CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques, spécialement composée, en date du 30 septembre 1999, qui, pour complicité d'infractions à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à 8 ans d'emprisonnement, à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, qui a ordonné la confiscation des sommes d'argent saisies et qui a rejeté sa demande de confusion de peines.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des principes généraux du droit :
" en ce que la cour d'assises qui a condamné Pierre X... à 8 ans d'emprisonnement était composée exclusivement de magistrats professionnels et a statué sur la culpabilité à la majorité ;
" alors que les dispositions de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent à tout accusé un procès équitable, ont notamment pour objet d'assurer le respect par les Etats signataires des principes généraux de leur propre procédure pénale ; qu'il résulte des principes généraux de la procédure pénale française que tout accusé d'une infraction qualifiée crime a droit :
d'être jugé par une juridiction composée de jurés désignés par le sort et non par une juridiction exclusivement composée de magistrats professionnels choisis par un de leurs pairs ;
à ce que toute décision qui lui est défavorable se forme à la majorité de 8 voix au moins ;
et que, dès lors, Pierre X..., qui a été jugé par une cour d'assises spéciale en violation de ces principes, ne peut être considéré comme ayant bénéficié d'un procès équitable au sens de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu que la cour d'assises était composée de magistrats désignés par le premier président de la cour d'appel selon les règles prévues par les articles 248 à 253 du Code de procédure pénale et que cette juridiction a statué à la majorité des voix conformément aux dispositions de l'article 698-6. 3°, du même Code ;
Attendu que les textes précités satisfont aux exigences d'indépendance, d'impartialité et d'équité posées par l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 349, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que la cour d'assises a répondu affirmativement aux questions nos 4, 14, 6 et 16 rédigées de la manière suivante :
question n° 4 : " l'accusé Claude Y... est-il coupable d'avoir, sur le territoire national, en particulier à Biarritz, Behobie, Paris, entre le mois d'avril 1994 et le 19 novembre 1994 avec connaissance, importé des produits stupéfiants, en l'espèce de la résine de cannabis ?
question n° 14 : " l'accusé Pierre X... est-il coupable d'avoir, sur le territoire national, à partir du 1er mars 1994, sciemment par aide et assistance facilité la préparation ou la consommation de faits d'importation de produits stupéfiants spécifiés à la question n° 4 ?
question n° 6 : " l'accusé Claude Y... est-il coupable d'avoir, sur le territoire national, en particulier à Biarritz, Behobie, Paris, entre le mois d'avril 1994 et le 19 novembre 1994, avec connaissance, détenu des produits stupéfiants, en l'espèce de la résine de cannabis ?
question n° 16 : " l'accusé Pierre X... est-il coupable d'avoir, sur le territoire national, avant le 1er mars 1994, sciemment par aide et assistance facilité la préparation ou la consommation des faits de transport et détention de produits stupéfiants spécifiés à la question n° 6 ? " ;
" alors que les questions portant sur le fait principal doivent impérativement comporter tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que tant les faits d'importation que les faits de transport et de détention de produits stupéfiants ne sont constitués, aux termes des articles 222-36 et 222-37 du Code pénal, qu'autant que lesdits faits d'importation, transport et détention sont " illicites " et que les questions portant sur le fait principal ne constatant pas ce caractère illicite qui est essentiel, la cassation de l'arrêt de condamnation est encourue " ;
Vu l'article 349 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, la cour d'assises doit être interrogée sur toutes les circonstances constitutives de l'infraction retenue par l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation ;
Attendu que la Cour a répondu affirmativement aux questions n° 4 et n° 6 exactement reproduites au moyen ;
Attendu que ces questions, en omettant de mentionner le caractère illicite des faits d'importation, de transport et de détention de stupéfiants, n'ont pas fait état de l'un des éléments constitutifs de ces infractions ;
Qu'il s'ensuit que l'accusé n'a pas été légalement déclaré coupable et que la cassation est encourue ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7 et 222-36 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation des faits d'importation de produits stupéfiants en l'espèce de résine de cannabis, avec cette circonstance aggravante que lesdits faits ont été accomplis en bande organisée ;
" aux motifs qu'il a été répondu affirmativement aux questions nos 1, 4, 14 et 15 ainsi libellées :
question n° 1 : " est-il constant qu'un groupement a été formé sur le territoire national mais aussi de l'étranger (Espagne) à compter du mois de mars 1994 en vue de la préparation d'importation, d'exportation, de transport, de détention et d'acquisition illicites de produits stupéfiants, caractérisée par les contacts téléphoniques entre plusieurs personnes, l'aménagement de caches dans des véhicules automobiles immatriculés dans les Pyrénées-Atlantiques selon des modalités similaires (adresses fictives locations d'appartements) ?
question n° 4 : " l'accusé Claude Y... est-il coupable d'avoir, sur le territoire national, en particulier à Biarritz, Behobie, Paris, entre le mois d'avril 1994 et le 19 novembre 1994 avec connaissance, importé des produits stupéfiants, en l'espèce de la résine de cannabis ?
question n° 14 : " l'accusé Pierre X... est-il coupable d'avoir, sur le territoire national, à partir du 1er mars 1994, sciemment par aide et assistance facilité la préparation ou la consommation de faits d'importation de produits stupéfiants spécifiés à la question n° 4 ?
question n° 15 : " les faits de complicité d'importation de produits stupéfiants visés à la question n° 14 et reprochés à Pierre X... ont-ils été commis en bande organisée telle que définie à la question n° 1 ? " ;
" 1o alors qu'il doit à peine de nullité y avoir concordance parfaite entre les énonciations de l'arrêt et les réponses aux questions, lesquelles servent de motifs à la décision, et qu'en l'espèce il existe une divergence manifeste entre les énonciations de l'arrêt de condamnation et celles de la feuille des questions, l'arrêt déclarant Pierre X... coupable de complicité d'un fait principal d'importation aggravé par la circonstance de bande organisée tandis que la feuille des questions l'a déclaré coupable de " complicité en bande organisée " d'un fait principal d'importations de stupéfiants ;
" 2o alors que la réponse affirmative à la question n° 15 relative à la " complicité en bande organisée " d'importation de produits stupéfiants ne permet pas de justifier légalement l'arrêt de condamnation dans la mesure où, si la circonstance de commission en bande organisée est susceptible d'aggraver le fait principal d'importation de produits stupéfiants, par contre elle n'est pas susceptible d'aggraver la complicité de ce crime " ;
Vu les articles 362 et 366 du Code de procédure pénale ;
Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de l'arrêt de condamnation doivent, à peine de nullité, être en concordance ;
Attendu que la feuille de questions énonce que Pierre X... est déclaré coupable de complicité en bande organisée d'importation de produits stupéfiants ;
Que l'arrêt de condamnation mentionne que l'intéressé est condamné pour complicité d'importation de produits stupéfiants en bande organisée ;
Mais attendu que, du fait de cette discordance entre les énonciations de la feuille de questions et celles de l'arrêt, et alors que la circonstance de commission en bande organisée n'est susceptible d'aggraver que le fait principal d'importation de produits stupéfiants, la cassation est à nouveau encourue ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-2 et 132-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs :
" en ce qu'il résulte des énonciations de la feuille de questions que la cour d'assises a rejeté la demande de Pierre X... tendant à la confusion de la peine prononcée par elle avec la peine prononcée par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles sans indiquer en quoi avait consisté cette condamnation, privant ainsi de motifs l'arrêt de condamnation " ;
Vu les articles 132-2 et 132-4 du Code pénal ;
Attendu que, selon ces textes, lorsqu'à l'occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s'exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé ;
Attendu que la cour d'assises, après avoir condamné Pierre X... à 8 ans d'emprisonnement pour complicité d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa demande tendant à la confusion de cette peine avec celle prononcée par la cour d'appel de Versailles le 24 février 1995 ; que ni la feuille de questions ni l'arrêt attaqué ne précisent la nature et le montant de cette dernière condamnation ni les faits qui l'ont motivée ;
Qu'en cet état, la Cour de Cassation est dans l'impossibilité d'exercer son contrôle et de vérifier si le maximum de la peine n'a pas été dépassé ;
D'où il suit que la cassation est derechef encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le deuxième moyen proposé ;
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques, en date du 30 septembre 1999, mais en ses seules dispositions concernant Pierre X..., ensemble, en ce qui le concerne, la déclaration de la Cour et les débats qui l'ont précédée ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de Haute-Garonne, spécialement composée.