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30/05/2000 | FRANCE | N°99-84470

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mai 2000, 99-84470


REJET des pourvois formés par :
- X... Pierre, Y... Hubert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 9 juin 1999, qui, pour dénonciation calomnieuse à l'encontre d'Emmanuel Z..., les a condamnés chacun à 10 000 francs d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Pierre X..., pris de la violation des articles 373 du Code pénal en vigueur jusqu'au 1er mars 1994, 226-10 du Code p

énal, 112-1 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, m...

REJET des pourvois formés par :
- X... Pierre, Y... Hubert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 9 juin 1999, qui, pour dénonciation calomnieuse à l'encontre d'Emmanuel Z..., les a condamnés chacun à 10 000 francs d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Pierre X..., pris de la violation des articles 373 du Code pénal en vigueur jusqu'au 1er mars 1994, 226-10 du Code pénal, 112-1 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Me X... coupable de dénonciation calomnieuse ;
" aux motifs que le délit de dénonciation calomnieuse était réprimé au moment des faits par les dispositions de l'article 373 de l'ancien Code pénal ; que, lors de l'audience du jugement, l'incrimination a été reprise par l'article 226-10 du nouveau Code ; que, de la comparaison entre les deux articles, il résulte que si les éléments constitutifs de l'infraction restent inchangés, la seule différence fondamentale a trait à la preuve du caractère calomnieux de la dénonciation ;
" que, si l'article 373 de l'ancien Code exigeait comme condition préalable et nécessaire à toute condamnation un jugement ou arrêt d'acquittement ou de relaxe, une ordonnance ou un arrêt de non-lieu, ou encore une décision de classement sans suite de la dénonciation, ce préalable n'est pas exigé en ce sens que d'après l'article 226-10 du nouveau Code pénal :
" la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement d'une décision définitive d'acquittement de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie et que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ;
" en tout autre cas, le tribunal apprécie la pertinence des accusations portées par le dénonciateur ;
" qu'en l'espèce, le tribunal considérant que la lettre du président de la chambre d'accusation du 3 novembre 1993 ne constituait pas un classement sans suite et faisant application de l'article 373 de l'ancien Code pénal comme ayant des dispositions plus douces, a rendu la décision déférée ;
" que la Cour estime toutefois que c'est à tort que les premiers juges ont tenu un tel raisonnement aboutissant à la relaxe, et qu'ils ont par ailleurs fait une mauvaise application de la loi pénale en appliquant cet article ancien du Code ;
" alors, d'une part, que, lorsque la loi nouvelle est plus sévère, les faits commis avant son entrée en vigueur demeurent punissables et encourent les peines prévues par le texte ancien, que l'article 226-10 du nouveau Code pénal ayant assorti le délit de dénonciation calomnieuse de pénalités plus importantes, seul l'article 373 de l'ancien Code pénal est applicable en l'espèce ;
" alors, d'autre part, que, lorsque deux textes légaux ou réglementaires se succèdent dans le temps pour assurer la répression d'une même infraction, celui qui était en vigueur au moment des faits doit recevoir application sauf si les dispositions nouvelles sont plus douces que les anciennes ; que, sous l'empire de l'article 373 ancien du Code pénal, la juridiction répressive saisie d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse ne saurait condamner le prévenu de ce chef dès lors qu'elle ne constate pas qu'il a été statué préalablement ; que cette disposition doit être considérée comme plus favorable aux prévenus que les conditions définies par l'article 226-10 du nouveau Code pénal qui permet seulement au tribunal d'apprécier la pertinence des accusations portées par le dénonciateur ; qu'en l'espèce la lettre du 3 novembre 1993 du président de la chambre d'accusation avisant les prévenus de son incompétence ne saurait être considérée comme une décision de classement sans suite tel qu'exigée par la jurisprudence développée pour l'article 373 de l'ancien code pénal, laquelle doit être expresse et dépourvue d'ambiguïté ; qu'ainsi, en l'absence d'un des éléments matériels constitutifs de l'infraction, à la date des faits, l'infraction n'est pas matériellement constituée ; que, pour en avoir autrement décidé, la Cour a violé les textes visés au moyen ;
" alors, enfin et en tout état de cause, que l'exercice des poursuites pour dénonciation calomnieuse engagé par le ministère public ne découle ni de la réception de la lettre des prévenus, ni de la transmission de la réponse de M. A..., mais des instructions données par le procureur général sur injonction du Garde des Sceaux ; que, par suite, l'existence d'une décision formelle de classement sans suite de la dénonciation calomnieuse à la date des faits n'est pas établie, en sorte que l'infraction incriminée ne peut être caractérisée " ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Hubert Y... auquel Pierre X... s'associe, pris de la violation des articles 112-1 (nouveau), 373 (ancien), 226-10 (nouveau) du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif a déclaré Hubert Y..., avocat, coupable d'une dénonciation calomnieuse le 25 octobre 1993 pour avoir adressé au président de la chambre d'accusation de Douai une lettre par laquelle il accusait Emmanuel Z..., juge d'instruction à Lille, d'avoir violé le secret de l'instruction ;
" aux motifs que l'article 222-10 nouveau du Code pénal, en permettant au prévenu de discuter un élément constitutif de l'infraction au lieu de le lui imposer directement, comporte des dispositions plus douces qui sont d'application immédiate ; qu'il y a eu dénonciation spontanée adressée à un officier de justice, que la fausseté des faits dénoncés résulte de l'interrogatoire de Pierre X... par Emmanuel Z... ; que la lettre de réponse du président de la chambre d'accusation n'est pas une décision d'incompétence, et que le fait que le parquet ait poursuivi du chef de dénonciation calomnieuse implique nécessairement une décision de classement de la dénonciation ;
" 1° alors que les dispositions de l'article 226-10 du Code pénal qui édictent une peine d'emprisonnement égale à celle de l'article 373 ancien (5 ans) et une amende plus élevée (300 000 francs au lieu de 20 000 francs) sont plus sévères que celles de cet article 373 et que seul ce dernier texte devait recevoir application ;
" 2° alors qu'en vertu de l'article 373 ancien, la poursuite pour dénonciation calomnieuse ne pouvait être engagée qu'après au moins une décision de non-lieu, ou une décision de classement par l'autorité compétente pour lui donner la suite qu'elle était susceptible de comporter ; que la lettre de réponse du président de la chambre d'accusation se déclarant incompétent pour connaître de la protestation ne constituait ni un non-lieu ni un classement ; qu'en l'absence de classement d'une plainte qui lui aurait été adressée, le Parquet n'a pas pris parti sur l'action publique, la simple abstention du Parquet en l'absence de toute enquête réelle sur les faits n'étant pas équivalente à une décision de classement ; qu'ainsi les conditions de mise en oeuvre de l'action pour dénonciation calomnieuse n'étaient pas remplies ;
" 3° alors que, quel que soit le texte applicable, le président de la chambre d'accusation, qui n'est pas le supérieur hiérarchique du juge d'instruction, qui n'a aucun pouvoir disciplinaire sur lui, et qui ne peut en aucun cas contrôler autre chose que les actes d'instruction proprement dits, n'est pas un " officier de justice " au sens des articles 373 ancien et 226-10 nouveau, ni une " autorité ayant le pouvoir de donner suite " aux faits dénoncés ; que la dénonciation n'était donc pas caractérisée ;
" 4° alors que n'est pas spontanée et n'est donc pas punissable la " dénonciation " par les avocats d'un mis en examen de ce que la parution dans la presse de comptes rendus d'écoutes téléphoniques sortis d'une information en cours constitue une violation du secret de l'instruction dont le juge d'instruction peut s'être rendu coupable, cette dénonciation relevant de la mission de défense qu'ils assument et des obligations qu'ils estiment peser sur eux dans ce cadre ; que la cour d'appel a ainsi violé les droits de la défense ;
" 5° alors que sont couverts par l'immunité de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 les propos tenus par un avocat au président de la chambre d'accusation, et protestant contre le fait que des pièces d'une instruction en cours concernant son client ont été publiées dans la presse, en émettant la supposition que cette violation du secret de l'instruction pouvait être le fait du magistrat instructeur ; qu'ainsi les propos tenus n'étaient pas punissables ;
" 6° alors que, faute de répondre aux conclusions par lesquelles le prévenu faisait valoir qu'il avait toutes les raisons de penser que le compte rendu des écoutes téléphoniques était sorti du dossier d'instruction, et qu'il ne savait pas que ces écoutes pouvaient provenir d'un autre dossier pour avoir été ordonnées par d'autres magistrats, la cour d'appel n'a pas suffisamment fondé sa décision sur l'élément intentionnel du prévenu " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Pierre X... et Hubert Y..., avocats, ont été poursuivis du chef de dénonciation calomnieuse pour avoir adressé au président de la chambre d'accusation, le 25 octobre 1993, une lettre qui se référait à un article de presse faisant état d'une procédure concernant un de leurs clients et dans laquelle ils affirmaient notamment " qu'il ne fait aucun doute que seul le magistrat instructeur a pu communiquer les procès-verbaux des écoutes téléphoniques aux journalistes " et " qu'il s'agit là manifestement d'une violation grave du secret de l'instruction " ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit de dénonciation calomnieuse, les juges du second degré retiennent que la lettre litigieuse constitue un acte spontané, qu'elle a été adressée à un magistrat qui aurait pu la transmettre à une autorité compétente susceptible de lui donner une suite pénale ou disciplinaire ; que les juges, après avoir répondu aux conclusions dont ils étaient saisis, ajoutent par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, au vu de circonstances de fait relevant de leur appréciation souveraine, que la bonne foi ne saurait être invoquée ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs desquels il se déduit que les juges ont apprécié la pertinence des accusations portées par les dénonciateurs en application des dispositions de l'article 226-10 du Code pénal dès lors que, d'une part, l'initiative prise par le ministère public de poursuivre du chef de dénonciation calomnieuse implique nécessairement le classement de la dénonciation et que, d'autre part, les peines prononcées entrent dans les prévisions tant de l'article 373 ancien que de l'article 226-10 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens, par ailleurs inopérants en ce qu'ils visent l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, ne sont pas applicables en matière de dénonciation calomnieuse ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-84470
Date de la décision : 30/05/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DENONCIATION CALOMNIEUSE - Dénonciation - Spontanéité - Définition.

Constitue un acte spontané de dénonciation l'envoi par deux avocats d'une lettre au président de la chambre d'accusation affirmant que seul le juge d'instruction a pu communiquer à la presse les procès verbaux d'écoutes téléphoniques contenues dans un dossier d'information concernant un de leurs clients. .


Références :

Code pénal 226-10
Code pénal 373 Nouveau

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 09 juin 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mai. 2000, pourvoi n°99-84470, Bull. crim. criminel 2000 N° 205 p. 603
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 205 p. 603

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Lucas.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Chanet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.84470
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