute - Lien de causalité - Causalité directe

Justifient leur décision les juges qui, pour déclarer coupable d'homicide involontaire un médecin pédiatre à qui un nouveau-né avait été confié à la suite d'un accouchement difficile, retiennent que le décès de l'enfant aurait pu être évité s'il avait été transféré à temps dans un service spécialisé, et qu'en portant son attention sur les seules lésions oculaires et orthopédiques, en négligeant le risque majeur d'extension rapide de l'hématome superficiel et les complications hémorragiques qui pourraient en résulter, et en omettant de mettre en place une surveillance médicale adaptée, l'intéressé a commis une faute en relation de causalité directe avec le décès. (1).


Références :

Code pénal 121-3, 221-6

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, (chambre correctionnelle), 09 novembre 2001

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 2001-10-23, Bulletin criminel 2001, n° 217, p. 689 (rejet) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 nov. 2002, pourvoi n°01-88462, Bull. crim. criminel 2002 N° 203 p. 751
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 203 p. 751

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. L. Davenas.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Beraudo.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Richard et Mandelkern.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.88462
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