AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de Me LUC-THALER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jocelyne, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 17 janvier 2002, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef de violation du secret professionnel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et l'a condamnée à une amende civile ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 6 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Su le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 112-1 et 112-2 du nouveau Code pénal, de l'article 6-a et b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles préliminaire 91 ancien et 177-2 du Code de procédure pénale dans leurs rédactions issues de la loi n° 2000-51 b du 15 juin 2000, 520, 575, alinéa 2, et 593 dudit Code, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué qui a annulé les dispositions de l'ordonnance de non-lieu relatives à la condamnation de la partie civile à une amende civile de 10 000 francs, a condamné la même partie civile à une amende civile de 1 524,59 euros ;
"aux motifs que la partie civile a été condamnée par le juge d'instruction à une amende civile de 10 000 francs en application de l'article 177-2 du Code de procédure pénale, que son avocat oppose principalement la non-application de ce texte non rétroactif issu de la loi du 15 juin 2000 et subsidiairement le non-respect des formalités de communication à la partie civile et à son avocat des réquisitions du procureur de la République ; que la loi du 15 juin 2000 n'a fait que modifier les règles de procédure pour la mise en oeuvre de l'amende civile mais reprend le principe d'une telle condamnation précédemment prévue par l'article 91 du Code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à cette loi, texte en vigueur au moment de la plainte de Jocelyne X... ; qu'il s'ensuit que l'article 177-2 susvisé est d'application immédiate ; qu'en revanche, les réquisitions du parquet de première instance tendant à une telle condamnation n'ayant pas été notifiées à la partie civile et à son conseil, les dispositions de l'ordonnance sur ce point seront annulées ; que les réquisitions du parquet général ont été régulièrement notifiées à la partie civile et à son avocat ; que la partie civile qui ne disposait d'aucun élément sérieux à l'appui de ses accusations et qui, confrontée à sa carence par le rejet de sa requête en suspicion légitime, a persisté dans ses supputations gratuites à l'égard d'un magistrat du parquet, qu'elle a d'ailleurs
fait marche arrière devant le magistrat instructeur en ne soutenant plus, comme dans sa plainte initiale, que son mari avait été avisé de la date des opérations d'inventaire mais qu'il avait été informé de la teneur de l'une des ordonnances les autorisant, que cette mise en cause sans aucun fondement justifie une condamnation à une amende civile pour procédure abusive ;
"alors que, d'une part, en vertu de l'article 112-1 du Code pénal qui pose le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, seules peuvent être prononcées les sanctions applicables à la date des faits ; qu'en l'espèce où la plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 10 décembre 1998, soit antérieurement à la loi du 15 juin 2000 dont est issu l'article 177-2 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé le principe de la non-rétroactivité en condamnant la partie civile à payer l'amende civile prévue par ce texte sous prétexte que celui-ci n'avait fait que modifier les règles de procédure pour la mise en oeuvre de l'amende civile précédemment prévue par l'article 91 dudit Code en vigueur au moment de la plainte, ledit article 91 n'ayant jamais permis aux juridictions d'instruction, mais seulement au tribunal correctionnel saisi dans les trois mois après qu'une décision de non-lieu soit devenue définitive, de prononcer une condamnation au paiement d'une amende civile, en sorte que les règles de compétence prévues par les textes susvisés et qui sont d'ordre public ont été méconnues par l'arrêt attaqué qui, de ce fait, ne répond pas aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors que, d'autre part, après avoir annulé le chef de l'ordonnance de non-lieu ayant condamné la partie civile à payer une amende civile parce que la partie civile et son conseil n'avaient pas reçu la notification des réquisitions du ministère public demandant une telle condamnation, la chambre de l'instruction a violé l'article 520 du Code de procédure pénale en faisant implicitement usage de son pouvoir d'évocation, pour condamner la partie civile au paiement de l'amende civile prévue par l'article 177-2 dudit Code, le chef de l'ordonnance de non-lieu qui avait dans ces conditions prononcé une telle condamnation à l'encontre de la partie civile lui étant inopposable, ce qui prohibait toute évocation ;
"alors que, enfin, la partie civile ayant dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, fait justement valoir que, contrairement à ce que le magistrat instructeur avait cru pouvoir affirmer, elle n'avait jamais prétendu dans sa plainte pour violation du secret de l'instruction, que son mari avait été averti de la date d'intervention des huissiers mais seulement de l'existence de l'une des ordonnances autorisant des huissiers à procéder à l'inventaire des meubles qu'il possédait, la chambre de l'instruction qui, sans s'expliquer sur ce moyen, en se référant aux termes de la plainte, a cru pouvoir reprendre l'erreur commise par le magistrat instructeur pour déduire la mauvaise foi de la partie civile de ses prétendues variations pourtant radicalement inexistantes, a ainsi laissé sans réponse une articulation essentielle du mémoire de la demanderesse rendant ainsi un arrêt qui ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile déposée le 10 décembre 1998 par Jacqueline Y..., le juge d'instruction a prononcé non-lieu et condamné la partie civile à une amende civile en application de l'article 177-2 du Code de procédure pénale, issu de la loi du 15 juin 2000, sans toutefois que les réquisitions du ministère public aient été communiquées à la partie civile et à son avocat ;
Attendu que, sur l'appel de la partie civile, après avoir confirmé la décision de non-lieu et annulé l'ordonnance en ce qu'elle avait prononcé une amende sans qu'aient été respectées les formalités prévues par le texte précité, la chambre de l'instruction a condamné Jacqueline Y... à une amende pour constitution de partie civile abusive et dilatoire, par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a fait l'exacte application de l'article 112-2, 2 du Code pénal et qui tenait de l'article 206 du Code de procédure pénale le pouvoir d'évoquer, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Mazars MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Ponsot, Valat, Lemoine, Mmes Menotti, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;