Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par décision n° 98-D-61 du 6 octobre 1998, le Conseil de la concurrence, examinant des faits commis dans le secteur de l'élimination des déchets, a condamné différentes entreprises pour des pratiques jugées contraires aux articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il a, en particulier, décidé qu'il existait un marché de la mise en décharge contrôlée des ordures ménagères en Ile-de-France et que la société Routière de l'est parisien (société REP) disposait d'une position dominante sur ce marché ; qu'il a estimé qu'en consentant des tarifs préférentiels aux entreprises du groupe auquel elle appartenait, la société REP avait commis une pratique discriminatoire constitutive d'un abus de position dominante et l'a condamnée à une sanction pécuniaire de 5 000 000 francs ; que la société REP a formé un recours en annulation et en réformation de cette décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société REP fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le moyen, que, selon l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial ; qu'il résulte des énonciations de la décision frappée de recours que le rapporteur du Conseil de la Concurrence, qui " définit les orientations de l'enquête " en vertu de l'article 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qui a établi la notification de griefs, a participé au délibéré, de même que le rapporteur général qui contrôle l'instruction, si bien qu'en rejetant le recours formé à l'encontre de la décision rendue dans de telles conditions, la cour d'appel a violé le texte précité ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 2-3° du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 que, lorsque la déclaration de recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision frappée de recours ; que la société REP n'ayant exposé le moyen d'annulation tiré de la présence du rapporteur au délibéré ni lors de sa déclaration de recours ni dans les deux mois suivant la notification de la décision, elle n'est pas recevable à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation et la cour d'appel n'était pas tenue de le relever d'office ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société REP fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le moyen, que prive sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la cour d'appel qui, pour définir le marché pertinent, retient la spécificité du traitement des ordures ménagères en décharge par rapport aux autres modes de traitement (incinération et compostage), en se fondant sur la différence de coût entre ces modes de traitement extraite d'une étude réalisée par 1993 par la société BIPE, sans s'expliquer sur le moyen péremptoire tiré de ce que les chiffres utilisés dans cette étude et reproduits par l'arrêt correspondaient à une moyenne nationale, dénuée de tout rapport avec les coûts spécifiques réellement pratiqués en Ile-de-France, région correspondant par ailleurs à la définition du marché géographique retenue par l'arrêt ; que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui, pour écarter la deuxième étude de la société BIPE propre aux prix effectivement pratiqués en 1994 en Ile-de-France par les différentes filières, se fonde sur la considération inopérante qu'elle serait de deux ans postérieure aux pratiques incriminées et s'abstient ainsi de s'expliquer sur les écarts considérables de prix entre la moyenne régionale (rapport BIPE 1993) et la moyenne nationale (rapport BIPE 1995) invoquée par la société REP ;
Mais attendu que l'arrêt énonce que le Conseil de la concurrence s'est à juste titre fondé sur les analyses disponibles à l'époque des pratiques anticoncurrentielles reprochées pour délimiter le marché qui font apparaître une première spécificité du traitement des ordures ménagères en décharge par le coût ; qu'en l'état de ces énonciations, dont il ressort qu'elle a écarté, en appréciant souverainement la pertinence des moyens de preuve offerts sur la question des niveaux de coût des différentes techniques d'élimination des ordures ménagères, la possibilité de prendre en compte des données postérieures aux faits dénoncés, la cour d'appel, a, en la motivant, légalement justifié sa décision sur ce point ; que le grief n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-2 du Code de commerce ;
Attendu que pour approuver la délimitation du marché pertinent arrêtée par le Conseil de la concurrence, l'arrêt retient que les données retenues par le Conseil font apparaître que le traitement des déchets en décharge contrôlée permet de faire disparaître les déchets ultimes générés par les autres traitements comme le recyclage, le compostage ou l'incinération, qu'il s'en déduit une deuxième spécificité par son but et sa technique, qu'en conséquence, le traitement des déchets en décharge contrôlée n'est pas un mode substituable d'élimination des déchets en raison de ses spécificités de nature à influer sur le comportement des entreprises et syndicats communaux de collecte des déchets dans le choix de la filière d'élimination et constituait à l'époque des faits un marché suffisamment identifiable pour être distinct du marché du traitement des déchets ménagers en général ;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, sans rechercher si le choix des demandeurs à l'élimination des déchets est ou non effectivement déterminé pour tel ou tel mode de traitement des ordures ménagères par des considérations tenant à leurs spécificités techniques, ce pourquoi chacun de ces procédés ne serait pas substituable aux autres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 avril 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.