AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2000), que la société Sopridex a donné un appartement à bail à M. X... pour une durée de six ans à compter du 1er janvier 1990 ; que, par avenant conclu le 28 octobre 1994 entre les parties, le contrat de location a été prorogé de trois ans jusqu'au 31 décembre 1998 ; que, le 15 juin 1998, la bailleresse a notifié à M. et Mme X... une proposition de renouvellement du bail pour six années moyennant un loyer réévalué ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter la demande en nullité de l'avenant, alors, selon le moyen :
1 / que si le locataire peut renoncer au bénéfice de l'article 10 dont l'ensemble des dispositions, cette renonciation doit être certaine et non équivoque et ne peut intervenir que postérieurement à la naissance du droit contesté ; qu'en vertu des dispositions de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire, en l'absence de congé régulier, a le droit d'obtenir à l'expiration de la première période de 6 ans marquant la durée du bail initial le renouvellement ou la reconduction du bail pour une nouvelle période de 6 ans ; qu'en se bornant à constater que le terme du bail initial avait été contractuellement reporté au 31 décembre 1998 par l'effet de l'avenant intervenu en cours de bail de telle sorte que la durée du contrat initial avait été portée à 9 ans au lieu de 6, ce qui n'est pas contraire à l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 6 juillet 1989 prévoyant que le contrat doit être conclu pour une durée d'au moins 6 ans lorsque le bailleur est une personne morale, sans nullement rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si cette prorogation intervenue avant congé et expiration du bail initial n'avait pas constitué une dérogation prohibée aux dispositions d'ordre public accordant au locataire le droit d'obtenir à l'expiration du bail initial son renouvellement ou sa reconduction pour une nouvelle période de 6 ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 et 2 de la loi du 2 juillet 1989 ;
2 / que si l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 n'interdit pas la conclusion d'un bail d'une durée supérieure à 6 ans, cette durée doit résulter du contrat initial et ne saurait résulter d'un avenant conclu en cours de bail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la prorogation du bail n'était pas contraire à l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 6 juillet 1989, qui prévoit que le contrat doit être conclu pour une durée d'au moins six ans lorsque le bailleur est une personne morale, et constaté qu'il résultait des termes de l'avenant que la durée du bail conclu initialement pour une durée de six ans à compter du 1er janvier 1990 avait été prorogée jusqu'au 31 décembre 1998, de sorte que, le 1er janvier 1996, le bail initial n'avait été ni tacitement reconduit ni renouvelé, les conditions d'application de l'article 10, alinéa 2, de la loi précitée n'étant pas alors réunies, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1751, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux, est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre époux ;
Attendu que pour déclarer l'avenant opposable à Mme X..., l'arrêt retient que la prorogation du bail par l'avenant signé par l'époux seul n'a pas pour effet de compromettre le logement familial, ne constitue pas un acte de disposition et ne réduit pas les droits de Mme X... au sens de l'article 215, alinéa 3, du Code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'avenant n'avait pas été ratifié par l'épouse cotitulaire du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Sopridex aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sopridex à payer aux époux X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Sopridex ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille deux.