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15/06/2000 | FRANCE | N°99-84171

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 juin 2000, 99-84171


REJET des pourvois formés par :
- X..., Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 1999, qui, pour harcèlement sexuel a condamné le premier à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 5 ans d'interdiction d'exercer la profession d'enseignant, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 2-2, 593 du Code de procédur

e pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqu...

REJET des pourvois formés par :
- X..., Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 1999, qui, pour harcèlement sexuel a condamné le premier à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 5 ans d'interdiction d'exercer la profession d'enseignant, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 2-2, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'association Y... et a condamné le prévenu à lui verser la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que cette association s'est constituée partie civile par voie de conclusions ;
" alors que, faute d'établir que les "victimes" aient donné leur accord à la constitution de partie civile de l'association Y..., ni que celles-ci se trouvaient, au moment des faits, sur leur lieu de travail, la cour d'appel, qui a déclaré cependant recevable cette constitution de partie civile, laquelle obéit à des règles d'ordre public, sans mettre la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, faute d'avoir été soulevée devant les juges du fond, l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de " l'association Y... " proposée pour la première fois devant la Cour de Cassation, constitue un moyen nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel, irrecevable ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 222-33, 222-44 du Code pénal, 1112 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de harcèlement sexuel et l'a condamné pénalement et civilement ;
" aux motifs qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de relaxer le prévenu du chef du délit d'agression sexuelle, les plaignantes étant au moment des faits d'un âge nettement éloigné de la minorité ; que le comportement du prévenu ne saurait s'analyser en agressions sexuelles obtenues sous la violence et la contrainte ; qu'il n'est pas noté chez des jeunes femmes lucides et matures d'état de vulnérabilité qui les aurait rendues incapables de résister à la violence psychologique invoquée ; qu'il n'est pas résulté de l'enquête, et notamment des propres déclarations des parties civiles, la manifestation ferme, non équivoque et renouvelée d'un refus absolu des comportements imposés par X... ; que les faits dénoncés "se sont renouvelés pendant une année d'étude et dans des conditions matérielles que les victimes ont elles-mêmes décrites, qui ne permettent pas juridiquement d'invoquer la violence ou la contrainte requise par la loi" ; qu'en revanche, le délit de harcèlement sexuel peut être retenu, les parties civiles ayant été victimes d'une mise en scène visant à leur présenter les cours d'art dramatique de X... comme particulièrement recherchés à Paris ; que lorsqu'elles tentaient d'opposer une fin de non-recevoir à ses sollicitations, il les menaçait de renvoi, "soufflant le chaud et le froid" ; que ces pressions répétées induisaient chez ses élèves un fort sentiment d'insécurité et constituaient dès lors de manière formelle les menaces et pressions graves requises par la loi dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles par une personne abusant de l'autorité, en l'espèce fonctionnelle, que lui confère une activité de professeur ;
" alors que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs, que l'arrêt attaqué, qui exclut que le comportement du prévenu fût constitutif de violences ou contraintes chez des jeunes filles lucides et matures, qui n'avaient jamais manifesté de manière ferme, non équivoque et renouvelée un refus absolu de ce comportement, et le relaxe en conséquence du chef de délit d'agression sexuelle, ne pouvait sans contradiction considérer que ce même comportement constituait des menaces ou pressions graves caractérisant le délit de harcèlement sexuel " ;
Attendu qu'en énonçant que X... avait usé de menaces et de pressions graves et avait abusé de l'autorité que lui conféraient ses fonctions dans le but d'obtenir de ses élèves des faveurs de nature sexuelle, la cour d'appel a caractérisé, en tous ses éléments contitutifs, le délit de harcèlement sexuel dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé pour l'association Y..., pris de la violation des articles 222-22 et 222-27 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X... non coupable du délit d'agression sexuelle et l'a relaxé, de ce chef, rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires des parties civiles ;
" aux motifs que la Cour partage avec les premiers juges la conviction que les comportements dénoncés par les victimes ont réellement existé et sont parfaitement établis par les éléments de l'enquête à l'égard de X... ; que, toutefois, elle estime que les éléments constitutifs du délit d'agression sexuelle ne sont pas établis ; que toutes les plaignantes avaient, au moment des faits, respectivement 20, 23, 24, 25 et 27 ans, c'est-à-dire qu'elles étaient toutes d'un âge nettement éloigné de la minorité ; que s'il n'est pas douteux que le prévenu ait eu des relations à connotation sexuelle avec les parties civiles, il convient toutefois d'en mesurer la nature et le degré avec chacune d'entre elles ; que toutes les victimes se sont plaintes d'avoir été rudoyées par leur professeur, incitées à évoquer leur vie sexuelle pendant les cours collectifs et apostrophées vulgairement pour leur dire "qu'elles étaient bloquées du cul" ; mais que chacune a évoqué des comportements différents de la part de X... ; qu'ainsi, Z... s'est plainte d'un comportement sexuel ambigu, "F..." l'obligeant à confesser publiquement le viol dont elle avait été victime à 14 ans puis d'un harcèlement téléphonique pornographique à son domicile ; que A..., pour sa part, a dû subir à l'occasion d'une indication de jeu de scène des attouchements sexuels de la part de F... ainsi que les mêmes appels téléphoniques incessants à caractère obscène ; que les quatre autres parties civiles, B..., C..., D... et E..., avaient non seulement subi les attitudes obscènes de X... ainsi que ses appels téléphoniques pornographiques qui duraient parfois des heures mais avaient également décrit des scènes plus graves encore ; que sous le fallacieux prétexte de prolonger le cours collectif, soit dans leur appartement ou celui de "F...", ce dernier obtenait d'elles, et à plusieurs reprises, des faveurs sexuelles allant d'attouchements sexuels et fellations jusqu'à des relations sexuelles complètes ; que la Cour constate donc que pour Z... et A..., les atteintes sexuelles dont elles ont été l'objet ne sauraient s'analyser en agressions sexuelles obtenues sous la violence et la contrainte ; qu'en ce qui concerne les autres victimes, il résulte des conclusions du médecin-expert qui les a examinées que si ces dernières présentaient une certaine fragilité psychologique, il n'avait pas noté chez des jeunes femmes lucides et matures d'état de vulnérabilité qui les aurait rendues incapables de résister à la violence psychologique invoquée ; que la Cour relève, par ailleurs, qu'il n'est pas résulté de l'enquête, et notamment des propres déclarations des parties civiles, la manifestation ferme, non équivoque et renouvelée, d'un refus absolu des comportements imposés par X... ; qu'en effet, malgré le caractère grave et inacceptable des faits dénoncés, ceux-ci se sont renouvelés pendant une année d'étude et dans des conditions matérielles que les victimes ont elles-mêmes décrites qui ne permettent pas juridiquement d'invoquer la violence ou la contrainte requise par la loi ; que le délit d'agression sexuelle reproché à X... est donc insuffisamment caractérisé ;
" alors que, en reconnaissant, par ailleurs, que les jeunes femmes s'étaient trouvées exposées à un comportement caractérisé de harcèlement sexuel de la part du prévenu, la cour d'appel a par là même nécessairement admis que le prévenu avait usé d'ordres, de menaces et de contrainte dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ; que la cour d'appel a également relevé que le prévenu avait eu des relations à connotation sexuelle avec les parties civiles et que les victimes avaient "subi" les agissements du prévenu, qu'elles étaient fragiles et soumises à une violence psychologique ; qu'il s'en déduit nécessairement des agressions sexuelles, telles que prévues et réprimées par les articles 222-22 et 222-27 du Code pénal, peu important qu'il n'y ait pas eu manifestation ferme, non équivoque et renouvelée d'un refus absolu des comportements imposés par le prévenu ; que, de ce chef, la cour d'appel n'a donc pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement ;
" alors, en outre, qu'il résulte également des constatations de l'arrêt attaqué que A... avait dû subir, à l'occasion d'une indication de jeu de scène, des attouchements sexuels de la part de "F...", que B..., C..., D... et E... avaient subi les attitudes obscènes de X... ; que Z... avait notamment précisé avoir été victime d'attouchements sexuels divers pendant les cours ; que de ces constatations se déduisent, nécessairement, des agressions sexuelles commises avec surprise ; que, de ce chef encore, la cour d'appel a omis de tirer de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient " ;
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a estimé que les faits dont elle a reconnu le prévenu coupable ne constituaient pas des agressions sexuelles, prévues et réprimées par les articles 222-22 et 222-27 du Code pénal, mais seulement le délit de harcèlement sexuel, prévu et réprimé par l'article 222-33 du même Code, l'erreur de qualification ainsi commise ne saurait entraîner la censure de l'arrêt, dès lors que la peine prononcée entre dans la prévision des deux textes de répression ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-84171
Date de la décision : 15/06/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Recevabilité - Association - Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail - Accord des victimes - Moyen nouveau.

1° ASSOCIATION - Action civile - Recevabilité - Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail - Accord des victimes - Moyen nouveau 1° CASSATION - Moyen - Moyen nouveau - Définition - Action civile - Recevabilité - Association - Accord des victimes.

1° L'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile d'une association, tirée de ce que l'obtention de l'accord préalable de victimes n'aurait pas été vérifiée par la cour d'appel, soulevée pour la première fois devant la Cour de Cassation, est un moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, et donc irrecevable.

2° AGRESSIONS SEXUELLES - Harcèlement sexuel - Eléments constitutifs - Menaces - Abus d'autorité.

2° Le fait pour un professeur d'art dramatique, exerçant dans le cadre d'un enseignement à visée professionnelle, de proférer des menaces à l'encontre de ses élèves dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, en abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, constitue le délit de harcèlement sexuel.

3° CASSATION - Peine justifiée - Erreur de qualification - Harcèlement sexuel - Agressions sexuelles.

3° Lorsqu'un arrêt relaxe à tort du chef d'agressions sexuelles, un prévenu qui a obtenu, par menaces ou contrainte, des faveurs de nature sexuelle, l'erreur ainsi commise n'est pas cause de cassation dès lors que la peine prononcée est justifiée par le délit de harcèlement sexuel dont le prévenu a été déclaré coupable.


Références :

1° :
2° :
3° :
Code de procédure pénale 2-2
Code pénal 222-22, 222-27, 222-33
Code pénal 222-33, 222-44

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre correctionnelle), 27 mai 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jui. 2000, pourvoi n°99-84171, Bull. crim. criminel 2000 N° 227 p. 673
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 227 p. 673

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Koering-Joulin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.84171
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