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11/12/2001 | FRANCE | N°00-87705

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 décembre 2001, 00-87705


CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- la région X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 31 octobre 2000, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 10 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 131-12, 131-13, R. 625-2, R. 625-4, R. 625-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, de la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985 :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le conseil régional de X... (loc

o la Région) coupable des faits de blessures involontaires et l'a condamné à une ...

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- la région X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 31 octobre 2000, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 10 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 131-12, 131-13, R. 625-2, R. 625-4, R. 625-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, de la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985 :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le conseil régional de X... (loco la Région) coupable des faits de blessures involontaires et l'a condamné à une peine d'amende de 10 000 francs ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article L. 121-2 du Code pénal, la responsabilité pénale des collectivités territoriales ou de leurs groupements est limitée aux infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ; que le critère retenu par la doctrine pour définir les activités insusceptibles de faire l'objet de telles délégations est celui tiré de l'exercice de prérogatives de puissance publique ; que si l'infraction reprochée a été commise au sein d'un établissement scolaire dépendant du conseil régional suite au transfert du service public de l'enseignement au profit des collectivités territoriales, l'accident survenu au détriment du jeune Y... n'a toutefois aucun lien de causalité avec l'exercice par le conseil régional de prérogatives de puissance publique puisqu'il est dû à un défaut de conformité aux règles de sécurité d'un bien mobilier appartenant à la région ; que la gestion, l'entretien et la conformité des machines mises à la disposition des lycéens n'impliquent nullement l'exercice de prérogatives de puissance publique et peuvent être susceptibles de délégation ; que la responsabilité du conseil régional a donc valablement été retenue en application de l'article 121-2 du Code pénal ;
" qu'il y a lieu, en conséquence, d'entrer en voie de condamnation à l'égard du conseil régional ;
" la Cour, cependant, relève :
" que l'accident du 9 mai 1996 s'est produit au lycée technique Z... à A..., relevant de la compétence du conseil régional de X..., alors que son proviseur avait, bien avant les faits, alerté notamment cette collectivité territoriale sur la nécessité de mettre en conformité les appareils placés dans son établissement, et ainsi la dangerosité de la fraiseuse Dufour en cause ;
" qu'il n'est pas contesté que la fraiseuse Dufour n'était pas conforme aux dispositions des articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code du travail applicables à la date des faits :
" qu'il appartient aux collectivités territoriales de veiller, dans le cadre de leurs compétences, à ce que les activités d'enseignement professionnel ne comportent pas de risques manifestes pour la sécurité des élèves, d'autant plus que cette collectivité avait été informée de la non-conformité dangereuse des outils utilisés au lycée Z... ;
" que l'article L. 121-2 du Code pénal retient la responsabilité des collectivités territoriales pour les infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de convention de service public ; qu'en l'espèce, la mise en conformité de l'appareil en cause entrant dans la mission générale de gestion et d'entretien des machines utilisées dans les lycées professionnels, n'implique nullement l'exercice de prérogatives de puissance publique du conseil régional, du fait qu'elle pouvait faire l'objet d'une délégation, tout en conservant la maîtrise d'ouvrage ; que le fait résultant du transfert de compétence par l'Etat, du parc de machines en l'état sans transfert de budget à la région est sans emport dans la solution du litige ; qu'en revanche, la loi du 25 janvier 1985 n'interdit aucunement à une collectivité territoriale de mettre en oeuvre, même par délégation, toute action susceptible de remédier aux risques résultant de la non-conformité de machines placées sous sa responsabilité ;
" que la région de X... avait ainsi mené une politique de rénovation importante des équipements professionnels des lycées, mais que l'urgence imposait que les machines dangereuses, dont celle en cause et dont le risque était connu, fassent l'objet d'une mise en conformité dans les meilleurs délais ;
" que la délégation n'entraîne pas "de facto" une concession générale d'entretien de maintenance ou de renouvellement, mais doit se faire sur des secteurs et matériels nettement définis comme cela aurait dû se faire en l'espèce ;
" que la région de X... ne saurait se retrancher derrière un régime dérogatoire pour dénier sa responsabilité de sécurité générale " ;
" 1° alors qu'il résulte de l'article 121-2, alinéa 1, du Code pénal que la responsabilité pénale d'une personne morale ne peut être retenue que s'il est établi que l'un de ses organes ou représentants a lui-même commis une infraction pénale ; qu'en l'espèce, il appartenait à la cour d'appel de rechercher et de caractériser que l'infraction d'atteinte à l'intégrité de la personne, reprochée à la région de X..., avait été commise pour son compte par un de ses organes ou représentants ; que l'arrêt manque de base légale au regard du texte précité ;
" 2° alors que les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ; que la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985 en prévoyant que "la région a la charge des lycées et des établissements d'éducation spéciale, qu'elle en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement", a investi notamment la région de la mission d'entretien et de réparation des machines utilisées dans les lycées professionnels afin d'assurer la sécurité des élèves, ce qui se rattache à l'exécution même de la mission d'enseignement, service public administratif insusceptible de délégation ; qu'en affirmant le contraire la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 121-2 du Code pénal ;
Attendu qu'aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en 1996 un élève du lycée technique Z... à A... a été blessé à la main au cours d'une activité d'enseignement après que la manche de sa blouse eut été happée par une fraiseuse en rotation, sur laquelle il était occupé à usiner une pièce ; qu'à la suite de cet accident, la région X... a été renvoyée devant le tribunal de police du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 3 mois ; qu'il lui est reproché, étant propriétaire de la machine, de n'avoir pas fait équiper celle-ci du dispositif de protection imposé par l'article R. 233-3 ancien du Code du travail, demeuré applicable en vertu de l'article 7.II du décret n° 93-40 du 11 janvier 1993 ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de la collectivité territoriale, selon laquelle l'article 121-2, alinéa 2, du Code pénal faisait obstacle à l'exercice des poursuites, dès lors qu'à la supposer établie l'infraction reprochée avait été commise dans l'exercice d'une activité insusceptible de faire l'objet d'une convention de délégation de service public, la cour d'appel retient que, n'impliquant pas l'exercice de prérogatives de puissance publique, la mise en conformité de la machine, qui incombait à la région en application des dispositions de l'article 14.III ancien de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, reprises à l'article L. 214-6 du Code de l'éducation, pouvait, en l'absence de disposition légale contraire, faire l'objet d'une telle convention, la collectivité territoriale " conservant la maîtrise d'ouvrage " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'obligation incombant à la région de mettre les machines affectées à l'enseignement en conformité avec les prescriptions légales et réglementaires relatives à la sécurité des équipements de travail, participe du service de l'enseignement public, et n'est pas, dès lors, en raison de sa nature même, susceptible de faire l'objet de conventions de délégation de service public, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la cour d'appel de Besançon du 31 octobre 2000,
DIT que la région X... ne peut faire l'objet de poursuites pénales ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 00-87705
Date de la décision : 11/12/2001
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Personne morale - Conditions - Collectivité territoriale - Région - Infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de délégation de service public - Application.

Aux termes de l'article 121-2, alinéa 2, du Code pénal, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public. L'obligation incombant à la région en vertu des articles L. 214-6 du Code de l'éducation et L. 231-1 du Code du travail de mettre les machines affectées à l'enseignement en conformité avec les prescriptions légales et réglementaires relatives à la sécurité des équipements de travail, participe du service de l'enseignement public et n'est pas, dès lors, en raison de sa nature même, susceptible de faire l'objet de conventions de délégation de service public. La responsabilité pénale de la région ne peut, en conséquence, être recherchée à la suite de l'accident dont a été victime l'élève d'un lycée technique blessé par une machine non équipée du dispositif de protection imposé par la réglementation relative à la sécurité du travail. (1).


Références :

Code de l'éducation L214-6
Code du travail L231-1
Code pénal 121-2, al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon (chambre correctionnelle), 31 octobre 2000

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 2000-12-12, Bulletin criminel 2000, n° 371 (2°), p. 1123 (rejet, cassation partielle sans renvoi et annulation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 déc. 2001, pourvoi n°00-87705, Bull. crim. criminel 2001 N° 265 p. 871
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2001 N° 265 p. 871

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desportes.
Avocat(s) : Avocat : M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:00.87705
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