REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 6 octobre 2000, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-3 et 221-6 du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X... coupable d'homicide involontaire ;
" aux motifs qu'il résulte de l'information et notamment des deux expertises médicales réalisées par deux collèges d'experts géographiquement fort éloignés et à des dates successives, en l'espèce par les docteurs C...et D..., experts près la Cour de Colmar, désignés le 12 juillet 1995, puis par les docteurs E..., F..., G...et H..., experts près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, désignés le 12 juin 1996, par le magistrat instructeur, que le décès de l'enfant Tristan Y..., le 17 juin 1994 à Lyon, était dû au traumatisme crânio-encéphalique, lui-même causé par l'application des forceps dont le placement asymétrique était directement responsable de l'enfoncement de la voûte crânienne à l'origine de la fracture du crâne hémorragique ; qu'ils devaient relever encore que lors de l'accouchement, et même eu égard à la position difficile de la tête de l'enfant qui n'arrivait pas à s'engager dans le bassin de sa mère, que l'état de l'enfant et de sa mère n'était nullement inquiétant, le tracé du rythme cardiaque de l'enfant étant normal et qu'il n'y avait aucune urgence à pratiquer son extraction par utilisation de forceps, pas plus d'ailleurs qu'à pratiquer une césarienne ; qu'il n'y avait aucune raison, à l'heure où est arrivé à la polyclinique le docteur X..., de s'alarmer et de procéder, aussi précipitamment, à une extraction forcée de l'enfant ; qu'il résulte de ces conclusions que X... avait agi dans la précipitation, en choisissant une technique d'extraction qui n'était pas justifiée pas plus qu'une autre d'ailleurs ; que les experts médecins ont également relevé que l'utilisation des forceps, outre qu'elle ne s'imposait pas à ce stade de l'accouchement, n'a pas été effectuée dans les règles de l'art ; qu'ils ont été mal posés, contraignant ainsi le médecin accoucheur à les repositionner et surtout à procéder à des efforts de traction foetale violents et répétés, contraignant le praticien à s'arc-bouter en prenant appui avec un de ses pieds posés sur la table de travail, ce que d'ailleurs le docteur X... a reconnu ; qu'ils estiment que ces efforts de traction foetale sont à l'origine directe du traumatisme crânio-encéphalique avec céphalématôme pariétal gauche ayant entraîné le décès de l'enfant ; qu'au regard de ces éléments aussi précis qu'objectifs la Cour estime devoir retenir X... dans les liens de la prévention ; qu'en effet ce dernier ne saurait persister à prétendre avoir agi dans les règles de l'art médical dès lors qu'il est médicalement établi et constaté autant que confirmé par les deux expertises qu'il n'y avait aucune urgence particulière à intervenir aussi précipitamment et en opérant par la pose des forceps, instruments dont l'utilisation n'était pas, à cette période de l'accouchement, nécessaire ; que, par ailleurs, l'utilisation même de ces instruments a été maladroite, longue, violente et traumatisante, le crâne de l'enfant ayant été grièvement et irrémédiablement blessé par ces efforts de traction répétés, seule et unique cause de son décès, quelques jours plus tard, malgré des soins intensifs (arrêt, pages 3 et 4) ;
" alors que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000, modifiant l'article 121-3 du Code pénal, et applicable aux instances en cours, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ;
" qu'en l'espèce, pour déclarer le demandeur coupable d'homicide involontaire sur la personne du jeune Tristan Y..., la cour d'appel, réformant le jugement de relaxe, a estimé que le décès de l'enfant était dû au traumatisme crânio-encéphalique, lui-même causé par l'application des forceps dont le placement asymétrique était directement responsable de l'enfoncement de la voûte crânienne à l'origine de la fracture du crâne hémorragique, et que le comportement du médecin constitue la seule et unique cause du décès de l'enfant quelques jours après l'accouchement, malgré des soins intensifs ;
" qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions d'appel du demandeur qui faisait valoir (conclusions, pages 7 et 8), conformément aux constatations des experts, que si l'enfant était, à la naissance atteint d'un traumatisme crânio-encéphalique, le décès, survenu 13 jours après la naissance, était dû, en définitive, à la décision prise par les époux Y... et les médecins de l'hôpital de Lyon, compte tenu des séquelles neuro-psychomotrices, de mettre un terme au processus de réanimation, décision qui n'était nullement imputable à X..., la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de son accouchement, qui a été pratiqué avec l'aide de forceps par X..., Sylvie Y... a donné naissance à un enfant dont l'état de santé n'a pas paru inquiétant, mais qui a vomi du sang après la prise de son premier biberon ; que l'examen du nouveau-né, aussitôt effectué dans des services spécialisés en milieu hospitalier, a révélé qu'il était atteint d'une fracture de la voûte du crâne avec enfoncement ; que le traumatisme crânio-encéphalique qui en est résulté a entraîné une hémorragie intracérébrale et intraventriculaire suivie de complications qui, dans les jours suivants, ont entraîné son décès ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable d'homicide involontaire, les juges retiennent qu'il a agi précipitamment en choisissant une technique d'extraction qui n'était pas justifiée par la situation et que la mauvaise position des forceps a contraint le médecin accoucheur à les repositionner et surtout à procéder à des efforts de traction foetale violents et répétés ; qu'ils ajoutent que l'utilisation maladroite de ces instruments, effectuée en méconnaissance des règles de l'art, est à l'origine directe des lésions cérébrales irréversibles ayant entraîné la mort ; qu'ils en déduisent que les fautes commises par le prévenu sont la seule et unique cause du décès de l'enfant survenu quelques jours plus tard malgré des soins intensifs ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que X... n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de sa fonction, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a constaté que le prévenu a causé directement le dommage et a, ainsi, justifié sa décision au regard des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, tant dans leur rédaction antérieure à la loi du 10 juillet 2000 que dans leur rédaction issue de cette loi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.