REJET des pourvois formés par :
- X... François,
- Y... François,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 29 juin 1999, qui les a condamnés, le premier, pour banqueroute, à 1 an d'emprisonnement avec sursis, le second, pour complicité de banqueroute, à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour François X... et pris de la violation des articles 196, 197, 198, 200, 201 de la loi du 25 janvier 1985, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré François X... coupable de banqueroute par détournement d'actif, et l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs que, pour caractériser l'état de cessation des paiements, le tribunal de commerce s'est fondé dans son jugement du 1er octobre 1994 sur l'existence de quatre dettes restées en souffrance dont trois fondées sur des titres exécutoires et donc immédiatement exigibles ;
" alors qu'en ne précisant pas quel était l'actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour François Y..., pris de la violation des articles 196 et 197 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 111-4, 121-7, 136-6 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la Cour a condamné le demandeur du chef de complicité de banqueroute par détournement d'actif et a alloué des dommages et intérêts au liquidateur ;
" aux motifs que les époux X..., alors en instance de divorce, ont vendu leur immeuble d'habitation dont le prix a été pour partie transféré, le 4 août 1994, sur le compte luxembourgeois de la femme ; que l'entreprise au nom personnel de François X... a été admise le 13 octobre 1994 au bénéfice du redressement judiciaire converti en liquidation, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 6 octobre 1994 puis reportée au 31 décembre 1993 par la juridiction consulaire ; que les prévenus contestent le report de l'état de cessation des paiements ; que, si les énonciations du juge consulaire ne s'imposent pas au juge répressif, il apparaît toutefois que pour caractériser l'état de cessation des paiements, le tribunal de commerce s'est fondé, dans son jugement de 1994, sur l'existence de quatre dettes restées en souffrance, dont trois fondées sur des titres exécutoires et donc immédiatement exigibles (Cedigo, éd. Larrivière et M. Z...) ; que l'état de cessation des paiements était parfaitement caractérisé dès le début de l'année 1994 ; qu'en ce qui concerne le détournement d'actif, François X... fait valoir qu'il s'en est remis à son avocat pour les mesures à prendre concernant ses affaires et François Y... qu'il y a eu simple partage partiel et provisoire de communauté ne préjudiciant nullement aux droits des créanciers ; que la Cour estime toutefois que l'intention frauduleuse de François X... de faire échapper un bien d'importance à l'action des créanciers et de François Y... d'y prêter la main se déduit suffisamment des éléments de la cause tels qu'analysés par les premiers juges (...) ; qu'en vain, la défense soutient que les fonds pourraient être appréhendés au Luxembourg par le liquidateur ; que le détournement d'actif du chef de François X... est caractérisé ainsi que la complicité de François Y... par assistance dans la réalisation de ces faits (conseils, encaissement des sommes, participation à leur déplacement au Luxembourg) ; que la formule selon laquelle il s'agissait de " déplacer au Luxembourg la solvabilité des époux X... ", évoquée dans le cadre de la procédure disciplinaire est non pas une erreur de terminologie mais bien un lapsus révélateur ; qu'il convient donc de confirmer le jugement sur les déclarations de culpabilité ; que les peines adaptées à la personnalité des prévenus et aux circonstances de leurs agissements coupables, seront également confirmées ; que, sur l'action civile, les prévenus ne peuvent notamment pas faire grief au liquidateur de ne pas avoir entrepris des procédures aux fins de recouvrer civilement le montant des sommes détournées, soit 1 228 000 francs (arrêt, analyse, p. 4 à 7) ;
" 1° alors que, d'une part, le délit de banqueroute n'existe qu'en présence de la dissipation d'un élément de l'actif social ; qu'il n'en va pas ainsi de la vente par le débiteur d'un élément de son patrimoine personnel entrant seulement dans le droit de gage général de ses créanciers ; qu'ainsi, le demandeur n'a pu légalement être déclaré complice d'un délit principal inexistant ;
" 2° alors que, d'autre part, l'existence de créances exigibles n'est caractéristique de l'état de cessation des paiements du débiteur principal que si l'actif disponible ne permet pas d'y faire face ; que, faute pour la Cour d'avoir mesuré les forces de l'actif disponible, les déclarations de culpabilité du débiteur et du demandeur sont derechef privées de toute base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que François X..., qui exerçait une activité d'importation et de vente de bateaux de plaisance, s'est trouvé fin décembre 1993 en état de cessation des paiements ; qu'il a alors engagé une procédure de divorce par consentement mutuel ; que les époux X..., mariés sous le régime de la communauté des biens, ont ensuite vendu leur immeuble à usage d'habitation, dont le prix net a été versé par le notaire à leur avocat, François Y... ; que, le 4 août 1994, les fonds restant après prélèvement par ce dernier de ses honoraires, ont été déposés sur un compte bancaire ouvert au Luxembourg au nom de jeune fille de l'épouse ;
Que, le 10 octobre 1994, François X... a déclaré son état de cessation des paiements et a été mis trois jours plus tard en liquidation judiciaire ; que le divorce a été prononcé le 15 novembre 1994 ;
Attendu que, pour déclarer le délit de banqueroute par détournement d'actif constitué, les juges, après avoir relevé que le passif exigible du débiteur excédait au 31 décembre 1993 son actif disponible et que l'intéressé avait conscience de cette situation, retiennent que l'intention de François X..., conseillé par son avocat, qui lui a prêté main forte en se déplaçant lui-même au Luxembourg lors du dépôt du chèque, de soustraire le plus important élément d'actif au gage des créanciers résulte notamment de la mise en oeuvre de la procédure de divorce en lien avec la vente de la maison, de la quasi-disparition des époux X... après la vente et de la dissimulation de leur nouvelle adresse, des réticences de François Y... à révéler la destination des fonds, des explications contradictoires fournies par les prévenus au cours des différentes procédures engagées, du dépôt du produit de la vente dans une banque au Luxembourg sur un compte ouvert au nom de l'épouse, dont le divorce allait être prononcé, mesures destinées à tromper le liquidateur ou à entraîner son inaction ;
Qu'en l'état de ces constatations, procédant de l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, et caractérisant sans insuffisance l'état de cessation des paiements à la date du détournement d'actif ainsi que les autres éléments constitutifs de ce délit et de la complicité, et dès lors que, si la cession d'un élément d'actif à sa juste valeur est en soi licite, il en est autrement quand le produit de la vente est dissimulé aux créanciers, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.