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24/10/2002 | FRANCE | N°00-14968

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 octobre 2002, 00-14968


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Vu les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme

déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Vu les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, et les productions, que le journal Le Parisien libéré a publié, en page "Courses" de son édition du 27 juin 1996, un article surtitré "Dopage - La lutte s'intensifie", intitulé "Douze mille chevaux contrôlés en 1995" ; que l'article commençait par le passage suivant : "A la fin du mois dernier, le cheval "Val Rouge" ne termine pas son parcours lors de ses débuts en obstacles sur l'hippodrome d'Auteuil. Avant hier, toujours sur la même piste, il gagne un quinté plus pour sa deuxième tentative, devant des chevaux chevronnés dont la majeure partie a déjà gagné au moins 500 000 francs. Un succès acquis à la cote extrême de 54/1 qui indispose de nombreux turfistes, sur l'hippodrome même ainsi que dans de nombreux points courses PMU. Pour la plupart d'entre eux, cette victoire imprévisible serait étroitement liée à l'utilisation d'une substance prohibée" ; "Une accusation gratuite qui oublie trois éléments majeurs : Val Rouge a changé d'entraînement entre ses deux courses (le fameux choc psychologique), il a subi un prélèvement jeudi à l'issue du quinté, et surtout la lutte contre le dopage s'est intensifiée depuis plusieurs années" ;

Qu'après avoir précisé que la Fédération nationale des sociétés de courses avait recensé cinquante-six cas positifs pour douze mille prélèvements en 1995, et trente-sept depuis le début de l'année 1996 au terme de quatre mille six cents analyses, "dont certains ne sont ni confirmés ni jugés à ce jour", l'article indiquait que "la notion de petites et de grandes écuries n'existe pas en la matière... puisque toutes les analyses toxicologiques sont faites dans le plus total anonymat" et ajoutait : "une affirmation qui confirme que les petites écuries, comme éventuellement celle de Val Rouge (voir autre encadré), ne sont pas les seules à se faire prendre." ;

Attendu que par acte d'huissier de justice du 13 février 1997, M. X..., propriétaire du cheval Val Rouge, a fait assigner devant le tribunal de grande instance la SNC Le Parisien libéré (la société), sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en réparation du préjudice causé par le discrédit du cheval qui n'aurait jamais été dopé et l'atteinte à la renommée de l'écurie X... qui n'aurait pas utilisé de produits de dopage ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient qu'il résulte de la lecture de l'article incriminé que le journaliste explique le trouble qui est apparu dans les milieux des courses à propos de la victoire inattendue du cheval Val Rouge sur l'hippodrome d'Auteuil, attribuée au dopage par certains commentaires, pour aussitôt affirmer que ce n'était qu'une accusation gratuite ; que, contrairement à l'appréciation des premiers juges, la société n'a articulé aucune imputation diffamatoire contraire à l'honneur ou à la considération de l'écurie X... ou de M. X... propriétaire du cheval Val Rouge, par voie indirecte ou par insinuations ; que, de même, le journaliste n'a pas fait preuve d'un manque de prudence ou de légèreté blâmable dans les propos publiés ni même d'une volonté de jeter le discrédit sur le cheval ou l'écurie ou de porter atteinte à sa renommée, causant un préjudice à M. X..., lequel n'a jamais été cité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article faisait état de trente-sept cas positifs recensés en 1996 dont certains n'étaient "ni confirmés ni jugés à ce jour", et laissait entendre que la "petite écurie" de Val Rouge s'était "éventuellement" fait "prendre" par le contrôle antidopage, de sorte que le propriétaire du cheval était visé par l'imputation de dopage, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des propos incriminés, et violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la prescription de trois mois édictée par l'article 65 de ladite loi ayant été acquise avant l'introduction de l'instance, la Cour de Cassation se trouve en mesure de mettre fin au litige ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Constate l'extinction de l'action en diffamation de M. X... par la prescription ;

Condamne M. X... aux dépens tant devant les juges du fond que devant la Cour de Cassation ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Parisien libéré ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 00-14968
Date de la décision : 24/10/2002
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne - Imputation de dopage visant le propriétaire d'un cheval de course dans un article relatant la victoire imprévisible de cet animal .

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne - Présentation sous forme déguisée, dubitative ou par voie d'insinuation

Selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation. Tel est le cas de l'imputation de dopage visant le propriétaire d'un cheval de course, dans un article relatant la victoire imprévisible de cet animal.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29 et art. 32
nouveau Code de procédure civile 627 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 janvier 2000

A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 2002-03-14, Bulletin 2002, II, n° 46 (2), p. 39 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 oct. 2002, pourvoi n°00-14968, Bull. civ. 2002 II N° 236 p. 185
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 II N° 236 p. 185

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel .
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Guerder.
Avocat(s) : MM. Choucroy, Pradon.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.14968
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