REJET des pourvois formés par :
- X... Patrick,
- la société Y..., civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 19 mai 1999, qui a condamné le premier à 2 mois d'emprisonnement avec sursis pour le délit d'abandon de famille et à 50 000 francs d'amende pour la contravention de défaut de paiement direct de pension alimentaire, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 227-3 du Code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Patrick X... du chef d'abandon de famille pour ne pas s'être acquitté des pensions mises à sa charge pour la période allant de novembre 1997 à janvier 1998 et, en répression, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, outre à des dommages et intérêts ;
" aux motifs qu'ainsi que l'a rappelé le premier juge l'ordonnance de non-conciliation rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du Havre le 18 juin 1997 n'a été signifiée que le 3 septembre 1997 et n'est donc devenue exécutoire qu'à cette date ; que, par conséquent, la Cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé Patrick X... du chef d'abandon de famille pour la période de juin à août 1997 ; que Patrick X... devait payer en vertu des décisions de justice précitées pour la période visée à la prévention : 4 000 francs en septembre 1997, 4 000 francs en octobre 1997, 17 000 francs en novembre 1997, 17 000 francs en décembre 1997, 15 000 francs en janvier 1998, 15 000 francs en février 1998, 15 000 francs en mars 1998, 15 000 francs en avril 1998, 15 000 francs en mai 1998 ; qu'il est établi qu'il a payé :
4 000 francs en septembre 1997, 4 000 francs en octobre 1997, 30 000 francs en février 1998, 15 000 francs en mars 1998, 15 000 francs en avril 1998, 15 000 francs en mai 1998 ; que la Cour confirmera par conséquent le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé Patrick X... des fins de la poursuite pour la période de septembre à octobre 1997 et de février à mars 1998 ; que Patrick X... fait valoir qu'aux versements rappelés ci-dessus il convient d'ajouter un virement de 30 000 francs effectué par ses soins le 27 juin 1997 sur le compte commun BNP dont il était titulaire avec son épouse, deux virements les 6 juillet et 6 août 1997 sur le même compte de ses salaires (16 369,69 francs x 2), déduction faite des pensions alimentaires de juin à août 1997 (4 000 francs x 3) = 12 000 francs, de sorte qu'il aurait trop versé au titre des pensions ; que cependant, ainsi que l'a relevé le premier juge, ces virements ont été effectués sur le compte utilisé par l'un et l'autre des époux ; que devant la Cour, Patrick X... a reconnu avoir utilisé la carte bleue fonctionnant avec ce compte commun et il n'est donc pas démontré que ces virements ont été affectés au seul règlement des pensions alimentaires dues à Brigitte Z... épouse X... ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à la date de la citation, le 4 mai 1998, les pensions de septembre et octobre 1997 avaient été payées ainsi que celles de février à mai 1998, que sur les pensions de novembre 1997 à janvier 1998, représentant la somme de 49 000 francs, il restait dû 34 000 francs, déduction faite du versement en février 1998 d'une somme de 15 000 francs en plus de la pension de février ; qu'il est donc établi qu'à la date du 4 mai 1998, Patrick X... était demeuré plus de 2 mois sans payer les pensions alimentaires dont il était débiteur et il n'est fondé à se prévaloir ni d'une impossibilité matérielle de payer pendant la période visée à la prévention, ni du caractère involontaire de l'inexécution de ses obligations ; que, par conséquent, la Cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il l'a déclaré coupable d'abandon de famille pour la période de novembre 1997 à janvier 1998 ; qu'elle l'infirmera sur la déclaration de culpabilité pour les mois d'avril à mai 1998, ces pensions ayant été payées ; qu'en raison des circonstances de la cause, de la personnalité de Patrick X... dont la casier judiciaire ne comporte pas de condamnation, la Cour, par infirmation, le condamnera pour le délit d'abandon de famille à la seule peine de 2 mois d'emprisonnement assortie en totalité du sursis ;
" alors que, premièrement, le délit d'abandon de famille suppose l'existence, à la base des poursuites, d'une décision de justice ayant force exécutoire et définissant l'obligation de famille mise à la charge du prévenu ; qu'à cet égard, le délit n'est constitué que lorsque la décision de justice fixant la pension alimentaire peut être mise à exécution, comme ayant été portée dans les formes légales, à la connaissance du débiteur ; qu'au cas d'espèce, par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Rouen, Patrick X... a été condamné à payer à Brigitte Z... une somme totale de 17 000 francs à compter du 25 novembre 1997 et ce jusqu'au 6 janvier 1998 ; que c'est sur la base de cette ordonnance que les juges du fond ont cru pouvoir retenir Patrick X... dans les liens de la prévention ; qu'en statuant ainsi, alors qu'à aucun moment les juges du fond n'ont constaté que l'ordonnance du 22 janvier 1998 avait été portée à la connaissance de Patrick X... et qu'ainsi elle était devenue exécutoire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement et en toute hypothèse, les juges du fond doivent caractériser dans tous leurs éléments constitutifs les infractions dont ils déclarent le prévenu coupable ; que, notamment, ils doivent caractériser l'élément intentionnel du délit ; que s'agissant du délit d'abandon de famille, les juges du fond doivent caractériser, aux termes d'énonciations précises et circonstanciées, le caractère volontaire des manquements du prévenu à ses obligations ; qu'au cas d'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, sans caractériser l'élément intentionnel du délit, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, d'une part, pour retenir à la charge de Patrick X... le délit d'abandon de famille, l'arrêt attaqué relève qu'il a été condamné, par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel du 22 janvier 1998 à verser à son épouse une pension alimentaire mensuelle d'un montant de 15 000 francs ;
Attendu que le prévenu n'ayant pas, pour sa défense, contesté le caractère exécutoire de la décision précitée, la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer d'une manière spéciale sur les actes de procédure consécutifs à cette décision et notamment sur sa signification au débiteur ;
Attendu que, d'autre part, pour caractériser l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille, les juges constatent que le prévenu ne peut se prévaloir d'une impossibilité matérielle de payer pendant la période visée à la prévention ;
Qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable comme mélangé de fait et de droit dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3. 227-3 du Code pénal, de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er de la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973 relative au paiement direct de la pension alimentaire, l'article 4-1 du décret n° 73-216 du 1er mars 1973, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable, en qualité de représentant de la société Y..., du défaut de paiement par le tiers débiteur d'une pension alimentaire et l'a condamné, en répression, à une amende de 5 000 francs, outre des dommages et intérêts ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973, tout créancier d'une pension alimentaire peut se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension ; qu'il peut notamment exercer ce droit entre les mains de tout débiteur de salaires, produits du travail ou autres revenus ainsi que de tout dépositaire de fonds et, selon l'article 2, alinéa 2 de cette même loi "le tiers est tenu de verser directement les sommes au bénéficiaire selon les échéances fixées par ce jugement" qu'il est constant que par lettre recommandée dont la société Y... a accusé réception le 18 septembre 1997, la SCP Missen-Nowakvalentin huissiers de justice à Yvetot, a notifié à cette société en sa qualité d'employeur de Patrick X... une procédure de paiement direct à la requête de Brigitte Z... épouse X... pour obtenir le paiement des pensions alimentaires qui lui étaient dues par Patrick X... en exécution de l'ordonnance de non-conciliation du 18 juin 1997 ; que la société Y... n'a effectué aucun règlement au profit de Brigitte Y... épouse X... alors que, tenue par le seul effet de la notification de la demande de paiement direct de s'acquitter des sommes dues par Patrick X... à Brigitte Y..., épouse X..., elle ne pouvait invoquer, pour se soustraire à ses obligations, des paiements faits par Patrick X... à Brigitte Z... épouse X... ; que la Cour confirmera par conséquent le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Patrick X..., ès-qualité de président de la société Y..., coupable de la contravention de défaut de paiement par le tiers débiteur prévue et réprimée par l'article 4-1 du décret 73-216 du 1 er mars 1973, pris en application de la loi 73-5 du 2 janvier 1973 et l'a condamné en répression à une amende de 5 000 francs, cette sanction étant adaptée aux circonstances de la cause ;
" alors que, premièrement, si aux termes de l'article 1er de la loi n° 73-5 relative au paiement direct de la pension alimentaire le créancier d'une pension alimentaire peut se faire payer directement le montant de cette pension par le tiers débiteur de sommes liquides exigibles envers le débiteur de la pension, encore faut-il, aux termes mêmes du texte, qu'une échéance d'une pension alimentaire n'ait pas été payée ; qu'au cas d'espèce, Patrick X... faisait valoir, dans ses conclusions régulièrement déposées, que, si la société Y... n'avait pas payé, entre les mains de Mme Z..., les sommes dues en vertu de la pension alimentaire, c'est que Patrick X... s'était directement, et à titre personnel, acquitté de cette pension ; qu'en tenant néanmoins Patrick X..., ès-qualité, dans les liens de la prévention en énonçant notamment que la société Y... était tenue par le seul effet de la notification de la demande de paiement direct sans qu'elle puisse invoquer des paiements faits par Patrick X..., les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" et alors que, deuxièmement, et en toute hypothèse, aux termes d'un principe général du droit pénal, rappelé par l'article 111-3 du Code pénal, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ou par le règlement, si l'infraction est une contravention ; qu'aux termes de l'article 4-1 du décret n° 73-207 du 1er mars 1973 pris pour application de la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973 relative au paiement direct de la pension alimentaire, le tiers débiteur qui ne verse pas la pension alimentaire due au créancier est puni d'une amende de 600 à 1 000 francs qui peut être portée au double en cas de récidive ; qu'ainsi, le tiers débiteur ne peut qu'être condamné qu'à une amende de 1 000 francs au plus ; qu'au cas d'espèce, en condamnant Patrick X..., ès-qualités, au paiement d'un amende de 5 000 francs en répression du non respect de l'article 1er de la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973, les juges du fond ont appliqué une peine qui n'était pas prévue par la loi et ont ainsi violé les textes susvisés " ;
Attendu que pour déclarer Patrick X... coupable, en sa qualité de président du conseil d'administration de la société Y..., de la contravention de défaut de paiement direct de la pension alimentaire, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, selon les articles 2 et 3 de la loi du 2 janvier 1973, dès la notification de la demande de paiement direct, le tiers est tenu de verser au bénéficiaire les pensions alimentaires exigibles ; qu'il ne saurait pour se soustraire à cette obligation invoquer un paiement du débiteur originaire ;
Attendu, par ailleurs, que l'amende prononcée n'excède pas le maximum de la contravention de la cinquième classe prévue par les articles 4-1 du décret du 1er mars 1973 et 131-13 du Code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.