Attendu que, pour financer une opération de construction, la Banque de Neuflize, Schlumberger et Mallet (NSM) a consenti à la société civile immobilière Lalande (SCI), le 15 novembre 1992, une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 3 600 000 francs, l'acte stipulant le paiement de l'intégralité du prix de vente des lots à la banque ; qu'en décembre 1992 et janvier 1993, neuf lots ont été vendus ; que les actes notariés dressés par M. X..., notaire, comportaient la clause suivante : " en exécution des engagements pris par le vendeur, tous les paiements devront avoir lieu au siège de la Banque NSM, par chèque libellé à son ordre " ; qu'ayant appris que le notaire ne lui avait versé que la somme de 4 117 907 francs sur celle de 7 401 033 francs représentant le total des sommes perçues des acquéreurs, cet officier public ayant remis la différence directement à la SCI, la banque a fait assigner la SCP Delouis et X... et M. X... en réparation de son préjudice, après que la SCI Lalande eut été mise en liquidation judiciaire ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 22 janvier 1998) les a condamnés à payer à la Banque NSM la somme de 3 023 125,96 francs en principal à titre de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la SCP Delouis et X... fait grief à la cour d'appel de l'avoir condamnée, alors, selon le moyen :
1° qu'en méconnaissant le caractère accessoire de l'acceptation du bénéficiaire d'une stipulation pour autrui, qui ne peut être donnée qu'au regard d'une convention préalablement conclue entre le promettant et le stipulant, elle a violé les articles 1121 et 1382 du Code civil ;
2° qu'en considérant que le notaire devait prendre en considération, au jour de l'exécution des contrats en cause, les droits de la banque résultant d'une convention qu'il n'avait pas dressée et qui était conclue au bénéfice de tiers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3° qu'en laissant sans réponse le moyen par lequel le notaire avait fait valoir que le gérant de la SCI, partie à l'acte, lui avait expressément demandé de lui verser les fonds, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'acceptation du bénéficiaire n'est pas une condition de la stipulation pour autrui ; qu'ayant constaté que la Banque NSM avait manifesté dans l'acte du 15 novembre 1992 sa volonté d'accepter les stipulations faites en sa faveur, c'est à juste titre que la cour d'appel a estimé que le droit de recevoir les prix de ventes, constitué à son bénéfice, était irrévocable ; que, d'autre part, la clause par laquelle, en exécution des engagements de la SCI, les paiements devaient être faits à la banque, figurant dans les actes de vente qu'il avait dressés, c'est à bon droit que la cour d'appel a estimé que M. X... ne pouvait remettre les fonds à la SCI sans s'être assuré, auprès de la banque, que cette clause n'avait plus lieu d'être ; que le moyen est donc dépourvu de fondement en ses deux premières branches et inopérant en sa troisième ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches ;
Attendu que la SCP Delouis et X... reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer la somme de 3 023 125,96 francs avec intérêts légaux, alors, selon le moyen :
1° que cette condamnation aurait dû être limitée au montant débiteur du compte courant, seul garanti ;
2° que sa responsabilité ne pouvait être retenue que si le préjudice allégué est certain ; qu'en ne caractérisant pas la relation causale entre le préjudice et la faute reprochée et en ne recherchant pas si les opérations de liquidation judiciaire ne permettait pas à la banque de recouvrer sa créance, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, par une appréciation souveraine, la cour d'appel a relevé qu'aux termes de la convention de compte courant, la SCI s'était engagée à verser l'intégralité des prix de vente sur ce compte et non pas seulement les prix de vente à concurrence de la somme prêtée ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision au regard du premier grief du moyen ; que, d'autre part, la victime ne peut se voir imposer, à la suite de la faute commise, l'exercice de voie de droit autre que celles qui avaient pu être initialement prévues ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu le caractère certain du préjudice de la Banque NSM ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.