CASSATION sur le pourvoi formé par :
- Y... Abdelkader,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 10e chambre, en date du 31 juillet 2000, qui, pour infractions à la législation sur les étrangers, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec maintien en détention et 3 ans d'interdiction du territoire français.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, alinéa 1, 63-1, 385, 395, 512 et 593 du Code de procédure pénale, 5. 4 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de garde à vue, débutée le 15 juin 2000, et de l'intégralité de la procédure subséquente ;
" aux motifs que la saisine de la Cour était limitée aux faits, commis le 21 juin 2000 et visés à la prévention, à savoir un séjour irrégulier en France et une soustraction à une mesure de reconduite à la frontière ; que, si le refus d'embarquement de X... se disant Abdelkader Y..., le 21 juin 2000, a été commis à l'occasion d'une procédure de rétention administrative trouvant son origine dans une interpellation en date du 15 juin 2000, la Cour ne saurait présentement apprécier que la régularité de la garde à vue du 21 juin 2000, qui n'est pas contestée ;
" alors, d'une part, que l'article 385 du Code de procédure pénale, qui s'applique à la cour d'appel en vertu de l'article 512 du même Code, donne qualité au juge pénal pour constater les nullités de procédure qui lui sont soumises ; que les juges correctionnels, appelés à juger un prévenu selon la procédure de comparution immédiate, sont compétents pour apprécier les conditions dans lesquelles le prévenu a été interpellé et gardé à vue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait pas refuser de contrôler la régularité de la garde à vue du prévenu en date du 15 juin 2000, garde à vue au cours de laquelle l'irrégularité du séjour d'Abdelkader Y... était apparue, tout en admettant que les infractions reprochées à celui-ci avaient été commises à l'occasion d'une procédure de rétention administrative qui avait elle-même son origine dans l'interpellation critiquée ;
" alors, d'autre part, qu'en vertu de l'article 5. 4 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention ; qu'en refusant de se prononcer sur la régularité de l'interpellation du prévenu en date du 15 juin 2000 et donc sur la validité de l'ensemble de la procédure subséquente, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu les articles 385 et 512 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la juridiction de jugement doit statuer sur les exceptions de nullité de la procédure qui lui ont été régulièrement soumises ;
Attendu qu'Abdelkader Y..., ressortissant tunisien, a été interpellé et placé en garde à vue le 15 juin 2000 ; qu'il a été mis fin à la garde à vue le 16 juin au moment où il a fait l'objet d'une mesure de rétention administrative aux fins d'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière qui lui avait été notifié ; que, le 21 juin 2000, il a refusé de quitter le territoire français ; qu'il a alors été placé en garde à vue et présenté devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate sous la prévention d'infractions à la législation sur les étrangers ; qu'avant toute défense au fond, Abdelkader Y... a conclu à la nullité de la procédure en raison d'irrégularités de la première garde à vue dont il a fait l'objet le 15 juin 2000 ;
Attendu que, pour rejeter cette exception, la juridiction d'appel énonce que sa saisine est limitée aux faits commis le 21 juin 2000 ; que, si le refus d'embarquement a été commis à l'occasion d'une procédure de rétention administrative trouvant son origine dans une interpellation en date du 15 juin 2000, elle ne doit apprécier que la régularité de la garde à vue du 21 juin 2000, qui n'est pas contestée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le prévenu n'est pas poursuivi seulement pour s'être soustrait à l'arrêté de reconduite à la frontière, mais aussi pour entrée et séjour irréguliers en France, faits constatés dès son interpellation et son placement en garde à vue, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 31 juillet 2000, et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.