Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 99-44.808 et 99-44.809 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 20 avril 1999), que MM. Y... et X... ont été engagés, le 1er septembre 1994, en qualité de responsables de formation par la société Centrale de négoce monégasque (CNM), dont le siège social est à Monaco, qui a affecté les deux salariés à l'établissement qu'elle exploitait à Aubagne (Bouches-du-Rhône) ; que la société a déclaré, le 4 juillet 1996, sa cessation des paiements devant le tribunal de première instance de Monaco ; que, le même jour, invoquant la cessation de ses paiements, elle a notifié leur licenciement avec effet à compter du 8 juillet 1996 à MM. Y... et X... ; que le tribunal de première instance de Monaco a ouvert la procédure de cessation des paiements de la société le 16 juillet 1996 ; que, le 16 janvier 1997, il a constaté l'extension de la procédure collective à l'établissement d'Aubagne de la société et prononcé la liquidation judiciaire de celle-ci ; que, contestant la régularité de forme et de fond de leur licenciement, les deux salariés ont saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Caisse de garantie des créances des salariés de Monaco reproche aux arrêts d'avoir décidé que les juridictions françaises étaient compétentes pour fixer les créances de MM. Y... et X... au passif de la société CNM, alors, selon le moyen, que la convention relative à la faillite et à la liquidation judiciaire signée à Paris le 13 septembre 1950 entre la Principauté de Monaco et la République française, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine du 9 janvier 1953, dispose, en son article 2, que le tribunal compétent en matière de faillite ou de liquidation judiciaire est, pour les personnes morales, celui du siège social ; que, dès lors, dans la mesure où le siège social de la société CNM se trouvait à Monaco, les conséquences de sa liquidation judiciaire à l'égard de ses salariés devaient être soumises à la juridiction monégasque ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 ;
Mais attendu que l'article 2 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, qui ne concerne que l'ouverture de la procédure collective et les contestations nées de cette procédure, ne modifie pas les règles de compétence édictées par l'article R. 517-1 du Code du travail applicables dans l'ordre international aux différends qui s'élèvent à l'occasion du contrat de travail ;
Et attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des instances introduites par les salariés après avoir retenu que leur travail s'exécutait à Aubagne ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché aux arrêts d'avoir jugé que la loi française était applicable à la rupture des contrats de travail de MM. Y... et X... et à leurs conséquences et d'avoir fixé les créances des salariés au passif de la liquidation des biens de la société CNM, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 5 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 " la production et la vérification des créances du failli ou du débiteur admis au bénéfice de la liquidation judiciaire seront régies par la loi du tribunal qui aura déclaré la faillite ou la liquidation judiciaire " ; que, dès lors, les procédures engagées par MM. Y... et X... ayant abouti à la fixation de leurs créances à l'encontre de la société CNM relevaient nécessairement de la loi monégasque ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 5 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 ;
Mais attendu que l'article 5 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, qui ne concerne que la loi applicable à la production et à la vérification des créances nées du failli ou du débiteur admis au bénéfice de la liquidation judiciaire, demeure sans effet sur les règles relatives à la détermination de la loi applicable au contrat de travail ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé que les salariés travaillaient dans l'établissement exploité à Aubagne par leur employeur et que leur secteur d'activité était limité à des départements français ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider que le Code du travail était applicable à la rupture des contrats de travail des intéressés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief aux arrêts d'avoir mis l'AGS-CGEA de Marseille hors de cause et d'avoir décidé que la Caisse de garantie des créances des salariés de Monaco devait garantir le paiement des créances de MM. Y... et X..., alors, selon le moyen :
1° que la société CNM, qui exploitait en France un établissement stable immatriculé au registre du commerce et des sociétés, était un employeur au sens de l'article L. 143-11-1 du Code du travail, comme tel soumis à l'obligation de cotiser au régime d'assurances de garantie des salaires ; qu'en application de l'article 3 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, les effets de la liquidation de biens se sont trouvés étendus de plein droit sur le territoire français sans qu'il soit nécessaire qu'intervienne une décision d'un tribunal français ; que, dès lors, le régime français de garantie des salaires était applicable à la garantie des créances de ses salariés du fait de sa liquidation de biens ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L. 143-11-1 du Code du travail et 3 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 ;
2° que la cour d'appel ne pouvait dire la Caisse de garantie des créances des salariés de Monaco tenue de garantir le paiement des créances de MM. Y... et X... dans les limites des dispositions qui la régissent, sans répondre aux conclusions de la Caisse faisant valoir qu'il résultait de ses statuts que sa garantie n'était applicable qu'aux salariés travaillant en Principauté ; qu'en s'abstenant de le faire, elle a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a fait ressortir que la société CNM avait adhéré à la Caisse monégasque de garantie des salaires en tant qu'employeur des salariés de l'établissement d'Aubagne ;
Attendu, ensuite, que les institutions compétentes pour garantir aux salariés, en cas de procédure collective d'apurement du passif de l'employeur, le paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, sont celles de l'Etat sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité a été ouverte ; que les institutions de l'Etat sur le territoire duquel le travail s'exécute ne sont compétentes qu'à défaut de protection des droits des salariés par la loi de l'Etat d'ouverture ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel, d'une part, a constaté que la liquidation judiciaire prononcée par la juridiction de Monaco s'était, aux termes mêmes de l'article 3 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, étendue à l'établissement exploité en France par l'employeur ; que, d'autre part, elle a relevé que les créances des salariés étaient arrêtées par le syndic désigné par la juridiction de Monaco et présentées par lui à l'institution monégasque de garantie ; que la cour d'appel a exactement déduit de ses constatations et énonciations que la Caisse de garantie des créances des salariés de Monaco devait garantir le paiement des sommes dues aux salariés au titre de l'exécution et de la rupture de leur contrat de travail, fixées au passif de la procédure collective ouverte à Monaco à l'encontre de l'employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.