REJET du pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 26 octobre 2000, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, à 100 000 francs d'amende et a statué sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 635 A, 757, 777 et 795 du Code général des impôts, 2 et 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 34 et 37 de la Constitution, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 9, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable du délit de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité, et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs propres et adoptés que le prévenu ne peut valablement soutenir que l'Association cultuelle du Temple Pyramide (ACTP) n'est pas redevable de droits d'enregistrement au titre du droit de donation applicable aux dons manuels reçus au cours des années 1992 à 1995 ; que ces dons ont été révélés lors du contrôle de l'ACTP ; que l'ACTP ne peut bénéficier de l'exonération de l'article 795- 10o du Code général des impôts, dès lors qu'elle ne peut se prévaloir de la qualification d'association cultuelle ;
" alors, d'une part, que le délit de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité prévu à l'article 1741 du Code général des impôts suppose nécessairement une dette fiscale ; qu'en l'espèce la perception de dons manuels par les associations étant expressément autorisée, et les reçus délivrés par les associations à leurs donateurs dans le cadre des dispositions des articles 200 et 238 bis du Code général des impôts ne pouvant être considérés comme une " révélation " à l'administration fiscale au sens de l'article 757, alinéa 2, de ce Code, l'article 757 du Code général des impôts ne s'applique pas aux dons manuels reçus par des associations, de sorte que l'ACTP n'était pas redevable de droits d'enregistrement au titre du droit de donation applicable aux dons manuels reçus de 1992 à 1995 " ;
" alors, d'autre part, que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; qu'il s'ensuit que ne saurait, en raison de son imprécision, servir de fondement à une poursuite, contre le liquidateur d'une association, du chef de fraude fiscale par organisation de l'insolvabilité de celle-ci, délit supposant l'existence d'une dette fiscale, l'article 1741 du Code général des impôts, en combinaison avec les articles 757, alinéa 2, et 777 de ce Code, dont les termes ne permettent pas de savoir si la " révélation " de l'article 757 s'applique au contrôle, effectué par l'Administration, de la comptabilité d'une association, et si le taux de 60 % applicable, selon l'article 777, aux droits " entre personnes non parentes ", s'applique aux dons manuels faits aux associations ;
" alors, de troisième part, qu'il ne peut y avoir fraude fiscale, lorsque la prétendue dette fiscale est fondée sur une atteinte à un droit fondamental ; que l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 précise expressément que toute association régulièrement déclarée peut recevoir des dons manuels ; que la taxation au taux prohibitif de 60 % des dons manuels reçus par les associations, personnes morales à but non lucratif dont la survie dépend de la perception de dons, est contraire à la liberté d'association garantie par l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il s'ensuit que la poursuite est dépourvue de base légale ;
" alors, enfin, qu'il ne peut y avoir fraude fiscale, lorsque la prétendue dette fiscale est fondée sur une discrimination ; que, selon l'article 795-10° du Code général des impôts, sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les dons et legs faits aux associations cultuelles ; que la cour d'appel a refusé d'appliquer ce texte à l'association cultuelle du Temple Pyramide au motif que l'ACTP ne pouvait se prévaloir de la qualification d'association cultuelle ; que, dès lors, la taxation au taux de 60 % des dons manuels reçus par les associations de culte simplement déclarées est discriminatoire et porte atteinte à la liberté de religion, étant précisé qu'il est inexact d'affirmer que l'ACTP n'aurait pas tenté d'obtenir le statut d'association cultuelle ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de dette fiscale légalement constituée, la poursuite du chef de fraude fiscale est dépourvue de base légale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 757, 777 et 635 A du Code général des impôts, 121-3 du Code pénal, 9 de la loi du 1er juillet 1901, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable du délit de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs propres et adoptés que la dissolution de l'ACTP et la transmission de son patrimoine à l'Association Vajra Triomphant (AVT), créée pour la circonstance, est intervenue peu de temps avant l'engagement des opérations de vérification de comptabilité et dans le mois suivant les visites domiciliaires, qui n'ont fait l'objet d'aucun recours et au cours desquelles a été découvert un document révélant l'existence de dons et la conscience de l'intéressé du risque de taxation de ces dons ; que cette dissolution ayant entraîné l'insolvabilité de l'ACTP ne pouvait se justifier par l'annulation du permis de construire relatif au " Temple Pyramide ", l'objet statutaire de l'ACTP ne comprenant pas seulement la construction de cet édifice ; qu'il s'ensuit que Bernard X..., qui, en sa qualité d'ancien inspecteur des Impôts, ne pouvait ignorer que l'ACTP allait faire l'objet d'une vérification de comptabilité, a volontairement organisé l'insolvabilité de l'ACTP dans le but d'empêcher le recouvrement de l'impôt ;
" alors, d'une part, que le délit de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité nécessite un élément matériel, caractérisé par une manoeuvre faisant apparaître l'intention de tromper l'administration fiscale, notamment l'organisation volontaire d'une insolvabilité ; qu'en l'espèce, la dissolution de l'Association Cultuelle du Temple Pyramide, et la transmission de son patrimoine à une autre association qui s'en est suivie, étaient la conséquence directe et obligatoire de l'arrêt du Conseil d'Etat du 14 juin 1995 confirmant l'annulation du permis de construire du Temple Pyramide, puisque l'objet essentiel de cette association était, selon les constatations mêmes des juges du fond, la construction et l'entretien de ce temple, et la célébration du culte aumiste en son sein ; qu'en concluant néanmoins à l'organisation volontaire de l'insolvabilité de l'ACTP, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que le délit de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité nécessite un élément intentionnel caractérisé par la volonté frauduleuse d'empêcher le recouvrement de l'impôt ; qu'en déduisant la volonté frauduleuse du fait que le prévenu aurait eu conscience, à la suite des visites domiciliaires de janvier 1995 qui n'avaient fait l'objet d'aucun recours de sa part d'un contrôle imminent de la comptabilité de l'ACTP impliquant la révélation des dons manuels faits à cette association, sans répondre aux conclusions du prévenu faisant valoir que les visites domiciliaires de janvier 1995 concernant non l'ACTP, mais l'association des Chevaliers du Lotus d'Or dont la présidente est Mme Y... ayant seule qualité pour exercer d'éventuels recours, et étaient relatives non à l'éventuelle taxation de dons manuels, mais à celle des recettes commerciales de l'association du Lotus d'Or (ACLO), la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, enfin, qu'en se bornant à déduire la prétendue mauvaise foi du prévenu de sa qualité d'ancien inspecteur des Impôts, sans préciser en quoi cette ancienne fonction du prévenu lui permettait de trancher la question très controversée de la taxation des dons manuels faits aux associations, non encore tranchée par la Cour de cassation, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité, et n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1745 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... solidairement tenu avec l'ACTP pour le recouvrement des droits fraudés et des majorations et amendes fiscales y afférentes ;
" aux motifs qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Bernard X... solidairement tenu avec l'ACTP pour le recouvrement des droits fraudés et des majorations et amendes fiscales y afférentes ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel qui statue sur l'action civile doit préciser exactement la condamnation civile ; qu'en déclarant le prévenu solidairement tenu avec l'ACTP pour le recouvrement des droits fraudés et des pénalités fiscales afférentes, sans en préciser le montant, la cour d'appel n'a pas défini avec exactitude la condamnation prononcée ;
" alors, d'autre part, que la condamnation solidaire du prévenu avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt et des pénalités fiscales afférentes est une faculté pour le juge, l'article 1745 du Code général des impôts précisant que le prévenu " peut " être solidairement tenu, de sorte que les juges qui ont recours à cette faculté doivent motiver leur décision ; qu'en déclarant Bernard X... solidairement tenu avec l'ACTP pour le recouvrement des droits fraudés et des pénalités fiscales afférentes, sans motiver la décision, la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que, le 24 janvier 1995, les agents de l'administration des Impôts, agissant en application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ont effectué des visites au domicile et au bureau de Bernard X..., président de l'association cultuelle du Temple Pyramide et de l'Unité des Religions (ACTP) ainsi qu'au siège de ladite association, cité du Mandarom à Castellane, et ont engagé la vérification de sa comptabilité ; qu'au cours des opérations de contrôle ultérieures, Bernard X... a présenté aux vérificateurs un journal faisant apparaître qu'avaient été perçues au titre de dons, les sommes de 6 358 081 francs en 1992, 4 402 972 francs en 1993, 2 657 094 francs en 1994 et 996 382 francs en 1995 ;
Attendu qu'ayant estimé que ces sommes devaient être déclarées dans le mois suivant la date de leur révélation à l'occasion du contrôle et assujetties au droit de mutation à titre gratuit au taux de 60 %, conformément aux articles 757 et 635 A du Code général des impôts, les services fiscaux ont adressé à l'ACTP des mises en demeure, la dernière en date du 5 février 1996 ; que, faute pour l'intéressée d'avoir régularisé sa situation dans les 30 jours, il a été procédé à sa taxation d'office en application des articles L. 66 et suivants du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que Bernard X..., qui n'a saisi le tribunal de grande instance compétent, selon l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales, d'aucune demande tendant à faire déclarer illégale l'obligation qui lui avait été notifiée de produire la déclaration des dons manuels ainsi révélés ni à critiquer la taxation en résultant, a procédé à la dissolution de l'ACTP et au transfert de la totalité de ses biens mobiliers et immobiliers au profit de l'association du Vajra Triomphant créée pour la circonstance dont le patrimoine immobilier a été à son tour cédé à une fondation située au Liechtenstein pour déjouer l'action paulienne intentée par l'administration fiscale ;
Attendu que les juges retiennent que Bernard X..., ancien inspecteur des Impôts était parfaitement conscient des risques de taxation encourus par l'association à la suite de la révélation des dons, ainsi que le fait apparaître un document saisi lors des visites domiciliaires, et qu'il s'est ainsi livré à des manoeuvres mettant obstacle au recouvrement de l'impôt ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que Bernard X... ne saurait remettre en question devant le juge répressif le bien-fondé d'un impôt qu'il lui appartenait de contester devant la juridiction compétente, la cour d'appel, qui n'avait pas à déterminer le montant des droits fraudés et des pénalités fiscales, ni à motiver spécialement la solidarité prévue par l'article 1745 du Code général des impôts, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de fraude fiscale par organisation frauduleuse d'insolvabilité dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.