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18/06/2002 | FRANCE | N°01-85537

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 juin 2002, 01-85537


REJET du pourvoi formé par :
- X..., Y..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 28 juin 2001, qui, sur renvoi après annulation, les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Z... et de A... du chef d'homicides et blessures involontaires.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué

a relaxé l'institutrice du délit d'homicide involontaire ;
" aux motifs que c'e...

REJET du pourvoi formé par :
- X..., Y..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 28 juin 2001, qui, sur renvoi après annulation, les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Z... et de A... du chef d'homicides et blessures involontaires.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé l'institutrice du délit d'homicide involontaire ;
" aux motifs que c'est dans ce contexte que A... a sollicité, le 23 octobre 1995, conformément aux propositions émanant de la Direction jeunesse, classes de nature, vacances, plein-air de la ville de Grenoble, une autorisation pour une activité hors de l'école ; que cette demande précisait sous la rubrique "objectifs éducatifs et pédagogiques", les thèmes suivants : découverte de l'environnement local : le village de Saint-Barthélémy, l'eau, le barrage, les castors, les étangs (...) ; que cette demande a fait l'objet, le 6 novembre 1995, d'un avis favorable de la directrice, Z... et, le 16 novembre 1995, d'une autorisation de l'inspecteur de l'Education nationale ; que, s'il est apparu, après coup, que cette activité s'analysait en une sortie ou voyage collectif d'élèves, relevant de l'autorisation du chef d'établissement, il ne saurait être reproché à l'une ou à l'autre des prévenues, d'avoir suivi la procédure erronée imposée par l'Education nationale qui témoigne seulement de l'incompétence juridique de ses inspecteurs ; qu'en tout état de cause, les deux prévenues peuvent se prévaloir de cette autorisation, même donnée par une autorité incompétente qui avait entériné un projet de découverte de l'eau, du barrage, des castors et des étangs ; que cette activité devait se dérouler dans un centre agréé par l'Education nationale, fonctionnant depuis des années à la satisfaction générale et dirigé par une préposée de la ville de Grenoble dont les qualités professionnelles étaient unanimement reconnues ; que, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de la ville de Grenoble, le Tribunal et la Cour d'appel avaient considéré que l'activité de cette collectivité territoriale se situait à la périphérie du service public de l'enseignement stricto sensu, la ville n'ayant eu qu'un rôle d'intendance et son activité n'étant pas, dès lors, insusceptible de délégation ; que cette interprétation a été censurée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 12 décembre 2000 qui a jugé que la mise à la disposition par la ville de Grenoble de moyens matériels et en personnel pour l'organisation de ces classes vertes s'analysait comme l'exécution même du service public communal d'animation des classes de découverte suivies par les enfants des écoles publiques et privées pendant le temps scolaire, qui participe du service de l'enseignement public, insusceptible, par nature, de faire l'objet de conventions de délégation de service public ; qu'il en résulte avec évidence que l'institutrice et la directrice n'ont pas eu recours, dans le cadre de leur activité extérieure, à un intervenant ordinaire tel qu'une accompagnatrice, mais qu'elles sont devenues, chacune en ce qui la concerne, usagers d'un véritable service public communal, ne relevant ni de leur autorité ni de leur contrôle et dont elles étaient légitimement en droit d'escompter un fonctionnement satisfaisant comme tel avait d'ailleurs été le cas jusqu'alors ;
qu'en recevant, avant son départ en classe hors de l'école, B..., dirigeant le centre de Saint-Barthélémy-du-Gua, en envisageant avec elle les conditions de séjour et les possibilités d'activités, en s'entretenant, dans les mêmes conditions, avec sa collègue C..., l'ayant précédée dans ledit centre, laquelle ne lui avait signalé aucune anomalie, A... a accompli les diligences normales d'une institutrice soucieuse de ses devoirs, compte tenu de la nature de sa mission ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont elle disposait, alors qu'elle bénéficiait d'une autorisation délivrée en toute connaissance de son projet par un inspecteur de l'Education nationale, qu'elle se rendait dans un centre agréé par l'Education nationale, qu'elle adhérait à un véritable service public organisé et dirigé par la ville de Grenoble, fonctionnant à la satisfaction de tous depuis des années ; que les griefs d'impréparation, de manque de curiosité, de passivité formulés contre elle sont ainsi totalement injustifiés ; que le reproche adressé au cours des débats de n'avoir pas fait l'acquisition d'une carte détaillée et de n'avoir pas effectué une étude approfondie de la topographie des lieux, manifeste le plus total irréalisme, seules des diligences normales devant être exigées d'une simple institutrice et non pas des diligences relevant de la compétence d'un officier d'état-major dont l'activité consiste à la recherche, à l'analyse des menaces et des moyens d'y remédier ; que la situation eût été différente si la directrice et l'institutrice avaient pris l'initiative de l'organisation d'une activité extérieure, comme dans l'affaire jugée le 19 septembre 2000 par la cour d'appel de Rennes ayant eu à connaître d'un accident mortel survenu lors d'une excursion cycliste sur les falaises de l'île d'Ouessant, organisée par des professeurs d'un collège privé avec l'autorisation du directeur adjoint de l'établissement ; que, dans une telle hypothèse, ont été relevées une préparation insuffisante, une analyse inadéquate des risques et des itinéraires, ayant permis d'entrer en voie de condamnation ; que l'absence de l'accompagnatrice D... ne peut davantage être reprochée à l'institutrice ; qu'en effet, si cette accompagnatrice était malade ce jour-là, elle n'était employée qu'à mi-temps par la ville de Grenoble qui avait considéré que l'exécution du service public qu'elle assurait était compatible avec l'emploi à temps partiel de cette salariée ; que l'absence de cette accompagnatrice n'a pas été déterminante de l'accident et que sa présence n'aurait pas nécessairement permis de sauver la vie des enfants, le sacrifice de B... ayant été, à cet égard, sans effet ; qu'enfin, les circulaires de l'Education nationale n° 97-176 du 18 septembre 1997 et n° 99-136 du 21 septembre 1999, relatives aux sorties occasionnelles sans nuitée, correspondant à des activités d'enseignements sous des formes différentes et dans des lieux offrant des ressources naturelles et culturelles, même organisées sur plusieurs journées consécutives, sans hébergement, prescrivent pour les classes élémentaires, l'accompagnement par deux adultes au moins dont le maître de la classe, quel que soit l'effectif de la classe et, au-delà de trente élèves, la présence d'un adulte supplémentaire pour quinze enfants ;
que la classe de A... comptant vingt-deux élèves, l'accompagnement par l'institutrice et l'animatrice s'inscrivait, dès 1995, dans les normes posées par les circulaires de 1997 et de 1999 ; qu'il n'est pas apparu, lors de la projection à l'audience du film vidéo pris par les gendarmes, que le chemin emprunté par la classe conduite par B... fût particulièrement dangereux ; qu'en effet, il n'est pas allégué qu'un accident se soit jamais produit sur cet itinéraire et que l'animatrice dont la connaissance des lieux et la compétence professionnelle n'ont pas été discutées, n'aurait pas pris le risque de conduire des enfants sur un chemin présentant objectivement un danger ; que A... n'ayant pas vu le seul panneau qu'elle aurait pu éventuellement apercevoir, rédigé d'ailleurs en termes équivoques :
"propriété privée accès au bassin interdit ; danger", ne faisant aucune allusion à une possible montée des eaux, n'avait aucune raison d'interrompre la sortie dont, en sa qualité d'institutrice, elle conservait la maîtrise, alors qu'elle était assistée d'une animatrice, âgée de vingt-quatre ans de plus qu'elle, dont la compétence technique en la matière excédait la sienne et ne souffrait aucune discussion ; que, même si l'activité avait débuté avec un certain retard, l'horaire retenu permettait néanmoins de rejoindre le car pour 16 heures ; qu'une seule incertitude subsiste, celle sur le point de savoir si B... avait averti EDF de la venue de la classe dans le lit du Drac le 4 décembre 1995 ; que de très nombreux témoignages, recueillis au cours de l'information, permettent de penser que l'animatrice avait pris cette précaution qui lui était habituelle et qui correspondait à son comportement de très bonne professionnelle ; que les déclarations des employés d'EDF ayant affirmé, avec ensemble, qu'ils ignoraient que des classes se rendaient dans le lit du Drac, sont manifestement sujettes à caution par leur caractère excessif, alors que de telles visites étaient notoires ; qu'il est aisé de comprendre que si une telle information a été reçue par l'un des grévistes occupant la salle des commandes de l'usine de Saint-Georges-de-Commiers, lesquels interceptaient et filtraient les communications, l'intéressé ait préféré, après l'accident, ne pas révéler l'existence d'un tel appel ; qu'en définitive, A..., dans le cadre du service public organisé et dirigé par la ville de Grenoble, a accompli les diligences normales lui incombant et a légitimement fait confiance à une animatrice salariée du service public, ayant vingt ans d'expérience professionnelle et unanimement appréciée pour sa compétence et sa prudence, sans qu'aucun signe alarmant ne soit parvenu à sa connaissance ; que son comportement a été analogue à celui des dizaines de ses collègues ayant effectué la même sortie sous la conduite de B..., sans qu'il soit permis de qualifier d'irresponsables, d'incompétents ou d'imprudents ces instituteurs dont un seul, doté d'une expérience particulière pour être âgé de cinquante-cinq ans, avait pris l'initiative d'aviser personnellement EDF ; que la classe de A... a eu le malheur d'effectuer cette sortie le jour d'un lâcher d'eau intempestif en raison d'un fait de grève ;
qu'ainsi, A... n'a pas commis de faute caractérisée au sens de la loi du 10 juillet 2000, s'analysant comme un manquement caractérisé à des obligations professionnelles essentielles ou comme l'accumulation d'imprudences ou de négligences successives témoignant d'une impéritie prolongée ; qu'elle n'a pas davantage violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; qu'en effet, la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, énonçant dans son article 14, le principe de la responsabilité des enseignants pour l'ensemble des activités scolaires des élèves, ne contient aucune obligation particulière de prudence ou de sécurité pénalement sanctionnée ; qu'au surplus, il ne peut être soutenu que A... ait violé de façon manifestement délibérée les arrêtés municipaux des maires de Vif et de Saint-Georges-de-Commiers dont nul ne lui avait signalé l'existence et qui n'étaient même pas parvenus à la connaissance de E..., garde champêtre de la commune de Saint-Georges-de-Commiers ; que, pour ces seuls motifs, la relaxe de A... doit intervenir par infirmation du jugement déféré ; qu'à supposer, pour les besoins du raisonnement, que A... n'a pas commis une faute caractérisée ou ait violé, de façon manifestement délibérée, une obligation particulière de prudence ou de sécurité, il faudrait encore démontrer qu'elle ne pouvait ignorer la particulière gravité du risque auquel elle exposait autrui et dont elle avait personnellement conscience ; qu'il a déjà été indiqué que les responsables des associations écologiques et des associations de loisirs, connaissant parfaitement le site, n'avaient aucune conscience de sa dangerosité ; que les déclarations de F..., adhérent de l'association "Drac vivant" et ayant, à maintes reprises, accompagné des classes sur les lieux, sont particulièrement explicites à cet égard puisqu'il a affirmé ; "il ne m'est jamais venu à l'idée que (le site) pouvait être dangereux (...) et je ne prenais pas la précaution de téléphoner à EDF" avant d'y aller ; que, de façon encore plus significative, les dangers n'étaient pas apparus aux différentes autorités administratives ; qu'ainsi, lors d'une réunion sur l'aménagement de l'espace nature de la Rivoire, tenue le 11 février 1996, un ingénieur de la Direction départementale de l'équipement a proposé des travaux d'aménagement s'élevant à 1,5 million de francs et comprenant :
" un modelage des berges par talutage et modulation,
" l'aménagement d'une plage,
" - l'insertion du plan d'eau dans son milieu par végétalisation et création de roselières,
" - l'implantation d'un chemin piétonnier,
" - la création de structures d'accueil (parking, sanitaires), sans gâcher le site par une fréquentation trop importante ; que, devant la cour d'appel de Grenoble, cet ingénieur a déclaré :
"personne ne s'est posé la question sur la dangerosité du barrage" ; que, devant la même juridiction, un ancien préfet du département de l'Isère a reconnu ; "on n'a pas pensé qu'il pouvait être dangereux de marcher dans le lit du Drac" ; que, de son côté, le maire de Saint-Georges-de-Commiers écrivait le 7 septembre 1993 à son collègue de Vif : "Il me semble important de souligner qu'il faut répondre à l'attente de nos populations locales qui apprécient ces lieux et leur permettre de s'y rendre dans de bonnes conditions ; je crois que nous sommes tombés d'accord sur la nécessité de ne pas pénaliser ceux de nos administrés, de condition peu favorisée, qui doivent pouvoir accéder à ce lieu et y trouver une détente de proximité n'engendrant pas de dépense particulière" ; qu'enfin, une note de réflexion du syndicat concluait en ces termes : "Il apparaît qu'un choix doit être fait quant à l'objet de l'espace nature :
" - zone ludique et sportive répondant à une demande actuelle forte (bien que limitée dans le temps),
" - véritable espace nature permettant la communion avec la nature et s'inscrivant dans une autre forme de demande sociale" ;
" qu'ainsi, les associations de protection de la nature, les maires des communes concernées, les ingénieurs de la Direction départementale de l'équipement, le préfet entouré des administrations techniques de son département, auraient pu ignorer légitimement le risque résultant de l'existence, en amont, du barrage de Notre-Dame-de-Commiers et ne pas avoir à répondre du dommage que chacun, en ce qui le concerne, avait contribué à créer, tandis que A..., simple institutrice, arrivant pour la première fois sur les lieux, aurait eu l'obligation, pénalement sanctionnée, de prendre d'emblée toute la mesure d'un danger qui, depuis des années, avait échappé à toutes ces autorités ; qu'une telle assertion heurtant le bon sens le plus élémentaire, il ne peut être soutenu que la prévenue ne pouvait ignorer le risque auquel elle se serait elle-même volontairement soumise ; que d'ailleurs dans leurs conclusions déposées devant la cour d'appel de Grenoble, certaines des parties civiles écrivaient que si la prévenue n'avait "jamais eu conscience de mettre en jeu la vie ou l'intégrité corporelle des enfants, c'est justement cette absence de conscience du danger qui lui est reprochée" ; que même si elle avait commis une faute caractérisée ou une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité, sa relaxe n'en serait pas moins inévitable ;
" 1o alors que méconnaît nécessairement l'obligation de prudence et de sécurité qui incombe à l'enseignant responsable d'une sortie avec ses élèves, l'institutrice qui, faute d'avoir vérifié les conditions de la sortie projetée, a entraîné une classe dans le lit d'une rivière en aval d'un barrage EDF dont elle connaissait l'existence, zone réputée dangereuse et dont l'accès était interdit ;
" 2o alors que nul n'est censé ignorer la loi ; que l'institutrice, qui avait conduit une classe, dont elle avait la charge, dans le secteur du plan d'eau de la Rivoire, dont l'accès était interdit au public aux termes d'un arrêté communal du 18 mai 1992, a nécessairement violé une obligation particulière de prudence ou de sécurité ; que la Cour ne pouvait relever l'absence de connaissance par l'institutrice de cet arrêté, circonstance parfaitement inopérante, pour retenir que cette dernière n'avait pas méconnu ces dispositions réglementaires ;
" 3o alors que la Cour, qui relevait l'existence d'un panneau visible sur le chemin emprunté, qui précisait "Propriété privée accès au bassin interdit. Danger", ne pouvait retenir, en l'état de ce seul motif que l'institutrice qui n'avait pas aperçu cette signalisation, ou décidé de ne pas en tenir compte, n'avait pas commis une faute caractérisée, exposant autrui à un risque d'une particulière gravité, de nature à engager sa responsabilité pénale ;
" 4o alors que la Cour relevait que l'institutrice avait, le matin de la sortie, constaté l'absence de l'une des deux animatrices normalement prévues pour l'encadrement de l'activité, tel qu'il avait été autorisé par l'école et l'académie ; que cette seule constatation démontrait la faute caractérisée de l'institutrice qui avait maintenu, malgré ce sous-effectif, la sortie ;
" 5o alors que l'enseignant a toujours la maîtrise des activités qu'il organise, les intervenants extérieurs, quel que soit leur statut, étant placés sous son contrôle ; que dès lors la cour d'appel ne pouvait retenir l'expérience particulière de l'accompagnatrice, B..., et l'ascendant qu'elle pouvait avoir sur A..., de plusieurs années sa cadette, pour réduire la part de responsabilité de cette dernière dans l'impréparation de la sortie et les circonstances du drame ;
" 6o alors qu'il était, entre autres, reproché à l'institutrice, par l'ordonnance de renvoi, d'avoir "laissé la sortie se poursuivre alors que le chemin emprunté longeant le bassin à l'est était étroit et bordé d'une berge pentue plongeant directement dans l'eau, les enfants étant susceptibles de faire un écart et de trébucher" ; qu'à défaut d'avoir recherché si ce manquement n'était pas constitutif d'une faute caractérisée ou démontrait la méconnaissance d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité, la Cour a insuffisamment motivé sa décision ;
" 7o alors que la Cour ne pouvait retenir que l'institutrice n'avait pas exposé les enfants à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, l'absence de connaissance des risques de la sortie envisagée et des conséquences qu'elle était susceptible d'entraîner, ne résultant précisément que de l'impréparation par l'institutrice de cette activité et de son manque de diligence et de prudence dans son organisation " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 10 du décret du 22 avril 1960 relatif au contrat simple passé avec l'Etat par les établissements d'enseignement privé, 121-3, 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé la directrice de l'école du délit d'homicide involontaire ;
" aux motifs que les motifs de relaxe bénéficiant à A... s'appliquent, a fortiori, à Z..., laquelle a pu, avec l'autorisation de l'inspecteur de l'Éducation nationale, confier une classe de son école au service public organisé et dirigé par la ville de Grenoble, sans avoir à assister ou à se faire représenter au départ du car le lundi 4 décembre 1995 ; qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas pris immédiatement connaissance du compte rendu établi par Mme C..., ayant indiqué que, le 9 novembre précédent, sa classe était allée dans le lit du Drac ; qu'une telle lecture ne l'aurait pas davantage troublée que n'avaient été troublées les différentes autorités ayant assuré la promotion de l'espace nature situé dans le lit du Drac ; que non seulement Z..., n'a commis aucune faute caractérisée, mais qu'elle n'a eu aucune conscience du risque auquel était exposée, à son insu, la classe de A... ; que sa relaxe doit être confirmée ;
" alors, que, d'une part, le directeur d'un établissement privé sous contrat simple assume la responsabilité de l'établissement et la vie scolaire ; que commet dès lors une faute de nature à engager sa responsabilité pénale, la directrice qui autorise une sortie dans une zone dont l'accès est interdit et qui est manifestement dangereuse ;
" alors, que, d'autre part, commet une faute caractérisée ou, à tout le moins, une négligence fautive la directrice qui n'interdit pas une sortie dans le lit d'une rivière, nonobstant le compte rendu particulièrement inquiétant qui avait été fait par une autre institutrice lors d'une précédente sortie dans le même secteur près d'un mois auparavant et dont elle n'a pas pris immédiatement connaissance " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les vingt-deux élèves du cours élémentaire de l'externat Notre-Dame, école privée grenobloise dirigée par Z..., ont participé, sous l'autorité de leur institutrice, A..., à une classe de découverte dans un établissement géré par la ville de Grenoble et animé par B..., fonctionnaire de la commune ;
Que, lors d'une sortie effectuée au cours du séjour, les élèves, âgés de sept à huit ans, encadrés par A... et B..., cheminant dans le lit du Drac pour observer l'habitat des castors, ont été surpris par la brusque montée des eaux de la rivière provoquée par un lâcher d'eau de délestage effectué à partir des évacuateurs de crue d'un barrage hydroélectrique ;
Que six enfants et B..., emportés par le flot, ont péri par noyade ; que tous les rescapés ont subi des troubles psychologiques ;
Attendu que Z... et A... ont été poursuivies notamment pour l'homicide involontaire de l'enfant des demandeurs, G... ;
Attendu que, pour renvoyer A... et Z... de fins de la poursuite et débouter les parties civiles des demandes de réparation formulées contre ces deux prévenues, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que la seule cause directe des dommages est un lâcher d'eau effectué sans précaution par des préposés d'Electricité de France, relève, par les motifs repris aux moyens, que ni l'institutrice, qui avait obtenu de l'inspecteur de l'Education nationale l'autorisation de conduire ses élèves dans le lit du Drac pour leur faire découvrir l'environnement local avec l'assistance d'une animatrice qualifiée de la ville de Grenoble agissant en exécution du service public communal d'animation des classes de découverte suivies par les enfants des écoles publiques et privées pendant le temps scolaire, ni la directrice, qui s'était bornée à émettre un avis favorable à la demande d'autorisation formulée par l'institutrice, n'ayant pu envisager le risque auquel étaient exposés les élèves, n'ont commis une faute caractérisée et n'ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, dans leur rédaction résultant de la loi du 10 juillet 2000 ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du Code pénal, 5-1, 470-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté les parties civiles de toutes leurs demandes ;
" aux motifs que les parties civiles ne demandant pas l'application des dispositions de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, permettant aux juridictions en cas de relaxe d'accorder, en application des règles du droit civil, la réparation de tous les dommages résultant des faits ayant fondé la poursuite, la Cour ne peut que prononcer leur débouté ;
" alors que la Cour, qui relevait l'absence de demande d'application des règles dérogatoires de l'article 470-1 devait se déclarer incompétente pour statuer sur l'action civile et ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, débouter les parties civiles de leurs demandes en réparation " ;
Attendu que la cour d'appel ayant à bon droit débouté les parties civiles de leurs demandes, exclusivement fondées sur la faute pénale des deux prévenues renvoyées des fins de la poursuite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-85537
Date de la décision : 18/06/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute qualifiée - Article 121-3 du Code pénal modifié par la loi du 10 juillet 2000 - Personnes physiques n'ayant pas causé directement le dommage - Application (non).

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Faute - Faute qualifiée - Instituteur - Article 121-3 du Code pénal modifié par la loi du 10 juillet 2000 - Personnes physiques n'ayant pas causé directement le dommage - Application (non)

Justifie sa décision au regard de l'article 121-3 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, la cour d'appel qui, pour relaxer du chef d'homicides et de blessures involontaires la directrice d'une école primaire et l'institutrice ayant organisé une classe de découverte dans le lit d'une rivière où les victimes ont été surprises par la montée des eaux provoquée par un lâcher d'eau, seule cause directe des dommages, relève, après avoir analysé les conditions dans lequelles cette sortie avait été autorisée, que les prévenues, qui n'ont pu envisager le risque auquel étaient exposés les élèves, n'ont ni commis une faute caractérisée ni violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. (1)(1)(1).


Références :

Code pénal 121-3, 221-6 (loi 2000-647 du 10 juillet 2000)

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 28 juin 2001

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 2000-09-05, Bulletin criminel 2000, n° 262, p. 771 (annulation partielle) ;

Chambre criminelle, 2001-03-20, Bulletin criminel 2001, n° 75, p. 244 (arrêt n° 1 : annulation et arrêt n° 2 : annulation partielle) ;

Chambre criminelle, 2002-06-04, Bulletin criminel 2002, n° 127, p. 456 (rejet). CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 2000-12-12, Bulletin criminel 2000, n° 371 (1°), p. 1123 (rejet, cassation partielle sans renvoi et annulation partielle). CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 2000-09-12, Bulletin criminel 2000, n° 268 (2), p. 791 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 2001-01-10, Bulletin criminel 2001, n° 2, p. 3 (rejet) ;

Chambre criminelle, 2001-03-20, Bulletin criminel 2001, n° 71 (2), p. 230 (annulation partielle et cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 jui. 2002, pourvoi n°01-85537, Bull. crim. criminel 2002 N° 139 p. 509
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 139 p. 509

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Blondet.
Avocat(s) : Avocats : M. Spinosi, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.85537
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