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04/07/2000 | FRANCE | N°98-20537

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 juillet 2000, 98-20537


Sur le moyen unique :

Attendu que, le 1er juillet 1997, les syndicats FO, CGT et CFDT de l'établissement Cogema de La Hague ont réclamé l'ouverture de négociations sur des revendications salariales concernant les salariés travaillant en régime continu ; qu'au cours d'une réunion tenue le 18 juillet 1997, l'ouverture des négociations a été renvoyée au mois de septembre 1997 ; que le syndicat CGT de l'établissement de La Hague a alors déposé, le 7 août 1997, un préavis de grève pour le 18 août suivant et pour une durée illimitée ; qu'un certain nombre de salariés ont

cessé le travail à partir du 18 août 1997 ; que la direction a décidé de p...

Sur le moyen unique :

Attendu que, le 1er juillet 1997, les syndicats FO, CGT et CFDT de l'établissement Cogema de La Hague ont réclamé l'ouverture de négociations sur des revendications salariales concernant les salariés travaillant en régime continu ; qu'au cours d'une réunion tenue le 18 juillet 1997, l'ouverture des négociations a été renvoyée au mois de septembre 1997 ; que le syndicat CGT de l'établissement de La Hague a alors déposé, le 7 août 1997, un préavis de grève pour le 18 août suivant et pour une durée illimitée ; qu'un certain nombre de salariés ont cessé le travail à partir du 18 août 1997 ; que la direction a décidé de placer le personnel non gréviste en chômage technique à partir du 23 août 1997 ; que le syndicat CGT a saisi le juge des référés pour faire constater que le refus de négocier de la Cogema pendant la période du préavis de grève était manifestement illicite, qu'il en allait de même pour la décision de mise en chômage technique et pour que soient ordonnés, sous astreinte, l'ouverture de négociations, la suspension du chômage technique et le paiement aux salariés non grévistes des sommes correspondant aux journées de travail perdues ; que, par ordonnance du 29 août 1997, le juge des référés a ordonné la suspension immédiate du chômage technique et la reprise du travail des salariés mis en chômage technique, sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard ; que cette ordonnance ayant été exécutée, la grève a cessé ; que, statuant en appel, la cour de Caen a décidé que la mesure de chômage technique ne constituait pas un trouble manifestement illicite et a déclaré sans objet les autres demandes ;

Attendu que le syndicat CGT fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 30 juin 1998) d'avoir rejeté la demande tendant à voir juger que la mise en chômage technique du personnel non gréviste constituait un trouble manifestement illicite, alors que, 1° selon le moyen, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le préavis prévu par l'article L. 521-3 du Code du travail applicable à la société Cogema, suivant lequel la cessation concertée du travail doit être précédée d'un préavis émanant d'une organisation syndicale représentative qui doit parvenir cinq jours francs avant la date à laquelle la grève a débuté ; qu'à la suite du dépôt de ce préavis, la direction de la société Cogema n'avait pas tenté d'empêcher le déclenchement du mouvement de grève en avançant la date des négociations au mépris des dispositions du dernier alinéa de ce texte qui fait obligation aux parties intéressées de négocier, et cela en dépit des demandes présentées par le syndicat CGT, et que les syndicats représentatifs avaient formulé, dès le début du mois de juillet 1997, les revendications qui motiveront l'arrêt de travail ; qu'en estimant, en dépit du non-respect par la Cogema de l'obligation de négociation mise à sa charge par la loi aux fins d'éviter le déclenchement d'une grève au sein d'une entreprise chargée d'une mission de service public, que la mise en chômage technique d'une part importante du personnel de l'établissement de La Hague était justifiée par une situation contraignante, la cour d'appel a violé les articles L. 521-2 et L. 521-3 du Code du travail, les articles 1134 et 1147 du Code civil et l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, 2° la situation contraignante dispensant l'employeur de son obligation de fournir du travail aux salariés et de leur verser leur salaire s'apprécie au jour où l'employeur a cessé de remplir cette obligation ; qu'en estimant que le fait qu'un incident technique survenu immédiatement après la fin du mouvement collectif dans l'atelier en grève et qui avait bloqué la production pendant plusieurs jours n'était pas significatif " dès lors que l'employeur était à même de déterminer que le ralentissement d'activité ne concernerait qu'une période de quelques jours, ce qui n'est pas le cas dans l'hypothèse d'une grève d'une durée illimitée ", ce dont il résultait, d'une part, que l'employeur avait décidé de la mise en chômage technique des salariés à la suite de la grève sur le fondement de prévisions et non d'une situation actuelle au jour de la mise en oeuvre de cette décision et, d'autre part, que l'employeur, dans deux situations identiques de cessation de la production d'un atelier résultant l'une d'une grève et l'autre d'un incident technique, avait eu un comportement différent, en cessant partiellement de remplir ses obligations vis-à-vis des salariés dans le premier cas et en les exécutant dans le second, ce dont il résultait que la société Cogema ne s'était pas trouvée dans une situation la contraignant, à la suite de la grève, à mettre des salariés non grévistes en chômage technique, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 809 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que la négociation sur les revendications présentées par les syndicats ne pouvait s'effectuer qu'au niveau de l'entreprise, qu'elle avait été fixée en accord avec les organisations syndicales au mois de septembre 1997 pour tenir compte de la période estivale et de l'absence de plusieurs négociateurs et que cette situation empêchait la Cogema de négocier au seul niveau de l'établissement de La Hague où la grève avait été déclenchée ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, a constaté que la grève du secteur de production, qui était totale, avait progressivement entraîné la paralysie des autres secteurs d'activité de l'entreprise et que l'employeur avait attendu que le fonctionnement de l'entreprise soit bloqué pour recourir à la mise en chômage technique ; d'où il suit que la cour d'appel a pu décider que la Cogema s'était trouvée, du fait de la grève, dans une situation contraignante, qui ne lui était pas imputable et qui rendait impossible la fourniture de travail aux salariés non grévistes, en sorte que la mise en chômage technique ne constituait pas un trouble manifestement illicite ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Salaire - Salaire des non-grévistes - Situation contraignante de l'employeur - Chômage technique - Condition .

CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Salaire - Salaire des non-grévistes - Situation contraignante de l'employeur - Constatations suffisantes

CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Salaire - Salaire des non-grévistes - Situation contraignante de l'employeur - Portée

Lorsque la grève des salariés d'un secteur de l'entreprise entraîne la paralysie de celle-ci, le juge peut décider que cette situation contraignante, empêchant la fourniture de travail aux salariés non grévistes, justifie la mise du personnel en chômage technique.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 30 juin 1998

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1986-03-06, Bulletin 1986, V, n° 80, p. 63 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre sociale, 1992-02-26, Bulletin 1992, V, n° 126, p. 77 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 04 jui. 2000, pourvoi n°98-20537, Bull. civ. 2000 V N° 262 p. 207
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2000 V N° 262 p. 207
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Duplat.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Waquet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Cossa.

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 04/07/2000
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 98-20537
Numéro NOR : JURITEXT000007041342 ?
Numéro d'affaire : 98-20537
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2000-07-04;98.20537 ?
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