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06/03/2001 | FRANCE | N°98-46479

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2001, 98-46479


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 13 janvier 1995, la société Kenner Parker France aux droits de laquelle se trouve la société Groupe Hasbro France a convoqué son comité d'entreprise pour le 19 janvier suivant aux fins de le consulter sur le projet de transfert pour cause économique de son siège social de Pantin au Bourget-du-Lac avec proposition de mutation de l'ensemble des salariés ; que, par lettre du 20 janvier 1995, adressée à chacun des salariés concernés, elle leur a notifié sa décision et fait une proposition de mutation en application de l'article L. 321-1-2 du

Code du travail ; que trente-deux salariés ont refusé leur muta...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 13 janvier 1995, la société Kenner Parker France aux droits de laquelle se trouve la société Groupe Hasbro France a convoqué son comité d'entreprise pour le 19 janvier suivant aux fins de le consulter sur le projet de transfert pour cause économique de son siège social de Pantin au Bourget-du-Lac avec proposition de mutation de l'ensemble des salariés ; que, par lettre du 20 janvier 1995, adressée à chacun des salariés concernés, elle leur a notifié sa décision et fait une proposition de mutation en application de l'article L. 321-1-2 du Code du travail ; que trente-deux salariés ont refusé leur mutation ; que la société a alors mis en oeuvre la procédure de consultation prévue en cas de licenciement collectif pour motif économique et a établi un plan social ; que les salariés ayant refusé leur transfert ont été licenciés le 24 avril 1995 ; que Mme X..., Mlle Y... et M. de Saint Sernin ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment à la constatation de la nullité de la procédure de licenciement et de leur licenciement et au paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Groupe Hasbro France fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 30 octobre 1998) d'avoir dit que la procédure de licenciement suivie par elle était nulle et de nul effet, d'avoir considéré que les licenciements qui en constituaient la suite étaient également nuls et de l'avoir condamnée à payer aux salariés les salaires correspondant à la période où ils pouvaient encore travailler pour elle, soit jusqu'au moment où ils ont retrouvé un autre emploi alors, selon le moyen :

1° que si une entreprise ne peut être condamnée, pour défaut de mise en oeuvre d'un plan social au moment de l'envoi des propositions de modification des contrats de travail, que lorsque le nombre de ces propositions est supérieur à dix et le nombre de refus inférieur à dix, un tel principe ne saurait être étendu au cas où le nombre de refus est supérieur à dix et où un plan social doit obligatoirement être mis en oeuvre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 321-2 et L. 321-1-3 du Code du travail ;

2° que, aux termes de l'article L. 321-4-1, alinéa 2, du Code du travail, la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement des salariés s'intégrant au plan social n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel ; qu'en décidant que la procédure n'avait pas été régularisée par la présentation du plan social aux représentants du personnel, le 23 février 1995, la cour d'appel a violé l'article L. 321-4-1, alinéa 2, du Code du travail ;

3° qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les lettres de licenciement stipulaient expressément que la liste des postes disponibles avait été affichée le 2 mars 1995, conformément au plan social, puis adressée par courrier daté du 28 mars 1995 à chaque membre du personnel concerné par le licenciement ; qu'en estimant cependant que le plan social n'avait pas respecté l'article L. 321-4-1 du Code du travail puisque le reclassement interne envisagé se limitait à l'octroi d'aides à la mutation, sans indication du nombre et de la nature des emplois offerts, la cour d'appel a violé l'article L. 321-4-1 du Code du travail ;

4° qu'en accordant, parallèlement à la mise en oeuvre du plan social, un délai de réflexion supplémentaire aux salariés jusqu'au 15 mars 1995, la société a entendu régulariser la procédure ; qu'ainsi en estimant néanmoins que la procédure n'avait pu être validée rétroactivement, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 321-4-1, alinéa 2, du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement rappelé que dans les entreprises ou professions visées à l'article L. 321-2 et L. 321-3 du Code du travail où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, les employeurs, qui projettent d'y effectuer un licenciement pour motif économique, sont tenus, lorsque le nombre de licenciements envisagés est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, non seulement de réunir et de consulter le comité d'entreprise mais d'établir et mettre en oeuvre un plan social pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ; qu'en outre, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 321-1 du Code du travail, ces dispositions sont applicables à toute rupture résultant d'une cause économique ;

Et attendu, d'abord, qu'ayant relevé que la décision de la société Kenner Parker France de transférer son siège social de Pantin au Bourget-du-Lac la conduisait à proposer à plus de dix salariés la modification de leur contrat de travail et par suite à envisager leur licenciement ou à tout le moins la rupture de leur contrat de travail pour motif économique, ce dont il résultait qu'elle était tenue d'établir et mettre en oeuvre un plan social, la cour d'appel, qui a constaté que la société avait adressé à quarante salariés une proposition de modification de leur contrat de travail sans avoir préalablement établi un plan social, en a exactement déduit que la procédure suivie était nulle et de nul effet ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a exactement énoncé que ni l'établissement d'un plan social après que plus de dix salariés ont refusé la proposition de modification, ni la prolongation du délai de réflexion imparti aux salariés ayant refusé leur mutation, n'avaient pu avoir pour effet de régulariser la procédure ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident réunis :

Attendu que la société Groupe Hasbro France fait encore grief à l'arrêt d'avoir considéré que les licenciements étaient nuls et de nul effet et d'avoir alloué aux salariés des dommages-intérêts de ce chef, d'avoir au surplus statué sur le caractère réel et sérieux des licenciements et, considérant que ceux-ci étaient dépourvus de caractère réel et sérieux, d'avoir condamné l'employeur à verser à chacun des salariés concernés des dommages-intérêts pour rupture abusive de leur contrat de travail alors, selon le moyen :

1° qu'en statuant sur l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements après avoir constaté la nullité de ceux-ci la cour d'appel a violé l'article L. 321-4-1 du Code du travail ainsi que par fausse application l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

2° qu'en allouant aux salariés des indemnités cumulatives sur chacun des deux fondements distincts, nullité des licenciements et licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a encore violé l'article L. 321-4-1 du Code du travail ainsi que par fausse application l'article L. 122-14-4 du même Code ;

3° qu'en ne recherchant pas si la réorganisation de l'entreprise n'était pas justifiée par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité, ainsi qu'il résultait en particulier de la documentation économique présentée au comité d'entreprise la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;

Attendu que les salariés font eux-mêmes grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société à leur verser les salaires qu'ils auraient perçus du jour du licenciement au jour où ils ont retrouvé un emploi alors, selon le moyen, que tout salarié dont la nullité du licenciement a été constatée par une décision judiciaire est en droit de prétendre à la réparation intégrale du préjudice qui en découle, qu'il s'ensuit que le montant de la rémunération doit correspondre à la perte de revenus subie par le salarié entre le moment de son licenciement et le jour du prononcé du jugement ; qu'en décidant de limiter cette indemnisation à la période où Mmes X... et Y... et M. de Saint Sernin pouvaient encore travailler pour la société Kenner Parker France, soit jusqu'au moment où ils ont retrouvé un emploi, ce qui revenait à les indemniser partiellement du préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code du travail ;

Mais attendu que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

Et attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a accordé aux salariés, outre des dommages-intérêts à raison de la nullité de leur licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce vice n'ouvre pas droit à cassation dès lors que l'indemnité allouée aux salariés, qui répare intégralement le préjudice subi par ceux-ci résultant du caractère illicite du licenciement, est au total d'un montant au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 98-46479
Date de la décision : 06/03/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Modification du contrat de travail - Modification consécutive à la réorganisation de l'entreprise - Modification concernant plus de dix salariés - Licenciements éventuels - Plan social - Nécessité.

1° Dans les entreprises ou professions visées à l'article L. 321-2 et L. 321-3 du Code du travail où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, les employeurs qui projettent d'y effectuer un licenciement pour motif économique sont tenus, lorsque le nombre de licenciements envisagés est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, non seulement de réunir et de consulter le comité d'entreprise mais d'établir et mettre en oeuvre un plan social pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. En outre, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 321-1 du Code du travail, ces dispositions sont applicables à toute rupture résultant d'une cause économique. Dès lors, ayant relevé que la décision d'une société de transférer son siège social la conduisait à proposer à plus de dix salariés la modification de leur contrat de travail et par suite à envisager leur licenciement ou à tout le moins la rupture de leur contrat de travail pour motif économique, la cour d'appel, qui a constaté que la société avait adressé aux salariés une proposition de modification de leur contrat de travail sans avoir préalablement établi un plan social, en a exactement déduit que la procédure suivie était nulle et de nul effet.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Nullité - Effets - Réparation du préjudice - Détermination - Indemnité minimum.

2° Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail. Si donc c'est à tort qu'une cour d'appel a accordé à des salariés, outre des dommages-intérêts à raison de la nullité de leur licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce vice n'ouvre pas droit à cassation dès lors que l'indemnité allouée aux salariés, qui répare intégralement le préjudice subi par ceux-ci résultant du caractère illicite du licenciement, est au total d'un montant au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail.


Références :

1° :
2° :
Code du travail L122-14-4
Code du travail L321-2, L321-3, L321-1 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 octobre 1998

A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 1996-12-03, Bulletin 1996, V, n° 411, p. 294 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2001, pourvoi n°98-46479, Bull. civ. 2001 V N° 71 p. 54
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 V N° 71 p. 54

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Duplat.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Frouin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Defrénois et Levis, la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:98.46479
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