ARRÊT N° 1
Donne acte à M. Y... de ce qu'il s'est désisté de son pourvoi à l'égard de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, en raison de la publication, dans la revue Révision datée d'octobre-novembre 1995, d'un article intitulé " Débâcle des exterminationnistes ", mettant en cause son père décédé, M. Y... a fait assigner, devant le tribunal de grande instance, M. X..., directeur de la publication du journal, en réparation du préjudice causé par la diffamation envers la mémoire d'un mort ; que le Tribunal a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli l'exception de nullité de l'assignation soulevée oralement par le ministère public, alors, selon le moyen, que de première part, devant la cour d'appel, la procédure est écrite avant d'être orale, et que la cour n'est régulièrement saisie que des conclusions des parties et des moyens qu'elles y formulent ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le moyen tiré de la nullité de la citation pour défaut de signification au ministère public n'a pas été invoquée par M. X..., seule partie défenderesse à l'instance, mais oralement à l'audience par le ministère public ; que la cour d'appel n'était donc pas saisie du moyen de nullité qu'elle a retenu, et qu'elle a ainsi violé les articles 913,954 et 4 du nouveau Code de procédure civile, 12 et 16 du même Code, et les droits de la défense ; que, de deuxième part, le ministère public n'étant pas partie jointe à la procédure engagée devant la juridiction civile à raison d'une infraction à la loi du 29 juillet 1881, son moyen était derechef irrecevable, et que la cour d'appel a ainsi violé les articles 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 424 et 425 du nouveau Code de procédure civile ; que, de troisième part, tout moyen nouveau, à le supposer recevable, nécessite un débat contradictoire qui ne peut se faire, devant la cour d'appel que par le moyen de la révocation de l'ordonnance de clôture et l'invitation des parties à déposer des conclusions ; qu'en se bornant à inviter les parties à " communiquer toutes notes en délibéré utiles ", lesquelles ne peuvent porter que sur des " arguments " et non sur des " moyens ", la cour d'appel a usé d'un procédé insusceptible d'assurer le respect de la contradiction, et violé les articles 442, 444, 445 du nouveau Code de procédure civile et 12 et 16 du même Code et les droits de la défense ; que de quatrième part, la cour d'appel ne constate pas que les notes en délibéré ont fait l'objet d'une communication contradictoire entre les parties ; qu'ainsi les articles 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile et les droits de la défense ont été violés ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que l'assignation délivrée à la requête du plaignant doit préciser et qualifier le fait invoqué, indiquer le texte de loi applicable à la demande, contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et être notifiée au ministère public ; que, selon l'article 443 du nouveau Code de procédure civile, le ministère public, partie jointe, a la parole le dernier ;
Et attendu que l'arrêt retient que le représentant du ministère public a conclu oralement à l'irrecevabilité de l'action par méconnaissance des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les parties ont été invitées, conformément aux dispositions de l'article 445 du nouveau Code de procédure civile, à communiquer toutes notes en délibéré utiles pour répondre aux arguments développés par le ministère public ; que par note en délibéré, M. Y..., après avoir rappelé le caractère odieux de l'atteinte portée à la mémoire de son père, résistant mort en déportation, a estimé que la nullité invoquée n'était que de forme et ajouté que les dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ne s'appliquaient pas devant les juridictions civiles ;
Qu'en statuant dans ces conditions sur l'argumentation soulevée par le ministère public, en tant que partie jointe, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs du moyen ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 73 et 74, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que dans les instances civiles en réparation d'infractions de presse, l'exception de nullité de l'assignation doit être invoquée avant toute défense au fond ;
Attendu que, pour déclarer l'action irrecevable, l'arrêt retient que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, applicable tant devant les juridictions répressives que devant les juridictions civiles, dispose que, à peine de nullité de la poursuite, " la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de la loi applicable à la poursuite " et que cette citation sera " notifiée au ministère public " ; que l'assignation délivrée à la demande de M. Y... n'a pas été notifiée au ministère public ; qu'il s'en suit que cet acte, nul au regard des dispositions d'ordre public et exceptionnelles de l'article 53 précité, n'a pu valablement saisir le Tribunal ni interrompre la prescription ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'exception de procédure n'avait pas été invoquée avant toute défense au fond devant le Tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée .