AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 5 janvier 2000) que la société Cartier commercialise depuis plus de 70 ans un modèle de montre qu'elle vend sous la dénomination Tank et qui constitue la pièce maîtresse de sa collection ; qu'à la fin de l'année 1995, la société Métro libre service de gros (société Métro) a diffusé un prospectus sur lequel était reproduit une montre reprenant les caractéristiques de la montre "Tank" invitant sa clientèle, lors d'une prochaine visite, à s'en faire remettre gratuitement un exemplaire ; qu'estimant que le comportement de la société Métro était fautif, la société Cartier lui a demandé judiciairement réparation de son préjudice ;
Attendu que la société Métro fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'en reproduisant dans un prospectus publicitaire une copie servile de son modèle de montre notoirement connu sous le nom de "tank" la société Métro de Vitry a commis une faute à l'encontre de la société Cartier et engagé sa responsabilité à l'égard de celle-ci, de l'avoir condamnée à payer à la société Cartier la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts outre celle de 60 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, d'avoir fait sous astreinte interdiction à la société Métro d'offrir de telles montres et ordonné la confiscation des montres et des modèles litigieux et autorisé la société Cartier à faire publier son arrêt, alors, selon le moyen, qu'il n'y a pas faute dans le seul fait, pour une entreprise de faire usage d'un modèle pouvant être considéré comme ressemblant à un modèle tombé dans le domaine public, et ce quelles que soient les sommes que les anciens titulaires des droits sur celui-ci continueraient à investir en connaissance de cause pour sa promotion ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'objet copié est une montre de haute renommée, ayant un pouvoir attractif et prestigieux ;
que l'arrêt, qui estime que l'offre faite par la société Métro à sa clientèle d'une copie servile de la montre Tank dans les conditions dénoncées porte manifestement atteinte à l'image de marque de cette montre qu'elle vulgarise et déprécie, la rabaissant au rang de simple "gadget publicitaire", a pu décider qu'un tel usage, en ce qu'il affectait l'image, qualifiée de prestigieuse, d'un produit notoire et de marque, ne fût-il plus couvert par un droit privatif, était fautif ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Métro libre service de gros aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Métro libre service de gros à payer à la société Cartier la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille deux.