REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt n° 645 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 7 octobre 1999, qui, dans l'information suivie contre lui pour meurtre, a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 novembre 1999, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 81, 100 et suivants, 57, 66, 152 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, 226-1, 226-15 et 432-9 du Code pénal, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête aux fins de nullité de la commission rogatoire autorisant la "sonorisation" du domicile d'une personne, au cours de la perquisition de ce domicile, ainsi que des actes d'exécution de cette commission rogatoire et de toute la procédure subséquente ;
" aux motifs que le juge d'instruction peut, sur le fondement de l'article 81 du Code de procédure pénale, procéder à toutes les investigations utiles à la manifestation de la vérité ; que, si les articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale régissent les écoutes d'un poste téléphonique à l'insu du titulaire de la ligne, il ne peut y avoir une interprétation littérale des textes trop restrictive, contraire à la finalité de la réglementation ; qu'en cette fin de siècle, la justice, dans sa poursuite du crime, ne saurait se priver de l'utilisation des procédés techniques plus ou moins sophistiqués de surveillance et d'investigation ; que le magistrat était en droit, au visa tant de l'article 81 que des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale, d'autoriser, par une commission rogatoire technique, l'opération de sonorisation d'un appartement ; que les policiers n'ont provoqué ni la venue de X... dans l'appartement, ni les propos qui ont été enregistrés ;
" alors, d'une part, que constitue une ingérence dans la vie privée et familiale le fait de poser subrepticement des appareils d'enregistrement dans un domicile privé ; qu'une telle ingérence ne peut être autorisée, fût-ce à un juge d'instruction agissant en vue de la manifestation de la vérité, que par une loi offrant des garanties de clarté, d'accessibilité et de prévision suffisantes ; que ne constitue pas une loi, au sens de l'article 8 de la Convention européenne, le texte spécifique qui autorise le juge d'instruction à intercepter, enregistrer et transcrire des "correspondances émises par la voie des télécommunications", une telle loi ne visant qu'un seul type d'écoutes, et ne pouvant faire l'objet d'une interprétation autre que restrictive, sauf à la priver précisément des caractères de clarté et de prévisibilité qui doivent être les siens ; qu'ainsi, le juge d'instruction n'avait pas le pouvoir de faire procéder à des enregistrements de propos tenus dans un domicile privé, et que la chambre d'accusation a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" alors, d'autre part, que le principe de loyauté doit gouverner tous les actes du juge d'instruction ; que constitue un procédé de dissimulation et de stratagème qui lui est interdit le fait d'ordonner une perquisition dans un domicile privé, et d'autoriser les officiers de police judiciaire à poser des micros dans l'appartement visité au cours de cette perquisition ; que la chambre d'accusation a violé les articles 80, 81, 151, 152 du Code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure qu'à la suite de la découverte du corps de Y..., atteint de deux balles de fort calibre, le juge d'instruction de Montpellier a délivré à la gendarmerie, le 12 décembre 1997, une première commission rogatoire pour déterminer les circonstances du meurtre, puis, le 25 décembre 1997, une nouvelle commission rogatoire en vue de " sonoriser, à l'occasion de la perquisition qui y sera effectuée, le domicile de Z... ", domicile que l'auteur présumé, prénommé X..., était susceptible de fréquenter ;
Que, le lendemain, les officiers de police judiciaire ont procédé à une perquisition dans l'appartement de Z..., avec l'assistance de gendarmes du groupe d'observation et de reconnaissance de Versailles, qui y ont mis en place un équipement permettant de capter et d'enregistrer à distance les conversations ; qu'une nouvelle perquisition effectuée le 28 décembre a permis l'interpellation de X..., lequel a été mis en examen pour homicide volontaire le 30 décembre 1997 ;
Attendu que, pour rejeter la requête en annulation de la commission rogatoire du 25 décembre 1997, des opérations de sonorisation et de toute la procédure subséquente, déposée par l'avocat de X... après la notification de l'avis de fin d'information, l'arrêt énonce que " le magistrat instructeur était en droit, au visa tant de l'article 81 que des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale, d'autoriser, par une commission rogatoire technique, l'opération de sonorisation d'un appartement " et que les officiers de police judiciaire, qui ont agi dans un cadre légal défini par le juge d'instruction, " n'ont provoqué ni la venue de X... dans les lieux, ni les conversations qu'il y a librement entretenues avec Z... " ;
Attendu qu'en cet état, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la perquisition du 26 décembre 1997, qui ne pouvait avoir d'autres fins que la recherche d'objets utiles à la manifestation de la vérité, était irrégulière, dès lors que seul celui qui en est personnellement victime a qualité pour invoquer une violation des règles de procédure, portant atteinte à l'intimité de la vie privée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, 154, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, violation des droits de la défense et de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la prolongation de la garde à vue de X... ainsi que toute la procédure subséquente ;
" aux motifs que la garde à vue a débuté le 28 décembre 1997 à 7 heures 30 ; que le juge d'instruction a autorisé la prolongation de la garde à vue pour une durée de 24 heures à compter du 28 décembre à 18 heures ; que ce magistrat a commis une erreur de droit en fixant à 18 heures le point de départ de la prolongation ; que le juge ne tient pas de la loi le droit de fixer librement le point de départ de prolongation de garde à vue, laquelle prend nécessairement effet à l'issue de la première période de 24 heures, calculée à partir du début de la rétention décidée par l'enquêteur agissant sur commission rogatoire ; que la prolongation ne pouvait prendre effet qu'à compter du 29 décembre 1997 à 7 heures 30, et que la mesure de garde à vue de l'intéressé a régulièrement pris fin le 30 décembre 1997 à 7 heures 30, pour être conduit devant le juge d'instruction ;
" alors que, si la garde à vue est décidée par l'officier de police judiciaire, la mesure doit être placée dès l'origine sous le contrôle d'un magistrat (procureur ou juge d'instruction), qui doit pouvoir exercer ce contrôle à tout moment, mettre fin à la rétention quand il l'estime nécessaire à l'intérieur du délai maximum (et non impératif) fixé par la loi, et en limitant les effets dans le temps s'il l'estime également nécessaire, toujours dans les limites du délai maximum fixé par la loi ; que l'officier de police judiciaire n'a en aucun cas le droit d'excéder la limite assignée par le magistrat à la durée de la garde à vue, cette limite, fût-ce inférieure au maximum légal ; que la chambre d'accusation a ainsi consacré l'excès de pouvoir de l'officier de police judiciaire et méconnu les pouvoirs conférés par la loi au juge d'instruction " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que X..., interpellé par un officier de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire, le 28 décembre 1997 à 7 heures 30, a été aussitôt placé en garde à vue et avisé verbalement de ses droits, qui lui ont été notifiés par écrit à 10 heures ; que le juge d'instruction, informé du placement de X... en garde à vue à 10 heures 30, a pris le même jour une ordonnance rappelant le point de départ de la garde à vue et autorisant sa prolongation " à compter du 28 décembre 1997, 18 heures " ; que l'officier de police judiciaire a notifié à X... la prolongation de sa garde à vue à compter du 29 décembre 1997 à 7 heures 30 ; que la mesure a pris fin le 30 décembre 1997 à la même heure par la conduite de l'intéressé au cabinet du juge d'instruction mandant ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annulation de la prolongation de la garde à vue de X..., l'arrêt énonce " que le juge ne tient pas de la loi le droit de fixer librement le point de départ de la prolongation de garde à vue, laquelle prend nécessairement effet à l'issue de la première période de 24 heures, calculée à partir du début de la rétention décidée par l'enquêteur agissant sur commission rogatoire " ;
Que les juges en déduisent que, si le juge d'instruction a fixé par erreur le point de départ de la prolongation au 28 décembre 1997 à 18 heures, la prolongation ne pouvait prendre effet que le lendemain à 7 heures 30 ; qu'ils constatent que la garde à vue n'a pas dépassé le délai maximum de 48 heures prévu par la loi et que l'erreur commise n'a pas porté préjudice au requérant ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
Qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.