Attendu que M. et Mme Gargne ont, en 1989, sollicité M. X..., notaire, d'intervenir pour la vente d'un de leurs immeubles et la préparation d'actes de donation entre époux ; que la vente a été réalisée par un acte notarié du 23 juillet 1990, pour un prix de 800 000 francs ; qu'un an plus tard, M. X... a négocié et passé la vente des murs et du fonds de commerce d'hôtel qui leur appartenaient, pour un prix global de 39 300 000 francs ; qu'une partie importante de ces sommes a fait l'objet d'opérations diverses accomplies par M. X..., lequel devait être, peu après, incarcéré, puis condamné ; que, le 3 mai 1994, les époux ont engagé une action contre M. X... et la Caisse régionale de garantie des notaires de Paris (la Caisse), demandant la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 11 270 000 francs, outre intérêts légaux ; que l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 1997) a condamné M. X... à payer la somme de 10 110 000 francs avec intérêts, la garantie de la Caisse n'étant retenue qu'à concurrence de 1 690 000 francs ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'ayant constaté que le produit de la vente du premier immeuble avait été " reconnu " employé pour 400 000 francs pour le " prêt Debauge ", la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer sur les circonstances visées par ce moyen, qui n'est pas fondé ;
Et, sur le second moyen, pris en ses six branches :
Attendu que M. et Mme Gargne font grief à l'arrêt, d'avoir ainsi limité la garantie due par la Caisse, alors que, 1° en ne caractérisant pas les éléments dont résulterait la connaissance, par les époux Gargne, de ce que les opérations menées par le notaire sortaient de l'exercice normal de ses fonctions et leur participation à des opérations étrangères aux activités notariales, la cour d'appel n'aurait pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 12 et suivants du décret du 20 mai 1955 ; que, 2° en ne s'expliquant pas sur les motifs du jugement qui avait constaté que, d'une part, les opérations du notaire s'inscrivaient dans la suite des ventes au titre desquelles les époux étaient entrés en relation avec M. X... et avaient consisté, pour eux, à placer presque immédiatement les fonds provenant de ces ventes, et, d'autre part, que, quoique titulaires d'un important patrimoine immobilier, les époux Gargne n'avaient aucune expérience des affaires financières ni la moindre connaissance du statut du notariat, ce dont ils avaient pu déduire que les opérations proposées faisaient partie des activités normales du notaire, la cour d'appel aurait encore privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ; alors que, 3° ayant constaté que le notaire n'avait pas affiché de modèle de reçu régulier, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever le caractère irrégulier des reçus remis aux époux sans rechercher s'ils avaient pu percevoir cette irrégularité, et aurait ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 12 du même décret ; que, 4° en ne s'expliquant pas sur la mention figurant sur la plupart des reçus délivrés par le notaire, selon laquelle les fonds étaient prêtés à " Maître X..., notaire ", qui donnait l'adresse de son étude, ce dont il résultait, selon les premiers juges, que les époux Gargne avaient pu croire lui prêter des sommes dans l'exercice de sa profession, la cour d'appel aurait encore privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ; alors que, 5° en se bornant à énoncer que les taux d'intérêts dont avaient bénéficié les époux étaient " particulièrement avantageux ", sans les mettre en relation avec les taux habituel ou légal pratiqués à l'époque des prêts, dont le tribunal avait constaté la similitude, la cour d'appel aurait encore privé sa décision de base légale au regard des textes déjà visés ; et alors que, 6° en imputant aux époux Gargne une prétendue intention spéculative tirée de ce qu'ils auraient dissimulé des revenus d'intérêts, circonstance qui n'avait jamais été invoquée par la Caisse, la cour d'appel aurait violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, et le cadre du litige ainsi que l'article 16 du même Code et le principe de la contradiction ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant, en premier lieu, souligné la nature non notariale des opérations réalisées, qui consistaient en des prêts personnels consentis au notaire et qui avaient donné lieu à des reçus irréguliers écrits sur papier libre, et par lesquels M. X... se reconnaissait clairement " débiteur seul et à titre personnel ", ainsi que ses héritiers, des fonds à lui prêtés, et, en second lieu, observé que les époux ne pouvaient méconnaître la différence existant entre ces écrits et les actes notariés qu'ils avaient signés auparavant, l'arrêt relève, encore, que M. Gargne avait reconnu que M. X... sollicitait son aide pour des problèmes financiers qu'il rencontrait ; qu'il énonce, enfin, que M. et Mme Gargne connaissaient les irrégularités évidentes ainsi commises par leur notaire et savaient que les opérations qu'il réalisait avec les fonds qui lui étaient prêtés à titre personnel sortaient du cadre de l'exercice normal de ses fonctions notariales ; que, par ces motifs, qui relèvent de son appréciation souveraine, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard des textes visés par le premier grief du moyen ; qu'ensuite, la cour d'appel, qui n'avait pas à prendre le contre-pied systématique de tous les éléments de la motivation du jugement réformé, ayant relevé précisément que les opérations incriminées constituaient des placements financiers très importants, relevant d'une activité bancaire pour des sommes que les époux apportaient en provenance de leurs comptes personnels et qu'ils avaient payées à plusieurs reprises en espèces, le deuxième grief du moyen manque en fait ; que s'il est exact que le modèle de reçu devait être affiché dans l'étude et que le défaut d'affichage est une circonstance qui doit entrer dans l'appréciation du juge du fond, le troisième grief manque en fait, dès lors que la cour d'appel n'a pas fait la constatation alléguée, l'arrêt portant seulement mention d'une attestation produite par les époux et selon laquelle le modèle de reçu n'aurait pas été affiché ; qu'en sa quatrième branche le moyen ne s'attache qu'à un détail d'argumentation dans lequel la cour d'appel n'était pas tenue d'entrer ; que le cinquième grief du moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de Cassation l'appréciation souveraine des juges d'appel ; qu'enfin la dernière branche s'attaque à un motif surabondant ; qu'il s'ensuit que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et troisième branches et qui est inopérant en ses cinquième et sixième branches, n'est pas fondé en ses autres et ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.