Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 10 mars 2000), que M. Y... a été engagé le 5 avril 1988 en qualité de directeur commercial par la société Hydro aluminium ; qu'il a été nommé membre du conseil d'administration de l'Urssaf de l'Indre ; qu'à la suite d'un différend avec son employeur, il a demandé la résolution judiciaire de son contrat de travail puis, qu'il a été licencié le 11 mars 1999 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Hydro aluminium fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à M. Y... une somme pour non-respect du statut protecteur d'administrateur d'un organisme de sécurité sociale, alors, selon le moyen :
1° qu'il appartient au salarié qui se prévaut du non-respect de la procédure spéciale de licenciement des salariés protégés, de démontrer que son employeur avait connaissance de la qualité lui conférant ce statut protecteur lorsqu'il l'a licencié ; que la seule circonstance que les arrêtés de nomination fassent l'objet, lors de leur intervention, d'une publication au recueil des actes administratifs, ne peut tenir lieu de preuve de la connaissance par l'employeur, au moment du licenciement, du mandat d'administrateur de la sécurité sociale exercé par le salarié ; qu'en décidant que la société Hydro aluminium n'était pas fondée, du seul fait de cette publication à invoquer son ignorance, la cour d'appel a violé les articles L.231-11 du Code de la sécurité sociale et L. 412-18 du Code du travail ;
2° que les parties au contrat de travail doivent avoir un comportement loyal jusqu'à la cessation effective des relations contractuelles, ce qui interdit à un salarié qui, de par ses fonctions, était précisément chargé par l'employeur de connaître la réglementation, et qui a omis de se prévaloir en temps utile de sa situation de salarié protégé, amenant ainsi son employeur à prononcer un licenciement en méconnaissance du statut protecteur, à invoquer ce statut ; que d'une part, la société faisait valoir que " M. Y... en sa qualité de directeur financier et administratif et de directeur des ressources humaines, était le mieux placé pour connaître la protection dont il bénéficiait ", que l'intéressé n'avait jamais fait état de sa fonction d'administrateur de l'Urssaf auprès de M. X..., nommé directeur général seulement au début de l'année 1998, et que " les problèmes liés aux procédures de licenciement à respecter étaient toujours du domaine de compétence de M. Y... " ; qu'en retenant que M. Y... avait agi par méconnaissance de ses droits sans prendre en considération les fonctions de l'intéressé dans l'entreprise et sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il n'était pas précisément chargé de connaître la réglementation concernant les licenciements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-11 du Code de la sécurité sociale et L. 412-18 du Code du travail ; que d'une part, un directeur administratif et financier est censé avoir d'autres sources de connaissance de la législation du travail, et notamment de ses propres droits relativement à la rupture du contrat de travail, qu'un ouvrage publié par un éditeur privé sans notoriété particulière ; qu'il doit en particulier se référer à la loi elle-même ; que l'article L.231-11 du Code de la sécurité sociale dispose : " le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant le mandat d'administrateur est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du Code du travail ", et qu'il ressort de la totalité des textes relatifs aux organismes de sécurité sociale, qu'il s'agisse des caisses primaires (L. 211-2, des Caf (L. 212-2), de l'Urssaf (L. 213-2), de la Cnavts (L. 222-5), de la Cnamts (L. 221-3) ou de la Cnaf (L. 223-3), qu'aucun conseil d'administration ne comprend de représentants des " salariés " mais seulement des représentants des " assurés sociaux " ; qu'il est donc évident que dans l'ensemble des dispositions de la section II du chapitre 1er du titre III du livre II du Code de la sécurité sociale, dans laquelle est inclus l'article L. 231-11, les termes " salarié exerçant un mandat d'administrateur "ou" administrateur salarié " ne visent pas les administrateurs élus dans le collège inexistant des " salariés ", mais les administrateurs soumis à un contrat de travail, sans distinction fondée sur le collège au sein duquel ils sont désignés ; qu'en affirmant que ce n'est pas par déloyauté que M. Y..., lors de son licenciement, ne s'est pas prévalu de sa qualité de salarié protégé, mais parce qu'il avait été induit en erreur par le " guide de l'administrateur de sécurité sociale ", sans rechercher s'il n'aurait pas suffit qu'il se rapporte à la loi pour connaître ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.231-11 du Code de la sécurité sociale et L. 412-18 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que la nomination du salarié comme administrateur de l'Urssaf avait été publiée aux recueils des actes administratifs de la préfecture de région et de la préfecture de département, il en résulte, abstraction faite des motifs critiqués par la seconde branche du moyen, qui sont surabondants, qu'en raison de cette publicité cette nomination est opposable à tous ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, d'avoir dit que le licenciement de M. Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné à ce titre la société Hydro aluminium Châteauroux à lui payer la somme de 300 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que tous les griefs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement constituent les motifs du licenciement, quelle qu'en soit la forme ; qu'en tirant du simple fait que la partie suivante de la lettre de licenciement, relative à l'échec du projet d'affectation en Italie et à la reprise des fonctions initiales, n'était pas présentée, comme les deux autres griefs, sous la forme d'un paragraphe précédé d'un tiret, qu'elle n'exprimait pas un autre motif de licenciement et qu'il n'y avait donc pas lieu d'en tenir compte, la cour d'appel a abusivement fait prédominer la présentation de la lettre sur son contenu ; que ce formalisme était d'autant moins justifié en l'espèce que le terme " par ailleurs ", au début du paragraphe suivant, pouvait être assimilé à un troisième tiret ; qu'au surplus la suite de la lettre exprimait bien un autre motif de rupture en énonçant : " Par ailleurs, nous vous rappelons que vous avez souhaité dès septembre 1998 quitter vos fonctions de directeur financier... vous avez finalement renoncé au poste qui vous était proposé et vous n'avez donc pas intégré la société (italienne) à la date limite qui était fixée le 12 janvier 1999. Vous n'avez toutefois pas cru devoir reprendre vos fonctions au sein de la société Hydro aluminium Châteauroux dès le 13 janvier 1999 et au demeurant, vous n'avez plus jamais cherché à prendre contact avec votre société, démontrant, si besoin était, que dans votre esprit toute collaboration était désormais devenue impossible " ; qu'il était encore observé " bien qu'une telle attitude soit exclusive d'une exécution dans des conditions normales, de votre préavis, mais compte tenu des fonctions que vous avez exercées pendant 10 ans au sein de la société, votre préavis de six mois, que nous vous dispensons d'effectuer, commencera à la réception du présent courrier " ; qu'ainsi, la suite de la lettre exprimait clairement d'autres griefs à l'encontre de M. Y... et les considérait même comme une faute exclusive de préavis ; qu'en affirmant cependant que la lettre de licenciement énonce deux motifs de licenciement et que les développements qui suivent ne sont pas l'énoncé d'autres motifs de licenciement, parce qu'ils ne sont pas présentés à la suite d'un troisième tiret, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail, ensemble l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que lorsque le salarié licencié sans autorisation administrative ne demande pas sa réintégration, il a le droit d'obtenir, outre les sommes lui revenant au titre de la méconnaissance du statut protecteur, les indemnités de rupture et une indemnité résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.