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29/02/2000 | FRANCE | N°97-86706

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 février 2000, 97-86706


ANNULATION PARTIELLE sans renvoi et CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Johnny,
contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Orne, en date du 5 décembre 1997, qui, pour vols avec arme, tentative de ce crime et délits connexes, l'a condamné, sur renvoi après cassation, à 14 ans de réclusion criminelle et à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violat

ion des articles 168, 310, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de m...

ANNULATION PARTIELLE sans renvoi et CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Johnny,
contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Orne, en date du 5 décembre 1997, qui, pour vols avec arme, tentative de ce crime et délits connexes, l'a condamné, sur renvoi après cassation, à 14 ans de réclusion criminelle et à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 168, 310, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que M. Y..., expert en balistique, a été entendu en vertu du pourvoi discrétionnaire du président, après avoir prêté le serment prescrit par l'article 168 du Code de procédure pénale ;
" alors que, dans la mesure où il ne résulte d'aucune des pièces de la procédure que M. Y... ait été chargé d'une mission d'expertise, il ne pouvait être entendu après avoir prêté le serment des experts " ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'aucune des parties ne s'est opposée à ce que l'expert Y... prête serment ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-4 du Code pénal, 349, 366, 376, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt sur l'action publique énonce qu'il résulte de la déclaration de la Cour et du jury que Johnny X..., Stive, Joël et John Z... sont coupables d'avoir à Vitré (35), dans la nuit du 19 au 20 janvier 1993, frauduleusement soustrait des vêtements, notamment des marques " Aigle ", " LM Diffusion ", " Bis ", dans un local d'habitation ou dans un lieu destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, au préjudice de la SA Clouard, magasin " Espace Emeraude ", pour un montant de 45 000 francs, avec ces circonstances que ladite soustraction était commise en réunion et par effraction et bris de la porte d'entrée, arrachage des barres et tubulaires de protection ;
" alors que la réponse à la question n° 170 portant sur la culpabilité de l'accusé X... étant illisible, elle ne saurait servir de base à la décision de condamnation à son encontre ;
" alors que les mentions de la feuille des questions et les énonciations de l'arrêt de condamnation doivent, à peine de nullité, être en concordance ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il résulte de la feuille de questions que, par les questions nos 164 à 171, la Cour et le jury n'ont pas été interrogés sur la circonstance aggravante de commission d'un acte de destruction, dégradation ou détérioration, en l'espèce " bris de la porte d'entrée, arrachage des barres et tubulaires de protection ", distincte de la circonstance aggravante de pénétration dans les lieux par ruse, effraction ou escalade et que, dès lors, le principe susvisé a été méconnu ;
" alors que la circonstance aggravante irrégulièrement ajoutée dans l'arrêt pénal à la déclaration de la Cour et du jury, jointe aux deux circonstances de commission en réunion et par effraction, en ce qu'elle permet de justifier une aggravation de la peine en application de l'article 311-4, dernier alinéa, du Code pénal, l'irrégularité de l'arrêt de condamnation porte nécessairement atteinte aux intérêts de l'accusé " ;
Attendu que, la peine prononcée trouvant son seul support légal dans les réponses affirmatives de la Cour et du jury aux questions régulièrement posées qui ont déclaré Johnny X... coupable de vols avec arme et de tentative de ce crime, il n'y a pas lieu d'examiner un moyen relatif à un délit connexe ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 347, 371 et suivants, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce qu'il résulte des énonciations de l'arrêt civil que la cour d'assises a alloué à M. B... 210 000 francs de dommages-intérêts, outre 10 000 francs au titre de l'article 375 du Code de procédure pénale ;
" alors que l'action civile ne peut être portée devant la cour d'assises saisie de l'action publique que jusqu'à la clôture des débats prévue par l'article 347 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte des mentions du procès-verbal des débats que seule Jacqueline A..., épouse B..., s'était constituée partie civile avant la clôture des débats, à l'exclusion de M. B..., et que, dès lors, en allouant des dommages-intérêts à ce dernier, la cour d'assises a méconnu le principe susvisé ;
" alors qu'il résulte des questions nos 73 à 79 et des mentions de l'arrêt de condamnation que Jacqueline A..., épouse B..., était seule victime de l'infraction commise à son encontre par les accusés et qu'elle était par conséquent seule recevable à bénéficier de dommages-intérêts et de frais irrépétibles " ;
Attendu qu'après avoir relevé que Jacqueline A..., épouse B..., s'était constituée partie civile et avait déposé des conclusions visées aux débats, que cette constitution était régulière en la forme, recevable et au demeurant non contestée, les juges lui ont alloué la somme de 210 000 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 francs en vertu de l'article 375 du Code de procédure pénale ;
Qu'il n'importe que, par suite d'une erreur matérielle manifeste, le dispositif de l'arrêt attaqué fasse état de " M. " B... ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Mais, sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 612-1 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des principes généraux du droit, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que la cour d'assises de renvoi a aggravé la condamnation de Johnny X... prononcée par la précédente cour d'assises dont la décision a été censurée par la Cour de Cassation, suivant arrêt du 9 avril 1997, sur le seul pourvoi des consorts Z... ;
" alors que la faculté offerte à la Cour de Cassation d'ordonner que l'annulation qu'elle prononce aura effet à l'égard des parties à la procédure qui ne se sont pas pourvues ne peut, sauf à méconnaître les principes du procès équitable, entraîner l'aggravation du sort d'un accusé qui ne s'est pas pourvu, n'a pas été informé de l'instance de cassation et n'a pu être entendu ; que ce principe, qui fait partie intégrante tout à la fois des principes généraux du droit et du principe du procès équitable, au sens de l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et qu'il en résulte que l'article 612-1 du Code de procédure pénale, qui autorise la Cour de Cassation même en l'absence d'un pourvoi du ministère public à étendre " dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice " la cassation à des accusés qui ne se sont pas pourvus, est incompatible avec les dispositions de l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme dans la mesure où il est interprété par la juridiction de renvoi comme l'autorisant à aggraver le sort de ces derniers, de sorte qu'en aggravant la peine prononcée à l'encontre du demandeur, la cour d'assises a violé la Convention susvisée " ;
Vu l'article 612-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'application de ce texte ne peut conduire à aggraver la peine prononcée contre un condamné qui ne s'est pas pourvu ;
Attendu que, par arrêt du 22 novembre 1995, la cour d'assises de la Manche a condamné Johnny X..., pour vols avec arme, tentative de ce crime et délits connexes, à 11 ans de réclusion criminelle et à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ; que, sur les pourvois de trois autres accusés, Joël, John et Stive Z..., la Cour de Cassation, par arrêt du 9 avril 1997, a cassé cette décision, en toutes ses dispositions, et, appliquant l'article 612-1 du Code de procédure pénale, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, a ordonné que l'annulation aurait effet à l'égard de Johnny X... et de Jean-Pierre C... qui ne s'étaient pas pourvus ; que, désignée comme juridiction de renvoi, la cour d'assises de l'Orne, par l'arrêt attaqué, a condamné Johnny X... à 14 ans de réclusion criminelle et à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
Mais attendu que, si la cour d'assises avait plénitude de juridiction pour juger l'accusé renvoyé devant elle, l'arrêt doit, néanmoins, être annulé en ce qu'il a aggravé la peine prononcée contre le demandeur, qui ne s'était pas pourvu ;
Attendu qu'il y a lieu, en application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, d'étendre les effets de l'annulation à l'égard de Jean-Pierre C... condamné par la cour d'assises de la Manche, pour vols avec arme, tentative de ce crime et délits connexes, à 10 ans de réclusion criminelle et à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et contre lequel la cour d'assises de l'Orne a prononcé 13 ans de réclusion criminelle et 10 ans de ladite interdiction ;
Et, sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 349, 372, 375, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que la cour d'assises, statuant sur les intérêts civils, a condamné Johnny X..., solidairement avec Joël et Stive Z... et Jean-Pierre C..., à payer à Jean-Jacques D... la somme de 20 000 francs en réparation de son préjudice moral, outre celle de 10 000 francs au titre de l'article 375 du Code de procédure pénale ;
" alors qu'il résulte des réponses aux questions nos 445 à 452 et des mentions de l'arrêt sur l'action publique que Johnny X... a été déclaré non coupable des infractions commises au préjudice de Jean-Jacques D... et que, par conséquent, l'action civile de ce dernier était irrecevable en tant que dirigée contre Johnny X... ;
" alors que, si, aux termes de l'article 372 du Code de procédure pénale, un accusé acquitté peut être condamné à des dommages-intérêts, c'est à la condition que la cour d'assises constate expressément que celui-ci a commis une faute distincte du crime définitivement écarté par la Cour et le jury et que la cour d'assises qui, en l'espèce, n'a pas relevé l'existence d'une telle faute distincte à l'encontre de Johnny X..., n'a pas légalement justifié sa décision de condamnation ;
" alors qu'il résulte des termes de l'article 375 du Code de procédure pénale que seul l'auteur de l'infraction constatée par la déclaration de la Cour et du jury peut être condamné par la cour d'assises à payer des frais irrépétibles à la partie civile " ;
Vu les articles 372 et 375 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, en cas d'acquittement, la partie civile ne saurait obtenir réparation que du dommage résultant de la faute de l'accusé, telle qu'elle résulte des faits qui sont l'objet de l'accusation ;
Attendu que, déclaré non coupable de faits de violences et de détérioration commis au préjudice de Jean-Jacques D..., Johnny X... a été condamné à payer à celui-ci 20 000 francs en réparation de son préjudice moral et 10 000 francs en vertu de l'article 375 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt attaqué que le préjudice dont serait due réparation ait pris naissance dans les faits, objet de l'accusation, constitutifs d'une faute civile distincte des infractions définitivement écartées ;
Qu'en prononçant ainsi, et alors au surplus que seul l'auteur de l'infraction peut être condamné à payer à la partie civile l'indemnité prévue par l'article 375 du Code de procédure pénale, la cour d'assises n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi en ce qu'il porte sur l'arrêt pénal :
ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de l'Orne, en date du 5 décembre 1997, en ses seules dispositions ayant fixé la durée des peines de réclusion criminelle prononcées contre Johnny X... à 14 ans et contre Jean-Pierre C... à 13 ans, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Fixe la durée de ces peines à 11 ans, en ce qui concerne Johnny X..., et à 10 ans, en ce qui concerne Jean-Pierre C... ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
II. Sur le pourvoi en ce qu'il porte sur l'arrêt civil :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de l'Orne, en date du 5 décembre 1997, en ses seules dispositions concernant les réparations civiles mises à la charge de Johnny X... au profit de Jean-Jacques D..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal civil de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-86706
Date de la décision : 29/02/2000
Sens de l'arrêt : Annulation partielle sans renvoi et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Arrêts - Arrêt de condamnation - Peines - Cour d'assises de renvoi - Plénitude de juridiction pour l'accusé renvoyé devant elle - Condamné ne s'étant pas pourvu - Aggravation de la peine - Interdiction - Annulation sans renvoi.

CASSATION - Annulation - Annulation sans renvoi - Cour d'assises - Peines - Aggravation de la peine prononcée contre un condamné qui ne s'est pas pourvu - Interdiction

L'application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale ne peut conduire à aggraver la peine prononcée contre un condamné qui ne s'est pas pourvu. Si la cour d'assises avait plénitude de juridiction pour juger l'accusé renvoyé devant elle, l'arrêt doit, néanmoins, être annulé en ce qu'il a aggravé la peine prononcée contre le demandeur qui ne s'était pas pourvu. L'annulation a lieu sans renvoi, la Cour de Cassation fixant la durée de la peine de réclusion criminelle à celle prononcée par la cour d'assises initiale dont l'arrêt a été cassé. Et il y a lieu, en application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, d'étendre les effets de l'annulation à l'égard d'un autre condamné qui ne s'est pas pourvu et dont la condamnation a été également aggravée par la cour d'assises de renvoi. .


Références :

Code de procédure pénale 612-1

Décision attaquée : Cour d'assises de l'Orne, 05 décembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 fév. 2000, pourvoi n°97-86706, Bull. crim. criminel 2000 N° 90 p. 264
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 90 p. 264

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Lucas.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Farge.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:97.86706
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