Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2000), que, le 12 décembre 1997, la direction de la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) a adressé à son comité d'entreprise un document concernant le projet de fermeture du laboratoire de prothèse dentaire ; qu'au cours d'une réunion en date du 23 mars 1998, le comité d'entreprise a informé la direction de ce qu'il déclenchait la procédure d'alerte prévue à l'article L. 432-5 du Code du travail et a désigné un expert ;
Sur le premier et le deuxième moyens, réunis :
Attendu que la CRAMIF fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le comité d'entreprise de la CRAMIF dispose du droit d'alerte de l'article L. 432-5 du Code du travail et que l'exercice du droit d'alerte en la circonstance était légitime alors, selon le premier moyen, que le comité d'entreprise d'un organisme de sécurité sociale gérant le régime maladie ne dispose pas d'un droit d'alerte ; que, ne constituant pas une entreprise au sens de la loi du 1er mars 1984, un tel organisme voit sa situation économique déterminée par les décisions de son autorité de tutelle appliquant elle-même la politique décidée par le Gouvernement ; qu'en outre, toute décision prise par une Caisse est immédiatement connue de la Caisse nationale d'assurance maladie et du préfet de région qui en apprécient la légitimité et la conformité à la mission de service public ; qu'enfin, le budget de chaque organisme de sécurité sociale étant équilibré grace à des subventions de la CNAM, et en raison du principe de continuité du service public, la situation économique de cet organisme ne peut jamais être affectée de manière préoccupante, la continuité de l'activité n'étant pas compromise ; qu'en attribuant un droit d'alerte au comité d'entreprise de la CRAMIF, le juge du fond a ignoré la finalité de ce droit et violé par fausse application les articles L. 432-5 et L. 434-6 du Code du travail ; alors, selon le deuxième moyen, que l'exercice du droit d'alerte suppose un fait de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise ; que ce fait est caractérisé lorsque la continuité de l'exploitation est compromise du fait d'une rupture de l'équilibre des flux financiers ; que la suppression du laboratoire de prothèses dentaires ne peut engendrer une telle situation comptable et est, bien au contraire, envisagée afin de réduire l'état d'endettement de la Caisse ; qu'une telle décision peut tout au plus affecter la mission de service public confiée à la CRAMIF ; qu'en prenant acte de ce type d'impact manifestement étranger à la notion de continuité de l'exploitation ainsi que de la suppression d'emploi susceptible de s'ensuivre sans constater une rupture strictement comptable et financière, le juge d'appel a violé l'article L. 432-5 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article L. 431-1 du Code du travail que des comités d'entreprise sont constitués dans les organismes de sécurité sociale et que l'article L. 432-5 n'exclut pas les organismes de sécurité sociale de son champ d'application ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel, qui a justement retenu qu'un organisme de sécurité sociale pouvait obéir à des considérations de nature économique, a décidé à bon droit que le comité d'entreprise de la CRAMIF pouvait prétendre exercer les attributions dévolues au comité d'entreprise par l'article L. 432-5 du Code du travail ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé que l'exercice du droit d'alerte par le comité d'entreprise avait pour motif la fermeture du laboratoire de prothèses dentaires en tant qu'elle entraînait des suppressions d'emploi et remettait en cause les objectifs et missions traditionnels de la CRAMIF, la cour d'appel, qui a ainsi constaté que le comité d'entreprise invoquait des faits qu'il estimait être de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'organisme a, sans encourir le grief du deuxième moyen, légalement justifié sa décision ;
Qu'aucun des moyens n'est fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la CRAMIF fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit qu'exerçant son droit d'alerte le comité d'entreprise a respecté la procédure de nomination de l'expert alors, selon le moyen :
1° que le comité d'entreprise ne peut recourir aux services d'un expert-comptable que lors de la phase d'établissement du rapport exposant les motifs d'inquiétude ; que cette phase intervient après la demande d'explications concernant les faits préoccupants et suppose que les explications fournies ne satisfassent pas le comité ; qu'avant même que les termes du débat aient été exposés à la direction de la CRAMIF et que celle-ci n'ait a fortiori pu répondre, le comité d'entreprise a, le 26 janvier 1998, décidé de s'adjoindre les services du cabinet d'expertise Syndex ; que, postérieurement à cette réunion, la CRAMIF a fourni les explications sollicitées ; qu'en jugeant régulière la procédure d'alerte tout en constatant que le recours à l'expertise a été envisagé dès le 26 janvier 1998, soit deux mois avant le vote de la procédure d'alerte et avant que la CRAMIF n'ait communiqué ses informations, le juge a violé l'article L. 432-5 du Code du travail ;
2° que le juge doit procéder à des constatations de fait pertinentes ; que la circonstance que le recours à l'expertise ait été décidé en son principe dès avant les explications de la CRAMIF démontre que le comité d'entreprise n'accordait aucune importance à ces explications et entendait, quelle que fut la qualité de celles-ci, poursuivre l'alerte jusqu'à son terme ; qu'en estimant que cette chronologie démontre la bonne volonté et l'espoir du comité d'entreprise d'arriver à une information le satisfaisant sur le point en litige, le juge d'appel a déduit un motif dépourvu de valeur et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 432-5 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, même si elle avait été précédemment évoquée, la désignation d'un expert par le comité d'entreprise était intervenue en même temps que sa décision d'établir un rapport, la cour d'appel a jugé à bon droit que les dispositions de l'article L. 432-5 du Code du travail n'avaient pas été méconnues ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.