AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Philippe X... avait expressément donné mandat à son épouse d'acquérir des immeubles déterminés et de contracter les emprunts nécessaires au financement de l'acquisition et des travaux à réaliser; que celle-ci a, au nom et pour le compte de son mari, emprunté certaines sommes à la Société générale et adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par cette banque auprès de la Fédération continentale pour garantir le remboursement de l'emprunt en cas de décès celui-ci ; que Philippe X... étant décédé, elle a demandé à l'assureur l'exécution de la garantie, ce que celui-ci a refusé au motif que l'assuré n'avait pas donné par écrit son consentement à l'assurance souscrite par son épouse ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la Fédération continentale fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler le contrat d'assurance et de l'avoir condamnée à exécuter la garantie convenue, alors, selon le moyen :
1 / qu'en décidant que le mandat spécial et précis conféré par Philippe X... à son épouse, visant exclusivement l'achat d'un immeuble, la souscription de tout prêt permettant cette acquisition et d'une assurance contre l'incendie des biens hypothéqués, conférait implicitement à cette dernière le pouvoir de souscrire en son nom tout contrat d'assurance de groupe décès invalidité, contrat facultatif et distinct du contrat de crédit, la cour d'appel aurait violé les articles 1134, 1984 et 1989 du Code civil ;
2 / qu'en statuant comme elle a fait, bien que Philippe X... n'eût pas donné formellement son consentement par écrit, alors que l'assurance en cas de décès contractée par un tiers sur la tête de l'assuré est nulle si ce dernier n'y a pas donné son consentement par écrit avec indication du capital ou de la rente initialement garantis, la cour d'appel aurait violé l'article L. 132-2 du Code des assurances ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'en recevant de son mari mandat d'acquérir des immeubles déterminés, Mme X... avait reçu celui d'emprunter "de tout établissement, pour le temps, aux taux d'intérêt et sous les conditions que le mandataire jugera convenables toutes sommes qui seront nécessaires au prix d'acquisition", d'autre part, que les prêts sollicités de la Société générale étaient subordonnés à l'adhésion des emprunteurs à l'assurance de groupe décès et incapacité de travail ; qu'ayant ainsi caractérisé le consentement donné par le mari à la souscription d'une assurance sur sa tête d'un montant équivalent au prix d'acquisition, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard des exigences de l'article L. 132-2 du Code des assurances ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1153, alinéa 4, du Code civil ;
Attendu que pour condamner la Fédération continentale à payer à Mme X... une indemnité de 20 000 francs, l'arrêt attaqué retient que celle-ci, qui a dû continuer à rembourser mensuellement les échéances avec son seul salaire, a subi un préjudice dans ses conditions de vie ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser la mauvaise foi de l'assureur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition condamnant la Fédération continentale à payer à Mme X... la somme de 20 000 francs à titre de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 15 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille deux.