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10/05/2000 | FRANCE | N°99-80784

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mai 2000, 99-80784


REJET du pourvoi formé par :
- Y... Saïd, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 7 décembre 1998, qui, après annulation du jugement, a dit n'y avoir lieu à évocation sur la poursuite contre la société Demosthene et, après relaxe d'Edmond X... du chef de mise en danger délibérée d'autrui et soumission d'une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d'hébergement contraires à la dignité humaine, l'a débouté de ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'à la suite de l'effondrement d

'un palier dans un immeuble déclaré insalubre par l'autorité administrative, Saïd Y.....

REJET du pourvoi formé par :
- Y... Saïd, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 7 décembre 1998, qui, après annulation du jugement, a dit n'y avoir lieu à évocation sur la poursuite contre la société Demosthene et, après relaxe d'Edmond X... du chef de mise en danger délibérée d'autrui et soumission d'une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d'hébergement contraires à la dignité humaine, l'a débouté de ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'à la suite de l'effondrement d'un palier dans un immeuble déclaré insalubre par l'autorité administrative, Saïd Y..., locataire, a fait citer la société Démosthène, propriétaire, ainsi que son gérant, Eric X..., devant le tribunal correctionnel, pour les faire déclarer coupables des délits prévus par les articles 223-1 et 225-14 du Code pénal et pour obtenir des dommages-intérêts ;
Que les premiers juges ont relaxé les deux prévenus des fins de la poursuite ; que la juridiction d'appel a annulé le jugement en ce qu'il a statué à l'égard de la personne morale en l'absence de désignation d'un mandataire de justice par application de l'article 706-43, alinéa 1, du Code de procédure pénale et dit n'y avoir lieu à évoquer ; qu'elle a confirmé la décision de relaxe d'Eric X... du chef des deux infractions ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 520 et 706-43 du Code de procédure pénale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé les dispositions du jugement déféré relatives à la personne morale et dit n'y avoir lieu à évocation sur les poursuites concernant cette dernière ;
" aux motifs que le gérant de la SCI X... et la SCI Demosthene étaient poursuivis pour les mêmes faits ; qu'il résulte de l'article 706-43 alinéa 1 du Code de procédure pénale que, dès lors qu'à l'occasion de poursuites exercées contre une personne morale l'action publique est également mise en mouvement pour les mêmes faits ou pour des faits connexes contre le représentant légal de celle-ci, la désignation d'un mandataire de justice pour représenter la personne morale au cours des poursuites est obligatoire ; qu'en l'espèce aucun mandataire de justice ayant qualité pour représenter la personne morale n'a été désigné ; que, dans ces conditions, le tribunal correctionnel n'était pas valablement saisi à l'encontre de la SCI Demosthene ;
" alors, d'une part, que les juges sont saisis in rem ; qu'en l'espèce, la partie civile avait cité directement Eric X..., gérant de la personne morale, ainsi que la personne morale devant le tribunal correctionnel de Marseille pour le délit de mise en danger d'autrui et pour le délit consistant à soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité et de sa situation de dépendance, à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ; que l'absence de désignation d'un mandataire de la personne morale était sans incidence sur la régularité et l'effectivité de l'acte de saisine ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait énoncer que le tribunal n'était pas régulièrement saisi des deux délits susvisés à l'encontre de la personne morale, sans méconnaître ses propres pouvoirs et violer l'article 706-43 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, qu'en présence d'une éventuelle irrégularité de représentation de la personne morale en première instance, la cour d'appel devait évoquer l'affaire et renvoyer le ministère public à régulariser les modalités de cette représentation selon les pouvoirs qu'il tient de l'article 706-43 du Code de procédure pénale précité ; qu'en omettant d'invoquer et de renvoyer le ministère public à régulariser la procédure comme cela lui incombait, la cour d'appel a encore méconnu ses propres pouvoirs " ;
Attendu que la partie civile poursuivante, à qui il incombait, en première instance, de faire désigner un mandataire de justice pour représenter la société Demosthene, ne saurait reprocher à la cour d'appel d'avoir omis de faire usage de son pouvoir d'évocation dès lors que la disposition de l'article 520 du Code de procédure pénale, qui fait obligation à la cour d'appel d'évoquer et de statuer sur le fond en cas d'annulation d'un jugement, ne lui permet pas de se prononcer à l'égard d'une partie qui ne se trouvait pas régulièrement mise en cause en première instance ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'arrêté préfectoral du 15 juin 1990, des articles 111-4 et 223-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, violation du principe de la séparation des pouvoirs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du délit de mise en danger d'autrui ;
" aux motifs que la violation de l'arrêté préfectoral, si elle est commise, constitue un des éléments matériels du délit de mise en danger ; mais qu'en l'espèce l'arrêté énonçait en son article 4 que, si à l'expiration d'un délai de 1 an à compter du 15 juin 1990, les travaux n'étaient pas achevés par les propriétaires, une déclaration définitive d'insalubrité avec interdiction définitive d'habiter pourrait être prononcée ; qu'aucune décision préfectorale n'étant intervenue à l'issue de ce délai, à la date du 1er mars 1994, date à laquelle est entré en vigueur le nouveau Code pénal instituant l'incrimination de mise en danger d'autrui, l'arrêté préfectoral n'était plus en vigueur ; qu'en outre, il résulte des pièces produites aux débats que, par lettre du 7 mai 1993, le prévenu a mis en demeure Saïd Y... de quitter les lieux ; que ce dernier n'ayant pas quitté son appartement, le prévenu a assigné en expulsion les douze locataires de l'immeuble devant le tribunal d'instance de Marseille ; que le refus des locataires de quitter leurs appartements l'avait empêché d'effectuer les travaux prescrits par l'arrêté ; que, dès lors, la violation délibérée d'une règle de prudence ou de sécurité n'est pas caractérisée à son encontre ;
" alors, d'une part, que l'arrêté du 15 juin 1990 ne limitait pas dans le temps l'obligation de faire des travaux ; que l'absence, dans le délai d'un an, de déclaration définitive d'insalubrité et d'interdiction définitive d'habiter n'avait pas rendu caduque l'obligation de réaliser les travaux ; qu'en affirmant que les prévenus n'avaient pas méconnu cette obligation réglementaire toujours en vigueur, la cour d'appel a violé ledit arrêté ;
" alors, d'autre part, que les faits justificatifs sont limitativement énumérés par la loi ; qu'il s'agit de l'ordre de la loi, du commandement de l'autorité légitime, de la légitime défense et de l'état de nécessité ; que l'acceptation du risque par la personne qui y est exposée n'est pas une cause d'irresponsabilité pour le prévenu " ;
Attendu qu'en renvoyant Eric X... des fins de la poursuite du chef de mise en danger délibérée d'autrui, l'arrêt n'encourt pas la censure ;
Qu'en effet, le règlement au sens de l'article 223-1 du Code pénal s'entend des actes des autorités administratives à caractère général et impersonnel ;
Que tel n'est pas le cas d'un arrêté préfectoral ayant déclaré un immeuble insalubre et imposé au propriétaire des travaux de mise en conformité ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 225-14 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du délit de soumission d'autrui à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ;
" aux motifs que la partie civile n'était pas hébergée par le prévenu, mais était titulaire d'un contrat de bail, conclu auparavant ; qu'il ressort des pièces produites que Saïd Y... n'a pas quitté les lieux malgré une mise en demeure et une assignation en expulsion ;
" alors, d'une part, que les conditions d'hébergement prévues et réprimées par l'article 225-4 du Code pénal peuvent être incriminées quand bien même cet hébergement aurait eu lieu dans le cadre d'un bail fût-il régulier ;
" alors, d'autre part, que le refus allégué du locataire de quitter son appartement pendant la durée nécessaire aux travaux ne constitue pas un fait justificatif exonératoire de la responsabilité du prévenu " ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de soumission d'autrui à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, les juges d'appel retiennent qu'afin de se conformer aux prescriptions administratives exigeant des travaux importants, le prévenu avait mis en demeure Saïd Y..., comme les autres locataires, de quitter les lieux et que, devant son refus, il l'avait assigné en expulsion ;
Attendu qu'en l'état de ce seul motif, procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que l'élément intentionnel du délit n'était pas caractérisé, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que le moyen, dès lors, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80784
Date de la décision : 10/05/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

MISE EN DANGER DE LA PERSONNE - Risques causés à autrui - Eléments constitutifs - Violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence - Obligation imposée par la loi ou le règlement - Règlement - Définition.

Le règlement au sens de l'article 223-1 du Code pénal s'entend des actes des autorités administratives à caractère général et impersonnel. Tel n'est pas le cas d'un arrêté préfectoral déclarant un immeuble insalubre et imposant au propriétaire des travaux de mise en conformité. .


Références :

Code pénal 223-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 décembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mai. 2000, pourvoi n°99-80784, Bull. crim. criminel 2000 N° 183 p. 537
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 183 p. 537

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : Mme Fromont.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Mazars.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.80784
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