Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Vivendi a conclu, le 20 janvier 1998, avec plusieurs organisations syndicales de salariés un accord collectif de travail sur la réduction, l'aménagement et l'organisation du temps de travail et sur l'emploi dans les entreprises du pôle eau de la société ; que, le 17 juillet 1998, le syndicat FO de la Compagnie générale des eaux du Centre régional de Bretagne a fait assigner ledit centre régional à l'effet de voir constater l'existence d'une entrave et d'un trouble manifestement illicite au fonctionnement régulier du comité d'établissement résultant de la mise en application de l'accord à compter du 1er juillet 1998 sans consultation régulière du comité et d'obtenir, en conséquence, la suspension de cette mise en application jusqu'à ce que le comité d'établissement ait été régulièrement consulté ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Vivendi fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la suspension de la mise en application de l'accord du 20 janvier 1998 jusqu'à ce que la société Vivendi, pôle eau, région Bretagne, ait procédé à la consultation du comité d'établissement conforme aux dispositions de l'article L. 431-5 du Code du travail, alors, selon le moyen :
1° qu'il résulte de l'article L. 435-3 du Code du travail que le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qu'il est obligatoirement informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise ; qu'il est constant, en l'espèce, que l'accord national du 20 janvier 1998 a donné lieu à la consultation finale du comité central d'entreprise en date du 28 janvier 1998 et après qu'avait été complètement suivie la procédure d'information et de consultation du comité central d'entreprise pendant tout le deuxième semestre 1997 ; que, par suite, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par la société Vivendi dans ses conclusions d'appel, si la procédure d'information et de consultation du comité central d'entreprise ne satisfaisait pas aux exigences d'information de l'article L. 431-5 du Code du travail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 435-3 du Code du travail ;
2° que, méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux moyens péremptoires des conclusions d'appel de la société Vivendi pris, en premier lieu de ce que c'est " pendant une période de vacances et le laps de temps prévu entre les deux consultations du comité d'établissement prévues par le calendrier établi par la direction, que le syndicat FO de l'établissement de Rennes saisissait le 17 juillet 1998 le tribunal de grande instance de Rennes en référé (..) aux fins de faire constater le défaut de consultation du comité d'établissement et en conséquence ordonner la suspension de la mise en application de l'accord du 20 janvier 1998 ", de ce que " cette date stratégique était donc choisie de manière judicieuse étant donné que ni le comité d'établissement ni les autres syndicats ne s'associaient à cette demande " et de ce que " si cette procédure judiciaire n'avait pas eu lieu, le comité d'établissement aurait été consulté comme convenu en disposant d'informations suffisantes et d'un délai de réflexion approprié " (conclusions d'appel p. 5, alinéas 4 et 5, et p. 12, alinéa 7), pris, en second lieu, de ce qu'en tout état de cause, dès lors que le comité central d'entreprise avait été entièrement informé et consulté, l'application de l'accord litigieux " ne pouvait pas être remise en cause au niveau local dans une entreprise à établissements multiples complexes comme la société Vivendi ", d'autant plus " que dans l'autre société du groupe Vivendi du pôle eau présente régionalement et concernée régionalement par cette mesure, soit la société CEO, les deux comités d'établissement de cette société ont parfaitement validé cette opération " (p. 10, alinéa 3, et p. 11, alinéa 10) ;
3° qu'il résulte de l'article L. 435-3 du Code du travail que le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement ; qu'en décidant que c'était à juste titre que le juge des référés avait ordonné la suspension de la mise en application de la totalité de l'accord signé par le Groupe Vivendi visant quarante-quatre sociétés, la cour d'appel a perdu de vue que les décisions de modification des horaires et des rémunérations qui procédaient de l'accord litigieux signé au niveau central s'imposaient dès le dépôt de l'accord, c'est-à-dire avec effet au 1er janvier 1998 et n'appartenaient pas au chef d'établissement, excédant par nature sa compétence, et violé par là l'article L. 435-3 du Code du travail ;
4° qu'en méconnaissant encore à cet égard les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel s'est abstenue de répondre au moyen déterminant des conclusions d'appel de la société Vivendi pris de ce que la direction régionale de la région Bretagne de la société " décidait de mettre en oeuvre au plan local l'accord selon la procédure suivante : "à compter du 1er janvier 1998, prélèvement de la contribution de 0,9 % sur le salaire brut des salariés, comme défini par l'accord, ensuite, consultation des instances représentatives locales, soit le comité d'établissement du centre régional de Bretagne pour la mise en place des modalités d'application pratiques de l'accord soit le passage dans un premier temps de travail effectif de 36 heures à 35 heures, un dispositif ultérieur d'aménagement du temps de travail" et de ce qu'elle "considérait en effet qu'il convenait de dissocier la réduction effective du temps de travail, soit le passage de 36 à 35 heures (du fait de la date maximale d'entrée en vigueur fixée au 1er juillet 1998), et les modalités d'aménagement du temps de travail, ceux-ci nécessitant une réflexion plus poussée au niveau des chefs d'agence et chefs de service du siège régional à Rennes, en concertation avec le personnel et une consultation spécifique du comité d'établissement de Rennes" " ;
Mais attendu que l'accord national du 20 janvier 1998 dispose expressément en préambule qu'il constitue un accord cadre définissant les dispositions essentielles concernant l'ensemble du personnel mais renvoyant pour l'application pratique de plusieurs d'entre elles à une mise au point sur le plan régional après concertation avec le personnel, consultation des instances représentatives du personnel et éventuellement expérimentation ; qu'il résulte de ces dispositions que la mise en oeuvre de l'accord, au plan local, était expressément subordonnée à la consultation préalable des comités d'établissement ;
Et attendu qu'ayant constaté que le directeur du centre régional de Bretagne avait mis en application dans son établissement la réduction du temps de travail prévue par l'accord national sans consulter préalablement le comité d'établissement dudit centre sur les conséquences de cette réduction sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il avait méconnu les dispositions de l'accord national ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Vivendi fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de référé du 12 août 1998 ordonnant la suspension de la mise en application de l'accord sur la réduction du temps de travail signée le 20 janvier 1998 en toutes ses dispositions jusqu'à ce que la société Vivendi pôle eau, région Bretagne, ait procédé à la consultation du comité d'établissement conforme aux dispositions de l'article L. 431-5 du Code du travail alors, selon le moyen :
1° qu'il résulte des dispositions de l'article L. 431-5 du Code du travail que le défaut de consultation du comité d'entreprise, qui peut être sanctionné par ailleurs selon les règles régissant le fonctionnement des comités d'entreprise, n'a pas pour effet d'entraîner la nullité ou l'inopposabilité d'un accord collectif d'entreprise, dont la validité et la force obligatoire demeurent soumises au règles qui lui sont propres ; qu'en confirmant néanmoins l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait ordonné la suspension pure et simple de la mise en application de l'accord du 20 janvier 1998, la cour d'appel a violé l'article L. 431-5 du Code du travail ;
2° que, méconnaissant encore sur ce point les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel s'est abstenue de répondre au moyen déterminant des conclusions d'appel de la société Vivendi selon lequel " dès lors qu'un accord répond à ses conditions légales de validité propres, il acquiert pleine force juridique sans que celle-ci ne puisse être remise en cause par un prétendu non-respect des règles relatives à la consultation des instances représentatives du personnel comme le rappelle parfaitement un arrêt du 5 mai 1998 de la chambre sociale de la Cour de cassation (..) ; cette appréciation juridique de la procédure de mise en place de l'accord relève de deux parties bien distinctes du Code du travail, soit " les dispositions du livre I relatives aux conditions de validité des accords d'entreprise, qui en l'espèce ont été parfaitement respectées, celles du livre IV, relatives aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel, qui en l'espèce, n'auraient pas été respectées (conclusions d'appel p. 13, quatre derniers alinéas, et p. 5, deux premiers alinéas) ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que l'accord du 20 janvier 1998 renvoyait lui-même pour son application pratique à une mise au point sur le plan régional après consultation des instances représentatives du personnel, la cour d'appel a pu décider que le défaut de consultation du comité d'établissement sur la décision unilatérale du chef d'établissement de mise en oeuvre de l'accord au sein du centre régional de Bretagne constituait un trouble manifestement illicite auquel il ne pouvait être mis fin que par la suspension de la mise en application de l'accord ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.