Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes d'Amiens, 30 avril 1998), qu'il était d'usage au sein de la société Goodyear France que, lors d'un mouvement de grève affectant le travail de production, les salariés non grévistes étaient occupés à des tâches annexes, lesquelles étaient rémunérées, comme en temps normal, sur la base du taux horaire moyen ; qu'en juin 1996, la société Goodyear France a décidé que dorénavant ces tâches effectuées en période de grève ne seraient plus payées qu'au taux horaire de base ; que MM. da Silva X... et Ledru, salariés de la société Goodyear France, n'ayant pas participé au mouvement de grève de décembre 1996, ont été affectés à ces tâches annexes à la production ; que faisant valoir que l'employeur, en décidant de rémunérer différemment les mêmes tâches selon qu'elles étaient effectuées en période d'activité ou de grève, avait agi de manière discriminatoire, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappel de salaires et de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Goodyear France fait grief au jugement d'avoir accueilli les demandes des salariés, alors, selon le moyen, 1° que ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un changement dans les conditions de travail qui s'impose au salarié, le remplacement de la partie variable de la rémunération résultant de la substitution du salaire au taux moyen par le salaire au taux de base ; qu'en refusant à l'employeur la possibilité d'aménager les conditions de travail des salariés non grévistes, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions de l'article L. 122-5 du Code du travail ; 2° que le juge est tenu de rechercher si un avantage consenti unilatéralement par l'employeur et dont la suppression est contestée, résulte d'une stipulation contractuelle ou d'un usage de l'entreprise susceptible d'être dénoncé ; qu'en refusant expressément d'effectuer cette recherche, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions de l'article L. 121-1 du Code du travail ; 3° que les salariés qui, en ne participant pas à un mouvement de grève au sein de leur entreprise, sont affectés à des travaux annexes hors production, ne peuvent prétendre à un salaire supérieur à celui correspondant aux tâches par eux effectuées ; qu'en décidant que le remplacement du taux horaire moyen par le taux horaire de base pour les travaux annexes en cas de grève constituerait une discrimination, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions de l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Mais attendu que l'employeur, tenu de fournir un travail aux salariés non grévistes, à défaut de toute situation contraignante, ne peut, sous le prétexte qu'il les affecte à un travail différent de celui habituellement accompli, diminuer leur rémunération contractuelle ; d'où il suit que, sans encourir les griefs du moyen, le conseil de prud'hommes a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.