CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 décembre 1999, qui, sur sa plainte avec constitution de partie civile, contre personne non dénommée, des chefs de violences volontaires, abus de pouvoir, forfaiture et actes attentatoires à la liberté, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2, 1° et 7°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X... a porté plainte et s'est constitué partie civile pour coups et blessures volontaires, forfaiture et abus de pouvoir, dénonçant les conditions dans lesquelles il a été transféré d'un établissement pénitentiaire à un autre, puis placé en cellule d'isolement ; que la chambre d'accusation a confirmé l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction ;
En cet état ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 5.1, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, 432-4 du Code pénal, D. 283-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'informer sur la plainte de X... pour atteinte à sa liberté individuelle ;
" aux moyens que, par ailleurs, les forfaitures et abus de pouvoir ne sont que l'application des conditions dans lesquelles sont appliquées au plaignant les règles de fonctionnement des établissements pénitentiaires ; que ces faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ; que c'est à juste titre que l'ordonnance de refus d'informer a été rendue ;
" alors que le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou à l'occasion de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner ou d'accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle est réprimé par l'article 432-4 du Code pénal ; que toute condamnation doit être prononcée par un tribunal indépendant et impartial, offrant les garanties d'une procédure judiciaire ; que, par conséquent, constitue une atteinte à la liberté individuelle le fait de transférer contre son gré un détenu en cellule d'isolement sans le faire bénéficier de telles garanties ; qu'en décidant néanmoins que le fait, pour X..., d'avoir été placé en cellule d'isolement, sans avoir bénéficié de ces garanties, n'était susceptible d'aucune qualification pénale, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour refuser d'informer, la chambre d'accusation relève que le transfèrement et la mise à l'isolement, dénoncés comme constituant des " forfaitures, abus de pouvoir " et actes attentatoires à la liberté, relèvent de règles de fonctionnement des établissements pénitentiaires et ne sont susceptibles de recevoir aucune qualification pénale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il invoque la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-13.7°, du Code pénal, 86, alinéa 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'informer sur la plainte de X... du chef de coups et blessures volontaires ;
" aux motifs que, par ordonnance du 16 avril 1999, le juge d'instruction a refusé d'informer aux motifs que les faits dénoncés, à les supposer établis, ont pour origine, en ce qui concerne les violences volontaires, les conditions dans lesquelles le plaignant a été extrait contre son gré de la maison centrale d'Izeure pour être transféré vers la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy ; que par ailleurs les forfaitures et abus de pouvoir ne sont que l'application des conditions dans lesquelles sont appliquées au plaignant les règles de fonctionnement des établissements pénitentiaires ; que les faits de violences volontaires, à les supposer constitués se seraient produits hors du ressort et quoi qu'il en soit, n'ayant entraîné aucune incapacité totale temporaire seraient constitutifs d'une contravention et non susceptibles d'être l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile ;
" 1o alors que les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours sont punies de 3 ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende lorsqu'elles sont commises par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ou de sa mission ; que la chambre d'accusation a relevé que les violences volontaires dont a été victime X... avaient pour origine les conditions dans lesquelles il avait été extrait contre son gré de la Maison centrale d'Izeure vers la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy ; qu'en refusant néanmoins d'informer sur la plainte de X..., qui soutenait avoir été victime de violences volontaires, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen ;
" 2o alors que les juridictions d'instruction ont le devoir d'instruire ; que cette obligation ne cesse que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite, ou, si à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; que les juridictions d'instruction ne peuvent donc se fonder sur des éléments de pur fait, qu'il appartient précisément à l'information d'établir, pour refuser d'informer ; qu'en affirmant néanmoins, pour refuser d'informer, que X... n'avait été victime d'aucune incapacité de travail temporaire, ce qu'il appartenait précisément à l'information d'établir, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen " ;
Vu les articles 85 et 86 du Code de procédure pénale, et l'article 222-13 du Code pénal ;
Attendu que, selon les deux premiers de ces textes, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;
Attendu que, selon l'article 222-13.7° du Code de procédure pénale, les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours ou n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail sont punies de peines délictuelles lorsqu'elles sont commises par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
Attendu que, pour refuser d'informer sur les faits de violences alléguées par X... comme ayant été commises sur sa personne lors de son transfèrement, l'arrêt énonce que ces faits, à les supposer constitués, n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, seraient constitutifs d'une contravention, non susceptible d'être l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile ; qu'ils ajoutent qu'ils se seraient produits hors du ressort ;
Mais, attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la partie civile mettait en cause des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et, sans avoir vérifié par une information préalable sa compétence territoriale, la chambre d'accusation a méconnu les textes susvisés ;
Que dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 décembre 1999, en ses seules dispositions disant n'y avoir lieu d'informer du chef de violences volontaires, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.