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28/06/2000 | FRANCE | N°99-81688

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 juin 2000, 99-81688


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Besançon,
- X... Monique, épouse Y...,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, du 2 mars 1999, qui a partiellement annulé la procédure suivie contre la prévenue pour abus de confiance, faux et usage.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi de Monique X..., épouse Y... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 75, 77, 63-

1, 63-2, 63-3, 63-4 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de b...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Besançon,
- X... Monique, épouse Y...,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, du 2 mars 1999, qui a partiellement annulé la procédure suivie contre la prévenue pour abus de confiance, faux et usage.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi de Monique X..., épouse Y... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 75, 77, 63-1, 63-2, 63-3, 63-4 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tendant à voir prononcer la nullité de la procédure à compter de l'audition initiale de Monique Y... réalisée le 25 octobre 1996 ;
" aux motifs qu'agissant dans le cadre de l'enquête préliminaire que leur avait confiée le procureur de la République, les enquêteurs disposaient du pouvoir de procéder à l'audition de toute personne utile à leur enquête, y compris celle à l'encontre de laquelle il existait des indices de sa participation à l'infraction, la qualité de suspect ne lui conférant, dans le cadre de cette enquête, aucun droit spécifique ; qu'en fait, seules les nécessités pour l'enquête d'exercer à l'encontre de cette personne une contrainte ou une coercition imposaient le recours à la mise en place d'une mesure de garde à vue, le bénéfice de celle-ci ne pouvant être assimilé aux prescriptions de l'article 105 du Code de procédure pénale réservées aux procédures d'information ; qu'au regard de ces principes, il apparaît que les enquêteurs pouvaient régulièrement procéder le 25 octobre 1996 à une première audition de Monique Y... sans avoir l'obligation de la placer en garde à vue dès lors qu'elle a été entendue pendant une durée limitée (1 h 30) qui n'a pas eu pour effet de priver son audition de son caractère non coercitif ;
" et qu'en réponse à une deuxième convocation des services de police, Monique Y... s'est présentée sans contrainte aux enquêteurs le 18 juin 1997 et a été placée en garde à vue dès son arrivée à 9 h 30, heure à partir de laquelle lui ont été notifiés les droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3, 63-4 du Code de procédure pénale ; que, si une jurisprudence constante considère que la durée du délai de garde à vue doit être calculée à compter de l'arrivée de la personne aux services de police, dans l'hypothèse où celle-ci se présentant sans contrainte pour répondre à une convocation, est d'abord entendue sur les faits, avant d'être placée en garde à vue, cette rétroactivité, qui suppose que l'arrivée dans les services de police, l'audition puis la mise en garde à vue se situent dans un temps continu ou au moins très proche, ne peut être appliquée en l'espèce à sa première audition antérieure de plus de 7 mois à sa mise en garde à vue et durant laquelle elle n'avait pas fait l'objet d'une mesure coercitive de retenue ; que, dès lors, le délai de garde à vue comme le délai de 20 heures institué par l'article 63-4 doit être calculé à partir du 18 juin 1997 à 9 h 30 ;
" alors, d'une part, que la garde à vue, mesure de contrainte qui porte atteinte à la liberté d'aller et de venir, commence nécessairement dès que cette contrainte est exercée et dès lors qu'une personne suspectée d'avoir commis une infraction, eût-elle déféré volontairement à la convocation des services de police, est retenue par l'officier de police judiciaire qui l'interroge et n'est pas laissée libre de se retirer ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que Monique Y..., désignée nommément dans une plainte, a été convoquée le 26 octobre 1996 par les officiers de police judiciaire qui l'ont interrogée pendant 1 h 30 sans cependant la placer en garde à vue et lui notifier les droits afférents ; qu'en refusant de constater la nullité du procès-verbal d'audition du 26 octobre 1996 et la procédure subséquente, la cour d'appel a violé les articles 63-1, 75 et 77 du Code de procédure pénale et méconnu les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, que si une personne, qui se présente sans contrainte aux services de police où elle est convoquée, peut, au cours d'une enquête préliminaire, être entendue sur les faits qui lui sont imputés, avant d'être placée en garde à vue, cette audition n'est régulière que dès lors que la notification des droits mentionnés aux articles 63-2 à 63-4 du Code de procédure pénale est faite dès le placement effectif en garde à vue et que la durée de cette mesure est calculée à compter de l'heure de l'arrivée dans le service de police, peu important une discontinuité entre la première audition et le placement effectif en garde à vue ; qu'en l'espèce, en refusant de faire rétroagir le point de départ de la mesure de garde à vue de Monique Y... au jour et à l'heure de son arrivée dans les services de police, la cour d'appel a derechef méconnu les textes susvisés et porté atteinte aux droits de la défense " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'une plainte pour faux en écritures et abus de confiance, déposée contre Monique X... épouse Y..., le 29 juillet 1996, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire ; que, le 25 octobre 1996, l'intéressée s'est présentée au commissariat de police, sur convocation d'un officier de police judiciaire, qui, sans la garder à sa disposition pour les nécessités de l'enquête, l'a entendue de 10 h 15 à 11 h 45 ; que, dans le cadre de la même procédure d'enquête, elle s'est de nouveau présentée le 18 juin 1997, sur convocation, au commissariat de police, où elle a été placée en garde à vue à compter de 9 h 30, et a aussitôt reçu notification des droits attachés à cette mesure ; que cette garde à vue a été levée le même jour à 22 h 10 ; que, le lendemain, 19 juin, elle a de nouveau été entendue de 13 h à 18 h, sans être placée en garde à vue ; qu'enfin, le 22 septembre 1997, à l'issue de l'enquête, elle a été entendue une dernière fois, dans les mêmes conditions, de 15 h à 16 h 15 ;
Attendu que, pour refuser d'annuler le procès-verbal d'audition du 25 octobre 1996 et la procédure subséquente, la cour d'appel énonce que les enquêteurs pouvaient régulièrement procéder, le 25 octobre 1996, à une première audition de Monique Y..., sans avoir l'obligation de la placer en garde à vue, dès lors qu'après s'être présentée sans contrainte aux services de police elle a été entendue pendant une durée limitée à 1 h 30 ;
Que les juges relèvent qu'en réponse à une deuxième convocation des services de police, elle s'est présentée sans contrainte aux enquêteurs, le 18 juin 1997, et a été placée en garde à vue dès son arrivée à 9 h 30, heure à laquelle lui ont été notifiés les droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du Code de procédure pénale ; qu'ils ajoutent que le délai de garde à vue doit être calculé à partir de cette date ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'une personne qui se présente sans contrainte aux services de police peut, au cours d'une enquête préliminaire, être entendue sur les faits qui lui sont imputés avant d'être placée en garde à vue, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
II. Sur le pourvoi du procureur général :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 63 à 63-4, et 802 du Code de procédure pénale et sur le moyen relevé d'office pris de la violation de l'article 77 du Code de procédure pénale :
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 77 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, même lorsqu'il existe des indices de participation à l'infraction sur laquelle porte l'enquête, l'officier de police judiciaire apprécie, lors de chaque audition, la nécessité de placer en garde à vue la personne qu'il entend ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le procès-verbal d'audition de Monique Y... du 19 juin 1997 et la procédure subséquente, la juridiction du second degré énonce que les enquêteurs, qui avaient levé la garde à vue le 18 juin 1997, à 22 h 10, ne pouvaient, le lendemain, sans replacer l'intéressée en garde à vue, procéder pendant 5 heures, à une audition dont la durée impliquait nécessairement à son encontre une mesure de coercition ;
Que les juges ajoutent que la méconnaissance de l'obligation de la placer à nouveau en garde à vue a nécessairement porté atteinte aux droits de la prévenue ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'aucune disposition du Code de procédure pénale n'imposait à l'officier de police judiciaire de placer à nouveau en garde à vue une personne qui s'était présentée librement aux services de police, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt précité de la cour d'appel de Besancon, du 2 mars 1999, en ses seules dispositions prononçant la nullité du procès-verbal d'audition de Monique X... épouse Y..., du 19 juin 1997 et des actes de la procédure subséquente, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-81688
Date de la décision : 28/06/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Notification - Moment - Audition au cours d'une enquête préliminaire - Garde à vue succédant à une audition effectuée sans contrainte.

1° ENQUETE PRELIMINAIRE - Garde à vue - Droits de la personne gardée à vue - Notification - Moment - Audition au cours d'une enquête préliminaire - Garde à vue succédant à une audition effectuée sans contrainte 1° DROITS DE LA DEFENSE - Garde à vue - Droits de la personne gardée à vue - Notification - Moment - Audition au cours d'une enquête préliminaire - Garde à vue succédant à une audition effectuée sans contrainte.

1° Une personne qui se présente sans contrainte aux services de police peut, au cours d'une enquête préliminaire, être entendue sur les faits qui lui sont imputés avant d'être placée en garde à vue. Cette audition n'est pas irrégulière, dès lors que la notification des droits prévue par l'article 63-1 du Code de procédure pénale est effectuée dès le placement effectif en garde à vue(1).

2° ENQUETE PRELIMINAIRE - Officier de police judiciaire - Pouvoirs - Placement en garde à vue.

2° OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Enquête préliminaire - Placement en garde à vue 2° GARDE A VUE - Placement en garde à vue - Pouvoirs - Officier de police judiciaire - Enquête préliminaire.

2° Selon l'article 77, alinéa 1, du Code de procédure pénale, même lorsqu'il existe des indices de participation à l'infraction sur laquelle porte l'enquête, l'officier de police judiciaire apprécie, lors de chaque audition, la nécessité de placer en garde à vue la personne qu'il entend. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui, pour confirmer le jugement qui avait annulé le procès-verbal d'audition d'une personne entendue sans avoir été placée en garde à vue, et la procédure subséquente, énonce que les officiers de police judiciaire qui avaient levé la garde à vue de l'intéressée ne pouvait de nouveau, sans la replacer en garde à vue, procéder pendant 5 heures à une audition dont la durée impliquait nécessairement à son encontre une mesure de coercition.


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 63-1
Code de procédure pénale 77, al. 1er

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 02 mars 1999

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1998-03-04, Bulletin criminel 1998, n° 84, p. 231 (cassation) ;

Chambre criminelle, 2000-01-19, Bulletin criminel 2000, n° 33 (1°), p. 82 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jui. 2000, pourvoi n°99-81688, Bull. crim. criminel 2000 N° 251 p. 741
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 251 p. 741

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Challe.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.81688
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