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29/11/2000 | FRANCE | N°99-85366

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 novembre 2000, 99-85366


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la société Vee Ray Industrie Ltd, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 24 juin 1999, qui, dans la procédure suivie contre Wayne X... et Steven Y..., des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et importation en contrebande de marchandises prohibées, a déclaré son appel et son intervention volontaire irrecevables.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6. 1 e

t 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et d...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la société Vee Ray Industrie Ltd, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 24 juin 1999, qui, dans la procédure suivie contre Wayne X... et Steven Y..., des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et importation en contrebande de marchandises prohibées, a déclaré son appel et son intervention volontaire irrecevables.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6. 1 et 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er du protocole additionnel numéro 1 de cette même Convention, 369, 414 et 435 du Code des douanes, 131-39 du Code pénal, 496, 497 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables l'appel et l'intervention volontaire de la société Vee Ray Industrie Ltd, propriétaire d'un bien dont la confiscation a été prononcée par le tribunal correctionnel ;
" aux motifs que la société Vee Ray Industrie Ltd, propriétaire de la machine, qui avait réglé à l'administration des Douanes la contre-valeur de ladite machine afin d'obtenir mainlevée de la marchandise saisie, n'est pas recevable aux termes de l'article 497 du Code de procédure pénale en son appel, dès lors qu'elle n'est ni prévenue, ni partie civile, ni civilement responsable des prévenus ;
" et aux autres motifs qu'elle n'est pas plus recevable en son intervention dès lors qu'elle n'était pas intervenante en première instance, alors qu'il lui appartenait, après avoir réglé une telle somme, de prendre toutes dispositions pour être en mesure de faire valoir ses droits, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'elle ne peut prétendre être victime d'un procès inéquitable alors qu'elle avait été prévenue par l'administration des Douanes dans son courrier du 29 mai 1998 que cette Administration demanderait la confiscation de la somme cautionnée ou consignée aux lieu et place de la machine ;
" alors, d'une part, que le propriétaire d'une machine précédemment saisie par l'administration des Douanes, puis restituée en contrepartie du versement de la contre-valeur en argent, bien qu'absent en première instance pour n'avoir pas été averti de la date d'audience, est recevable à interjeter appel du jugement prononçant la confiscation de la somme consignée en remplacement de la machine saisie pour avoir prétendument servi à masquer la fraude, dès lors que cette personne, condamnée à une pénalité douanière par les premiers juges, a intérêt à agir pour faire constater, faute de citation, le caractère inopposable de cette décision qui lui fait grief et faire prononcer sa mise hors de cause, faute d'évocation possible ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Vee Ray Industrie Ltd, qui a acquis une machine empaqueteuse en Espagne et a utilisé les services d'un transporteur pour la rapatrier en Angleterre, a vu cette machine saisie par l'administration des Douanes à la suite de la découverte de produits stupéfiants dans des pots de peinture, ne lui appartenant pas, mais acheminés par le même transporteur, puis a obtenu mainlevée de cette saisie en versant provisoirement une somme de 500 000 francs à l'administration des Douanes ; qu'après une information, à laquelle la société Vee Ray Industrie Ltd n'a jamais été conviée pour s'expliquer, et le renvoi des 2 conducteurs devant la juridiction correctionnelle pour infractions à la législation sur les stupéfiants et infractions de contrebande douanière, le tribunal correctionnel a accueilli la demande de confiscation présentée par l'administration douanière, en jugeant que la somme de 500 000 francs représentait la machine précédemment saisie, sans que la société propriétaire n'ait été avertie de la date d'audience par une citation émanant du ministère public ou de l'administration des Douanes ; qu'en conséquence, le jugement rendu par le Tribunal n'était pas opposable à la société Vee Ray Industrie Ltd ; que seule la voie de l'appel permettait de faire constater sa mise hors de cause, le principe du double degré de juridiction prohibant toute évocation ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe des droits de la défense ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des principes énoncés aux articles 6. 1 et 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute personne physique ou morale susceptible d'être condamnée à une sanction pénale ou douanière doit bénéficier d'un procès équitable et être informée, par citation, de la date d'audience et de l'accusation portée contre elle, soumise à la juridiction appelée à se prononcer sur la peine de confiscation d'un bien lui appartenant ; qu'en refusant de constater que le défaut de citation, seul acte susceptible d'avertir la société propriétaire du bien saisi par l'administration des Douanes comme instrument de fraude, de la date d'audience, ne lui avait pas permis de faire valoir ses droits et avait abouti, en son absence, au prononcé de la confiscation d'une somme de 500 000 francs dont elle était propriétaire, la cour d'appel a consacré un procédé privant le propriétaire du bien confisqué d'un procès équitable assurant le droit d'être informé de la cause de l'accusation portée contre lui et le droit de se défendre, en violation des droits et textes susvisés ;
" alors, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel numéro 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les atteintes portées par les Etats membres à l'encontre des biens appartenant aux personnes physiques et aux personnes morales, qui figurent dans des lois destinées à assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou amendes, doivent être proportionnées au regard du but poursuivi ; que, dès lors, l'objet destiné à masquer la fraude ne peut être confisqué que s'il appartient au prévenu reconnu coupable de l'infraction douanière, le tiers propriétaire d'un tel bien ne pouvant être privé de ses droits, sans que les textes susvisés ne soient violés " ;
Vu l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 374. 1 du Code des douanes ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal décidant des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite du contrôle d'un ensemble routier ayant permis de découvrir des plaquettes de cannabis, dissimulées derrière une machine empaqueteuse que le véhicule contrôlé transportait, celle-ci a été saisie par les douaniers ; que, pour obtenir la mainlevée de la saisie, la société Vee Ray Industrie, propriétaire de la machine, a dû consigner une somme de 500 000 francs ;
Attendu que les conducteurs du véhicule ont été condamnés, notamment pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, par le tribunal correctionnel, lequel a ordonné la confiscation de la somme consignée ; que la société Vee Ray Industrie, non visée par la poursuite, n'a pas été citée et n'est pas intervenue volontairement dans l'instance devant le Tribunal ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables l'appel de la société Vee Ray Industrie et son intervention en cause d'appel, les juges du second degré relèvent que cette société n'a pas la qualité de prévenue, de partie civile ou de civilement responsable exigées par l'article 497 du Code de procédure pénale et qu'elle n'était pas intervenante en première instance ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors que, les dispositions conventionnelles susvisées s'opposant à ce que, comme le prévoit l'article 374, paragraphe 1, du Code des douanes, la confiscation d'un objet ayant servi à masquer une fraude douanière soit prononcée par une juridiction pénale sans que son propriétaire connu ait été cité à comparaître, la société Vee Ray Industrie était recevable à faire appel de la décision du tribunal correctionnel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte conventionnel susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions concernant la société Vee Ray Industrie, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 24 juin 1999 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-85366
Date de la décision : 29/11/2000
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Peines - Confiscation - Confiscation d'un objet ayant servi à masquer une fraude - Absence de mise en cause du propriétaire connu - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Compatibilité (non).

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement - Douanes - Peines - Confiscation - Confiscation d'un objet ayant servi à masquer une fraude - Absence de mise en cause du propriétaire connu - Compatibilité (non) 1° CONFISCATION - Douanes - Confiscation d'un objet ayant servi à masquer une fraude - Absence de mise en cause du propriétaire connu - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Compatibilité (non).

1° N'est pas compatible avec l'article 6.1, de la Convention européenne des droits de l'homme, la disposition de l'article 374.1 du Code des douanes, qui permet à une juridiction pénale de prononcer la confiscation d'un objet ayant servi à masquer une fraude douanière sans que le propriétaire connu de cet objet ait été cité à comparaître.

2° DOUANES - Procédure - Appel correctionnel - Appel du propriétaire d'un objet confisqué - Recevabilité - Citation devant le tribunal correctionnel - Absence - Effet.

2° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel correctionnel - Recevabilité - Douanes - Procédure - Appel du propriétaire d'un objet confisqué - Citation devant le tribunal correctionnel - Absence - Effet.

2° Le propriétaire d'un objet ayant servi à masquer une fraude douanière qui n'a pas été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel appelé à se prononcer sur la confiscation dudit objet peut faire appel de la décision rendue par cette juridiction(1).


Références :

1° :
1° :
2° :
Code de procédure pénale 497
Code des douanes 374.1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6.1

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 juin 1999

CONFER : (2°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1982-12-13, Bulletin criminel 1982, n° 282, p. 758 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 nov. 2000, pourvoi n°99-85366, Bull. crim. criminel 2000 N° 356 p. 1051
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 356 p. 1051

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : Mme Fromont.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Soulard.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Baraduc et Duhamel, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.85366
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