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11/12/2001 | FRANCE | N°00-86182

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 décembre 2001, 00-86182


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Charles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, en date du 12 septembre 2000, qui, pour entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, l'a condamné à 25 000 francs d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, tiré de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-5 du Code pénal, L. 425-1, L. 425-3 et L. 482-1 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de

réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Charles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, en date du 12 septembre 2000, qui, pour entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, l'a condamné à 25 000 francs d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, tiré de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-5 du Code pénal, L. 425-1, L. 425-3 et L. 482-1 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... coupable du délit d'entrave ;
" aux motifs propres qu'en s'abstenant, après la décision de refus de l'inspection du Travail d'autoriser le licenciement de Patrick Y..., de réintégrer ce dernier dans la fonction qu'il occupait avant sa mise à pied, et en voulant lui imposer une modification de son contrat de travail, Jean-Charles X... a porté atteinte aux règles protectrices réservées aux représentants du personnel, et donc aux prérogatives de ces derniers ; que cette action caractérise l'élément matériel du délit d'entrave qui lui est reproché, sans que l'appréciation portée par Jean-Charles X... sur la faute commise par Patrick Y..., contraire à celle de l'inspection du Travail et sur le caractère justifié de la mesure, puisse être invoqué par lui comme constituant un fait justificatif exonératoire ; que de même l'élément intentionnel de l'infraction résulte du seul caractère volontaire de son action ; que dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a retenu la culpabilité de Jean-Charles X... ; que la décision déférée doit dès lors être confirmée sur ce point ; aux motifs adoptés qu'aux termes des articles L. 425-1, alinéa 3, et L. 436-1, alinéa 2, du Code du travail, le refus d'autoriser le licenciement de Patrick Y..., salarié protégé en raison de sa qualité de délégué du personnel titulaire et de membre suppléant du comité d'entreprise, opposé par l'inspecteur du Travail à la demande formée à cet effet par Jean-Charles X... entraînait l'annulation de plein droit de la mise à pied conservatoire prononcée contre ce salarié et la suppression des effets d'une telle mesure ; qu'il en découle, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation que l'employeur est tenu de réintégrer le salarié dans son emploi antérieur ainsi que de lui verser les salaires correspondant à la période de mise à pied ; que dès lors que Jean-Charles X..., peu importe à cet égard que celui-ci ait exécuté une décision voulue par le conseil d'administration de la société, s'est opposé à ce que Patrick Y... reprenne son emploi de responsable de l'atelier réception-préparation du lait, privant ainsi ce salarié de la possibilité d'exercer pleinement ses fonctions de représentation des salariés, qui impliquent notamment d'être en relation régulièrement avec ceux-ci sur le lieu du travail, l'élément matériel du délit d'entrave est constitué ; que le fait que Jean-Charles X... a proposé à Patrick Y... des emplois supposés équivalents tels que " pilote UHT ", que le salarié a refusés, ne saurait constituer un élément de nature à le disculper dès lors qu'une mutation de poste dans cette hypothèse qui équivaut à une modification du contrat de travail de l'intéressé suppose l'accord préalable de celui-ci et qu'à défaut l'employeur doit, soit renoncer à la mutation envisagée, soit, s'il s'y croit fondé entreprendre à nouveau le licenciement du salarié protégé moyennant dans ce cas également l'autorisation de l'inspection du Travail ; que pour contester l'élément intentionnel de l'infraction qui lui est reprochée Jean-Charles X... excipe de sa bonne foi en ce qu'il peut se prévaloir d'une pleine justification de la mesure imposée à Patrick Y... et que celui-ci n'entrave pas la fonction de représentation du salarié ;
qu'or il importe de souligner à nouveau que la mesure en cause qui interdit de fait au représentant de rencontrer quotidiennement, sur le lieu du travail, les salariés dont il assure la protection des intérêts, porte obligatoirement atteinte aux fonctions de représentation ; que par ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l'élément intentionnel de l'infraction se déduit nécessairement du caractère volontaire des agissements constatés ; que Jean-Charles X... à cet égard ne peut sérieusement soutenir qu'il ne s'est pas sciemment refusé à tirer les conséquences exigées tant par le Code du travail dont les dispositions sont d'ordre public que par la jurisprudence élaborée en cette matière, du rejet par l'inspecteur du Travail de la demande d'autorisation de licenciement ; que d'autre part la " pleine justification " de la mesure alléguée par Jean-Charles X..., se fondant sur le fait que Patrick Y... qui a enfreint les instructions reçues ne doit plus pouvoir intervenir dans la préparation des laits ne serait de nature à exonérer le prévenu que si elle constituait un fait justificatif, faisant disparaître l'élément légal de l'infraction ; qu'au cas d'espèce, il n'y aurait que la force majeure ou le fait insurmontable d'un tiers pour faire obstacle le cas échéant à l'application d'une sanction pénale ; que toutefois dès lors que le prévenu ne démontre pouvoir bénéficier d'une quelconque des circonstances précitées susceptibles de l'avoir placé dans l'impossibilité absolue de respecter la loi, il y a lieu de rejeter son argumentation développée sur ce point ; que Jean-Charles X... sera donc déclaré coupable du délit qui lui est reproché ;
" 1° alors, d'une part, qu'en l'état de l'erreur manifeste d'appréciation affectant les refus d'autorisation de licenciement opposés par l'inspecteur du Travail et le ministre qui n'ont pas recherché l'éventualité d'une atteinte aux fonctions représentatives du salarié protégé, le juge répressif ne pouvait directement condamner l'employeur sans apprécier lui-même la légalité des refus d'autorisation critiqués ;
" 2° alors que, d'autre part, l'employeur qui démontre la pleine justification d'une mesure qui, prise en application de son pouvoir de direction et dans l'intérêt de l'entreprise, conduit à la modification des conditions de travail d'un salarié protégé, peut être exonéré de la responsabilité pénale encourue pour entrave ; qu'en subordonnant à tort pareille justification à l'existence d'un cas de force majeure ou d'un cas fortuit, la Cour, qui n'a pas examiné comme elle en était requise, la portée des éléments circonstanciés apportés par l'employeur pour justifier sa décision, a derechef méconnu le champ d'application du délit d'entrave ;
" 3° alors, en tout état de cause, que la réintégration dans le même emploi n'est pas un droit absolu du salarié qui se voit proposer un ou plusieurs emplois équivalents avec maintien de tous les avantages antérieurs de son contrat et des conditions lui permettant le plein exercice de son mandat ; qu'en l'absence de modification substantielle de son contrat, la Cour ne pouvait affirmer l'existence d'un délit d'entrave à raison de l'exigence unilatérale et abusive du salarié d'être réintégré précisément dans son emploi antérieur " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que Patrick Y..., salarié de la société Fromagerie de Clerval, délégué du personnel et membre suppléant du comité d'entreprise, a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire ; qu'à la suite du refus de l'inspecteur du Travail d'autoriser son licenciement pour faute grave, l'employeur n'a pas réintégré ce représentant du personnel dans son emploi de responsable d'atelier et lui a proposé d'autres fonctions qu'il a refusées ; qu'à la suite de ces faits Jean-Charles X..., dirigeant de la société Fromagerie de Clerval est poursuivi pour entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel sur le fondement de l'article L. 482-1 du Code du travail ;
Attendu que, pour solliciter sa relaxe, le prévenu a fait valoir que la gravité de la faute commise par Patrick Y... interdisant toute possibilité de le réintégrer dans ses fonctions de responsable d'atelier, il rapportait aussi la preuve de la pleine justification du changement de poste de ce salarié protégé ; qu'il a également invoqué l'absence d'élément intentionnel de l'infraction ;
Attendu que, pour écarter ces moyens de défense et déclarer Jean-Charles X... coupable du délit reproché, la cour d'appel retient que le prévenu, en s'abstenant volontairement, après la décision administrative de refus d'autoriser le licenciement, de réintégrer le salarié protégé dans les fonctions qu'il occupait avant sa mise à pied, et en lui imposant une modification de son contrat de travail, a porté atteinte aux règles de protection des représentants du personnel ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel, le délit d'entrave dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Que, d'une part, il résulte de l'article L. 425-1, alinéa 3, du Code du travail que lorsque l'autorisation de licenciement d'un représentant du personnel mis à pied à titre conservatoire a été refusée, l'intéressé doit retrouver son poste ;
Que, d'autre part, le prévenu ne peut prétendre justifier une mutation par les agissements fautifs imputés au salarié protégé, antérieurs au refus d'autorisation de licenciement, et qui ont été écartés par l'autorité administrative ;
Qu'enfin, il est vainement reproché aux juges de ne pas avoir apprécié la légalité des décisions administratives ayant refusé l'autorisation de licenciement, l'illégalité de ces décisions, à la supposer fondée, n'étant pas de nature à enlever aux faits constatés leur caractère délictueux ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 00-86182
Date de la décision : 11/12/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Délégués du personnel - Atteinte à l'exercice régulier de leurs fonctions - Mise à pied - Refus du licenciement par l'inspecteur du Travail - Non-réintégration - Mutation imposée en raison de la faute - Délit d'entrave constitué.

1° TRAVAIL - Délégués du personnel - Atteinte à l'exercice régulier de leurs fonctions - Mise à pied - Refus du licenciement par l'inspecteur du Travail - Réintégration - Obligation de l'employeur.

1° Il résulte de l'article L. 425-1, alinéa 3, du Code du travail que lorsque l'autorisation administrative de licenciement d'un représentant du personnel mis à pied à titre conservatoire a été refusée, l'intéressé doit être réintégré dans son emploi(1). L'employeur ne peut imposer une mutation au salarié protégé qu'il refuse de réintégrer dans son poste en se prévalant des agissements fautifs antérieurs au refus d'autorisation de licenciement et qui ont été écartés par l'autorité administrative (1). En conséquence, caractérise le délit d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions de délégués du personnel, le fait, par un employeur, alors que le licenciement a été refusé par l'inspecteur du Travail, de ne pas réintégrer le délégué du personnel mis à pied dans le poste de son emploi et de lui imposer un changement de fonctions.

2° TRAVAIL - Délégués du personnel - Atteinte à l'exercice régulier de leurs fonctions - Mise à pied - Refus du licenciement par l'inspecteur du Travail - Illégalité de la décision de refus - Portée.

2° L'illégalité des décisions administratives ayant refusé l'autorisation de licenciement, à la supposer fondée, n'est pas de nature à enlever aux faits constatés leur caractère délictueux. Il s'ensuit que les juges répressifs, appelés à se prononcer sur le délit d'entrave caractérisé par le défaut de réintégration du salarié protégé mis à pied dont le licenciement a été refusé par l'autorité administrative, n'a pas à examiner la légalité des décisions administratives intervenues(2).


Références :

Code du travail L425-1, al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 12 septembre 2000

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre sociale, 1998-11-18, Bulletin 1998, V, n° 498, p. 371 (cassation). (1) Chambre criminelle, 1990-07-18. Pourvoi n° 88-86.545, Diffusé Légifrance. CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1970-07-17, Bulletin criminel 1970, n° 237, p. 566 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1989-12-05, Bulletin criminel 1989, n° 467 (1°), p. 1140 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 déc. 2001, pourvoi n°00-86182, Bull. crim. criminel 2001 N° 266 p. 875
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2001 N° 266 p. 875

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Mazars.
Avocat(s) : Avocat : M. Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:00.86182
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