REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Robert,
- Y... César,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 27 septembre 2000, qui a condamné le premier, pour entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 25 000 francs d'amende, le second, pour complicité de ce délit, à 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Bruno Z... a été nommé commissaire aux comptes de la société Rhône-Alpes Levage (RAL), dont le gérant était Robert X..., pour six exercices comptables clôturés du 30 avril 1992 au 30 avril 1997 ; que César Y..., expert-comptable de la société, assurait également le secrétariat juridique ;
Attendu que, suite à des difficultés apparues lors de l'arrêté des comptes au 30 avril 1995 et aux demandes de rectifications du commissaire aux comptes, la société RAL a engagé diverses procédures judiciaires pour faire relever ce dernier de ses fonctions, a cessé de lui payer ses honoraires et d'avoir des rapports avec lui ; qu'un jugement du tribunal de commerce d'Annonay, en date du 20 décembre 1996, a relevé Bruno Z... de ses fonctions ; que cette décision a été annulée le 27 novembre 1997 par la cour d'appel de Nîmes, qui a dit n'y avoir lieu à relèvement ; qu'après avoir informé le procureur de la République des difficultés qu'il rencontrait dans l'exercice de sa mission, le commissaire aux comptes a porté plainte le 31 juillet 1998 avec constitution de partie civile pour délit d'entrave ; qu'au terme de l'information, Robert X... et César Y... ont été renvoyés devant la juridiction correctionnelle pour avoir, d'avril 1996 à février 1999, mis sciemment obstacle aux fonctions du commissaire aux comptes, notamment en lui refusant la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de sa mission ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Robert X... :
(Publication sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Robert X... :
(Publication sans intérêt) ;
Mais sur le moyen complémentaire proposé pour César Y..., pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 458 et 430 de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, requalifiant les faits, a déclaré César Y... coupable de complicité d'entrave aux vérifications et aux contrôles de commissaire aux comptes ;
" aux motifs que César Y... s'est sciemment rendu complice de Robert X..., en facilitant la préparation et la consommation du délit d'entrave commis par ce dernier, l'aide et l'assistance qu'il lui a fournies ; que César Y... s'est personnellement impliqué aux côtés de Robert X... dans le dessein d'écarter Bruno Z... qui avait dénoncé ses pratiques comptables ; que César Y... avait envoyé plusieurs courriers au commissaire aux comptes pour l'inciter au départ et qu'il avait fait intervenir volontairement la société Gefirex dans la procédure judiciaire en relèvement introduite par la société RAL ; que César Y... s'est surtout abstenu de répondre au courrier que lui avait adressé Bruno Z... en vue de pouvoir consulter les documents comptables de la société qu'il était en charge de contrôler ; que ce comportement traduit chez son auteur une volonté certaine et affichée d'assister Robert X... dans l'obstruction mise par ce dernier à l'exercice des fonctions du commissaire aux comptes de la société RAL ;
" alors que les juges du fond ne peuvent statuer que sur les faits tels qu'ils résultent de l'ordonnance ou de la citation qui les a saisis ; que s'ils peuvent changer la qualification des faits poursuivis, c'est à la condition d'être saisis par le titre initial de la poursuite de tous les éléments de fait du délit qu'il s'agit de substituer à celui qui était poursuivi ; qu'ils ne peuvent, au prétexte de requalification, ajouter des faits et des délits non visés à la prévention sans que, au préalable, l'intéressé ait expressément accepté d'être jugé de ce chef complémentaire ; qu'en l'espèce, en requalifiant les faits d'entrave aux vérifications et aux contrôles de commissaire aux comptes reprochés à César Y... en complicité de ce délit, qui contient des éléments constitutifs différents, tant intentionnel que matériels, sans constater que le prévenu ait expressément accepté d'être jugé de ce chef complémentaire, la cour d'appel a méconnu les limites de sa saisine, en violation des dispositions de l'article 388 du Code de procédure pénale " ;
Vu l'article 388 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du Code de procédure pénale ;
Attendu que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que César Y..., renvoyé devant le tribunal correctionnel pour entrave aux vérifications et aux contrôles du commissaire aux comptes Bruno Z... et condamné par les premiers juges sous la même qualification, a été déclaré coupable par la cour d'appel de complicité du délit d'entrave commis par Robert X..., sans avoir été invité à se défendre sur cette nouvelle qualification ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés pour le même demandeur ;
I. Sur le pourvoi de Robert X... :
Le REJETTE ;
II. Sur le pourvoi de César Y... :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions relatives à ce demandeur, celles concernant Robert X... étant expressément maintenues, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 septembre 2000, et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties concernées devant la cour d'appel de Chambéry.