Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 5 octobre 1998), que la société Pavillons Still Touraine, ayant été condamnée à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts, la société Commercialisation gestion investissement (CGI) a inscrit, le 22 juin 1988, une hypothèque judiciaire provisoire, à laquelle a été substituée, le 4 juillet 1991, une inscription définitive ; que, parallèlement, la société Pavillons Still, aux droits de laquelle se trouve la société Gesco, a requis, le 13 juin 1988, l'inscription d'une hypothèque conventionnelle ; que le 12 juillet 1988, le conservateur a décidé de mettre la formalité en attente en raison d'une discordance dans le nom des parties ; que cette décision a été notifiée au notaire du requérant le 16 juillet 1988 ; que la régularisation étant intervenue le 17 août 1988, le conservateur a procédé à la formalité ; que par une décision du 25 février 1993, le tribunal de grande instance de Tours a dit que l'inscription prise par la société Pavillons Still primait celle de la société CGI ; que la société CGI a assigné M. X..., conservateur des hypothèques, en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1° que s'il avait prononcé le rejet de l'inscription, ce fonctionnaire aurait, à la fois, méconnu et excédé les pouvoirs qui lui sont conférés en considérant, sans être à même d'invoquer des dispositions législatives ou réglementaires le prescrivant expressément, que l'arrivée du terme du délai d'un mois a valu rejet et qu'en outre, elle a privé le contrevenant de son droit de défense consistant, dans le cadre de la procédure contradictoire engagée à son encontre, à justifier ou à régulariser l'anomalie notifiée ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 34.3 du décret du 14 octobre 1955 et 1382 du Code civil ;
2° qu'une inscription d'hypothèque se borne à porter à la connaissance des tiers la prétention d'un créancier au bénéfice à la fois d'un droit d'hypothèque et d'un rang ; que, par suite, loin d'être validée par le conservateur qui l'opère et de bénéficier d'une quelconque immunité juridictionnelle, une inscription peut être contestée devant l'autorité judiciaire par les personnes détenant un droit concurrent sur le même immeuble et notamment par tout créancier inscrit sur ce bien ; qu'en particulier, lorsqu'une juridiction règle la distribution du prix d'un immeuble grevé de sûretés, il lui appartient, s'il le lui est demandé, de s'assurer que l'inscription a été prise " dans les formes et de la manière prescrites par la loi " ; qu'elle n'est nullement empêchée, si cette condition n'est pas remplie, de déclarer l'inscription inopposable au demandeur, que par suite, en se fondant sur les motifs qu'elle a retenus pour imputer le dommage litigieux à la prétendue faute du conservateur et non à la collocation arrêtée le 25 février 1993 par le tribunal de grande instance de Tours, la cour d'appel a commis un déni de justice, méconnu l'étendue de ses pouvoirs, et violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4, 1382 et 2134 du Code civil et 12 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que les dispositions des articles 640 à 642 du nouveau Code de procédure civile s'appliquent à la procédure de rejet des formalités de publicité telle qu'énoncée à l'article 34 du décret du 14 octobre 1955, qu'il s'ensuit que le délai d'un mois expirait le 16 août 1988 et que ce délai s'imposait au conservateur des hypothèques, les termes de l'article 34 du décret du 14 octobre 1955 ne lui laissant, sur ce point, aucune latitude puisqu'ils précisent " la formalité est rejetée " et retenu que M. X... n'avait pas respecté ces prescriptions en acceptant une régularisation hors délai, la cour d'appel a pu en déduire, sans excéder l'étendue de ses pouvoirs ni violer les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, que M. X... avait bien commis, dans l'exercice de ses fonctions, une faute ayant causé à la société CGI un préjudice certain ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.