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11/01/2000 | FRANCE | N°99-80229

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2000, 99-80229


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 17 décembre 1998, qui, pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, l'a condamné à 25 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 432-3, L. 483-1, L. 434-1, L. 431-5, L. 461-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de bases légales :
" aux motifs propres que, par des motifs pertinen

ts que la Cour adopte, les premiers juges ont exactement exposé les faits rep...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 17 décembre 1998, qui, pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, l'a condamné à 25 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 432-3, L. 483-1, L. 434-1, L. 431-5, L. 461-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de bases légales :
" aux motifs propres que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont exactement exposé les faits reprochés au prévenu, les ont à bon escient déclaré établis et leur ont donné leur juste qualification pénale ; que le jugement doit donc être confirmé sur le principe de la culpabilité ; qu'il suffira de rajouter, pour répondre aux écritures déposées devant la Cour au nom de Jacques X... que : - en l'espèce, le prévenu a, au lendemain du prononcé d'un jugement rejetant la thèse qu'il avait estimé devoir soutenir contre l'avis des représentants du personnel au sein du comité d'établissement de l'usine de Troyes qu'il dirigeait, adressé à l'ensemble des salariés postés (1 363 personnes) un courrier daté du 18 octobre 1996 auquel était joint un bulletin sur lequel chaque salarié était invité à cocher la case correspondant à l'opinion qui était censée être la sienne ; qu'il se serait agi, de la part du chef d'établissement, plutôt d'un sondage que d'un référendum ; - en tout état de cause, il ne s'agissait pas d'une simple information à l'adresse du personnel ; - nonobstant l'incidente "connaître votre position", et même s'il ne s'agissait pas d'un référendum, il ne s'agissait pas non plus d'effectuer un simple sondage ; - c'était bel et bien un "vote" que l'employeur attendait de ceux auxquels il s'était adressé ("pour garder l'anonymat du vote" ; "nous vous demandons de vous prononcer") ; - étant souligné que le jugement visé en tête de la lettre était exécutoire par provision, il ne s'agissait pas plus de se donner des armes dans la perspective d'un appel éventuel ; - ou déjà formé ; - l'une des alternatives soumises au choix des salariés avait tout simplement pour objet d'aboutir, sans autre forme de procès, à un désistement d'action ; - la formule "les décisions ne nous appartiennent pas" n'affectait aucunement le sens et la portée du message contenu dans la lettre en cause ; - l'essentiel était, selon les termes ci-dessus reproduits, que, dès lors que prévaudrait une interprétation contraire à celle qu'avait le chef d'établissement de la clause donnée comme litigieuse de la convention collective, il en découlerait inéluctablement une réduction, "soit en durée, soit en fréquence" des autres périodes de repos, probablement "des modifications d'horaires collectifs" et en tout cas, irrémédiablement, une modification de la rémunération des salariés concernés, prenant automatiquement pour ceux-ci la forme d'une "perte de ressource" ; - le caractère péremptoire de la lettre du 18 octobre 1996 ne laissait place à cet égard à aucune discussion ; - bien mieux, alors que le contentieux, au sens propre du terme, n'avait été engagé qu'en considération du seul cas des salariés de l'atelier de boudinage, les affirmations formulées dans sa lettre par le chef d'établissement valaient, sans ambages, pour les autres salariés postés, quand bien même tels d'entre eux c'était notamment le cas de ceux de l'atelier de vulcanisation s'étaient-ils vus jusqu'alors admettre comme pouvant, précisément, bénéficier de l'interprétation que l'employeur prétendait contester ; - tous les salariés postés sans exception avaient significativement été rendus destinataires de la lettre du 18 octobre 1996 ; - autrement dit, étaient affectées, par l'effet des affirmations formulées par Jacques X..., auteur en personne de ladite lettre ;
- et ce, sans possibilité ni marge de négociation, l'organisation du travail, la durée du travail et les conditions d'emploi de la quasi-totalité des salariés du site ; - par la nature de son contenu, tout autant qu'à raison de ses modalités de mise en oeuvre, la décision qu'avait prise Jacques X... d'adresser aux salariés une telle missive relevait directement du champ des compétences du comité d'établissement définies à l'alinéa 1er de l'article L. 432-3 du Code du travail ; - au regard des termes de ce dernier texte, le prévenu devait, préalablement, consulter cette instance sur ce qu'il considérait comme des incidences automatiques de la décision juridictionnelle qui venait d'intervenir ; - en s'abstenant de procéder à une telle consultation et en envoyant, au contraire, la lettre en cause, Jacques X..., qui savait s'opposer ainsi à la délégation salariale constituée au sein du comité d'établissement, avait aussi nécessairement connaissance de ce qu'il prétendait tenir ledit comité d'établissement à l'écart des modifications qui allaient intervenir et de ce qu'il faisait fi de cette institution toute entière ; - le délit est donc bien constitué en tous ses éléments ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges qu'il apparaît dès lors qu'en mettant en place un vote auprès du personnel, portant sur l'organisation du temps de travail, sans en avoir préalablement informé le comité d'entreprise ni l'avoir consulté, le mis en cause n'a pas respecté les dispositions des textes susvisés ; qu'au surplus l'alternative alors proposée dans ce vote, aux termes de laquelle il était indiqué au personnel que s'il demandait l'application du jugement intervenu, celui-ci n'étant pas alors encore frappé d'appel, ce recours ayant été déposé au greffe le 22 octobre 1996, il subirait une perte de salaire, constitue de plus fort une entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et une pression inadmissible sur les représentants du personnel ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel, qui ne précise pas si l'entrave résultait en l'espèce du principe même de l'organisation du sondage, du fait de l'avoir organisé sans consulter au préalable le comité d'entreprise ou encore, du contenu ou de la lettre ou du libellé des questions auxquelles les salariés étaient invités à répondre, ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle tant sur la nature que sur la qualification juridique des faits susceptibles de caractériser un délit d'entrave, en violation des textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que l'employeur était libre de recueillir à tout moment l'opinion de ses salariés sur l'opportunité d'une modification des conditions de travail ou d'emploi, quand bien même celle-ci aurait été présentée par les syndicats ou les représentants du personnel comme s'imposant de droit à l'employeur ; qu'en décidant que ce type de consultation était constitutif, par principe, d'un délit d'entrave, comme constituant une "pression inadmissible" sur les représentants du personnel (jugement, page 3), la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, enfin, que la décision de l'employeur de procéder à un sondage aux seules fins de connaître l'opinion de chaque salarié sur une éventuelle modification des conditions de travail n'a pas à être précédée d'une consultation du comité d'entreprise, dès lors que le principe même de cette modification dépend des résultats de ce sondage, et non d'une manifestation de volonté d'ores et déjà arrêtée de l'employeur ; qu'en l'espèce l'employeur s'était borné à demander aux salariés de se prononcer soit pour le maintien des conditions actuelles de travail, soit pour l'interprétation suggérée par la CGT et impliquant une modification des conditions de travail, de sorte que dans l'attente des résultats de ce sondage, cette modification était purement hypothétique ; qu'en décidant, néanmoins, que ce procédé de consultation était condamnable comme constituant une entrave au fonctionnement du comité qui aurait dû être consulté avant que les salariés eux-mêmes ne se prononcent sur les conséquences d'une modification des modalités de prise du temps de pause sur l'organisation des conditions de travail, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans un litige opposant la société Kléber Pneumatiques au syndicat CGT Kléber Troyes et au comité d'établissement de l'usine de cette ville, le tribunal de grande instance a décidé, par un jugement exécutoire par provision, que, contrairement à ce que soutenait la société précitée, " les ouvriers travaillant par poste " devaient bénéficier d'une " demi-heure d'arrêt continu au cours de leur poste " et non " au début ou en fin d'équipe " ;
Qu'à la suite de ce jugement, frappé d'appel par la société, Jacques X..., directeur de l'usine de Troyes, a adressé une lettre à chacun des ouvriers, par laquelle, après leur avoir indiqué que la décision judiciaire aurait pour conséquence une réduction des " autres périodes de repos " ainsi que " des modifications d'horaires collectifs " et le " non-paiement en sus de l'horaire hebdomadaire " du temps d'arrêt continu, il leur demandait de se " prononcer " au moyen d'un bulletin proposant le choix suivant : " pour le maintien des conditions actuelles de temps de repos sans perte de ressources, ce qui suppose que le syndicat CGT et le comité d'établissement arrêtent leur action en justice ", ou " pour une modification de la répartition du temps de pause avec une coupure principale de 30 minutes avec perte de ressources de 0 h 30 par poste, soit environ 6 % pour un poste de 8 h 00 " ;
Que Jacques X... a été cité devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article L. 483-1 du Code du travail, pour avoir entravé le fonctionnement du comité d'établissement, " en omettant notamment de le consulter sur un projet de modification d'horaire de travail " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce chef, les juges du second degré retiennent, par motifs propres et adoptés, que la consultation portait sur une décision qui, en l'état de la procédure judiciaire en cours, n'appartenait pas à l'employeur, de sorte qu'elle n'avait d'autre objet que d'exercer des pressions sur le comité d'établissement pour l'amener à se désister de son action ; que les juges ajoutent qu'à l'occasion de cette consultation, l'employeur a présenté comme définitivement acquises les modifications de l'organisation du travail et la diminution de rémunération qu'impliquerait une pause en cours de poste, alors que ces questions n'avaient fait l'objet d'aucune consultation préalable du comité d'établissement en application de l'article L. 432-3 du Code du travail ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80229
Date de la décision : 11/01/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Comité d'entreprise - Délit d'entrave - Eléments constitutifs - Element intentionnel - Consultation directe des salariés.

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer coupable d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise un employeur ayant consulté directement les salariés de l'entreprise sur une modification de l'horaire de travail, retient, d'une part, que cette consultation n'avait d'autre objet que d'exercer des pressions sur le comité d'établissement pour l'amener à se désister d'une action judiciaire engagée contre l'employeur et, d'autre part, que, lors de la consultation, l'employeur a présenté comme définitivement acquises les modifications de l'organisation du travail et la diminution de rémunération qu'impliquerait la modification envisagée alors que ces questions n'avaient fait l'objet d'aucune consultation préalable du comité d'établissement en application de l'article L. 432-3 du Code du travail. (1).


Références :

Code du travail L432-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims (chambre correctionnelle), 17 décembre 1998

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1968-07-03, Bulletin criminel 1968, n° 216, p. 517 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1976-03-17, Bulletin criminel 1976, n° 100, p. 245 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1984-03-20, Bulletin criminel 1984, n° 118, p. 298 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2000, pourvoi n°99-80229, Bull. crim. criminel 2000 N° 13 p. 25
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 13 p. 25

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desportes.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.80229
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