CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 3 décembre 1998, qui, pour non-dénonciation de mauvais traitements infligés à un mineur de quinze ans, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, à 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 112-1, 434-3 et 434-44 du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de non-dénonciation de mauvais traitement à mineurs de 15 ans ou personnes vulnérables ;
" aux motifs que bien que X... nie avoir eu connaissance des faits qui sont reprochés à Y..., il est constant qu'en raison de leur multiplicité, du laps de temps écoulé (1995-1997) qu'il ne pouvait les ignorer ; que la Cour remarque qu'il ne nie pas formellement ne pas en avoir eu connaissance mais qu'il prétend seulement ne pas avoir eu conscience que ses soupçons étaient fondés ; que leur multiplicité, le fait qu'il ait lui-même constaté que Y... partageait la même chambre que Z..., qu'il ait à cette époque modifié les attributions de Y..., qu'au cours de la réunion du 30 septembre, des faits précis aient été évoqués, qu'au cours de cette réunion, Y... se soit écrié "que veux-tu que je fasse, que j'aille voir le juge", démontrent que X... ne pouvait ignorer les faits commis par Y... ; que dès lors, il se devait tant en sa qualité d'homme responsable que de directeur de l'établissement, attirer l'attention de la justice, ce qu'il n'a pas fait ; que les conséquences de cette abstention doivent être tirées ; qu'il n'est donc pas possible d'envisager, quant à la culpabilité, en fait comme en droit, une solution différente de celle du tribunal ; que compte tenu de la personnalité du prévenu, de ce qu'il s'est révélé incapable de prendre les décisions qui s'imposaient et des circonstances des agissements dont il est coupable, les dispositions du jugement relatives aux pénalités méritent confirmation (arrêt, pages 6 et 7) ;
" alors que sous l'empire de l'article 434-3 du Code pénal, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998, l'obligation de dénonciation ne concerne que les mauvais traitements ou privations infligés à un mineur de 15 ans, auxquels ne sauraient être assimilées les atteintes sexuelles, sauf à méconnaître le principe, consacré à l'article 111-4 du Code pénal, selon lequel la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'ainsi, en déclarant X... coupable du délit de l'article 434-3 du Code pénal, pour avoir, depuis 1995 et jusqu'au 2 juillet 1997, omis d'informer les autorités judiciaires ou administratives des atteintes sexuelles imputables à Y... et dont il aurait eu connaissance, la cour d'appel a méconnu le principe de la légalité criminelle ;
" 2° alors que dans ses conclusions d'appel, le demandeur a expressément fait valoir qu'interrogé par X... à propos des soupçons qui pesaient sur lui, Y... a systématiquement nié être responsable d'atteintes sexuelles sur les mineurs accueillis dans l'établissement, de sorte qu'en cet état le directeur qui, par ailleurs, n'avait pas personnellement constaté les faits litigieux, n'en avait pas connaissance au sens de l'article 434-3 du Code pénal et, partant, n'était pas tenu d'une quelconque obligation de dénonciation ;
" qu'ainsi, en estimant que le prévenu ne niait pas avoir eu connaissance des faits litigieux, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du demandeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Qu'en effet, les atteintes sexuelles constituent des mauvais traitements au sens de l'article 434-3 du Code pénal dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 1998 ; les dispositions de l'article 15 de ladite loi qui précisent que l'obligation de dénoncer les mauvais traitements infligés à un mineur de 15 ans s'applique également en cas d'atteintes sexuelles, revêtant sur ce point un caractère interprétatif ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 112-1, 131-10, 131-26, 131-27, 434-3 et 434-44 du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué qui a déclaré X... coupable de non-dénonciation de mauvais traitement à mineurs de 15 ans ou personnes vulnérables, a prononcé à son égard l'interdiction d'exercer les droits civiques, civils et de famille pendant une durée de 3 ans ;
" alors que la peine complémentaire de l'article 131-26 du Code pénal ne peut être prononcée que lorsque la loi le prévoit expressément ;
" qu'aucune peine complémentaire n'étant expressément prévue en matière de non-dénonciation de mauvais traitement à mineurs de 15 ans, méconnaît le principe de la légalité criminelle la cour d'appel qui, par confirmation du jugement, prononce à l'encontre de X... l'interdiction d'exercer ses droits civiques, civils et de famille pendant 3 ans " ;
Vu l'article 111-3 du Code pénal ;
Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré X... coupable de non-dénonciation de mauvais traitements infligés à un mineur de 15 ans, l'arrêt attaqué le condamne, notamment, à 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi une peine complémentaire non prévue par les textes réprimant le délit reproché la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 3 décembre 1998, en ses seules dispositions ayant condamné le demandeur à 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.