CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Joël,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 1999, qui, pour exercice illégal de l'art dentaire et fraudes en matière de sécurité sociale, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 francs d'amende, et 5 ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle en relation avec les soins et prothèses dentaires.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 373, L. 376 du Code de la santé publique, L. 377-1 du Code de la sécurité sociale, 131-6, 131-9, 131-10, 131-27 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Joël X... coupable d'exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste et de fraude ou fausse déclaration à la sécurité sociale et l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 30 000 francs, a confirmé la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale en relation avec les soins et prothèses dentaires pendant 5 ans, prononcée par le premier juge ;
" aux motifs que le premier juge a donné une exacte définition de l'exercice illégal de l'art dentaire directement tirée de l'article L. 373 du Code de la santé publique ; que ce texte, particulièrement clair, ne donne lieu à aucune interprétation possible par le juge ... ; qu'en conséquence, Joël X..., qui n'est titulaire d'aucun diplôme reconnu en France, a été à juste titre reconnu coupable d'avoir posé indûment des prothèses dentaires sur trois personnes ... ;
" alors, d'une part, que l'article L. 373 du Code de la santé publique, qui effectivement est clair et précis, définit, en son 1er alinéa, la pratique de l'art dentaire comme le diagnostic et le traitement des maladies de la bouche, des dents et des maxillaires, et indique, en son 2e alinéa, qu'exerce illégalement l'art dentaire celui qui prend part habituellement à la pratique de l'art dentaire, qui vient d'être défini, par tous procédés, quels qu'ils soient, notamment prothétiques ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que ne peuvent être poursuivis sous la qualification d'exercice illégal de l'art dentaire que les seuls procédés, notamment prothétiques, qui auraient pu être mis en oeuvre à l'occasion de maladies de la bouche, des dents et des maxillaires et pour leur soin ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des circonstances de la cause que Joël X..., poursuivi pour avoir posé des prothèses dentaires, se soit livré à un quelconque diagnostic ou ait traité des maladies de la bouche, des dents et des maxillaires au sens du texte susvisé ; que la cour d'appel a donc violé le texte dont s'agit ;
" alors, d'autre part, que l'article 377-1 du Code de la sécurité sociale, qui réprime la fraude ou fausse déclaration en vue de faire obtenir des prestations qui ne sont pas dues, ne prévoyant qu'une peine d'amende de 360 à 20 000 francs au cas où le délit serait caractérisé, les peines d'emprisonnement, d'amende supérieure à 20 000 francs et d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle considérée ne sont donc pas justifiées en cas de cassation sur le fondement de délit d'exercice illégal de la médecine, et la cassation, par voie de conséquence, est donc encourue ;
" alors, par ailleurs, que si l'article 131-6 du Code pénal permet de prononcer, à titre de peine principale, une interdiction professionnelle pour une durée de 5 ans, lorsque le délit est puni d'une peine d'emprisonnement, il est tout à fait exclu qu'une peine d'emprisonnement puisse être prononcée cumulativement, puisque la mesure d'interdiction est, alors, en substitut à la peine d'emprisonnement dont s'agit ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait, tout à la fois, confirmer le jugement sur l'interdiction d'exercer une activité professionnelle, et y ajouter une peine d'emprisonnement et d'amende ; que le maximum légal des pénalités encourues ayant été dépassé, la cassation à intervenir doit être totale ;
" alors, enfin, que ni l'article L. 376 du Code de la santé publique, qui réprime l'exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste, ni l'article 377-1 du Code de la sécurité sociale relatif à la fraude en matière de sécurité sociale, ne prévoient, à titre de peine complémentaire, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ; qu'ainsi, cette peine, non prévue par la loi, ne pouvait être prononcée contre Joël X... " ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Joël X..., technicien de laboratoire dentaire, qui n'est pas titulaire du diplôme de chirurgien-dentiste, est poursuivi, notamment, pour avoir exercé illégalement l'art dentaire, infraction prévue par les articles L. 373 et L. 376 du Code de la santé publique ;
Que, pour le déclarer coupable de ce délit, la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que le prévenu a pris des empreintes, a préparé la cavité buccale et a procédé à la pose de prothèses dentaires, en assurant le suivi nécessaire ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, loin de méconnaître les dispositions légales précitées, en a fait l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen, en sa première branche, doit être écarté ;
Mais sur le moyen pris en ses trois autres branches :
Vu les articles 131-9 et 131-10 du Code pénal ;
Attendu que, selon ces textes, l'emprisonnement ne peut être prononcé cumulativement avec une des peines privatives ou restrictives de droits, prévues par l'article 131-6, sauf si la loi le prévoit expressément ;
Attendu qu'après avoir déclaré Joël X... coupable d'exercice illégal de l'art dentaire et de fraude pour l'obtention de prestations d'assurances sociales indues, la cour d'appel, confirmant le jugement ayant prononcé une interdiction professionnelle pendant 5 ans, condamne en outre le prévenu à 3 mois d'emprisonnement avec sursis ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ni l'article L. 376 du Code de la santé publique, ni l'article L. 377-1 du Code de la sécurité sociale ne prévoient le cumul d'une peine d'emprisonnement avec une interdiction professionnelle, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 3 mai 1999, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.