Attendu que M. X..., au service de la société Transports Escude en qualité de chauffeur routier depuis le 12 octobre 1977, délégué syndical, a été licencié le 14 septembre 1981 pour motif économique avec autorisation de l'inspecteur du Travail annulée par le ministre du Travail le 17 novembre 1981, décision reconnue valable par arrêt confirmatif du Conseil d'Etat du 26 avril 1983 ; que, par arrêt du 12 octobre 1989, la cour d'appel de Grenoble a rejeté la demande de réintégration formée par le salarié et a limité sa créance de salaires à la période de protection ; que cette décision a été cassée par arrêt du 2 juin 1993 (n° 2319 D) ; que, par jugement du 21 décembre 1990, le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Transports Escude et a adopté, le 22 février 1991, un plan de redressement par voie de cession au profit de la société Extrans ; que, devant la Cour de renvoi, le salarié a réclamé, notamment, une indemnité compensatrice des salaires perdus et, n'ayant pu obtenir sa réintégration, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué retient que le salarié ne justifie pas que la rupture du contrat de travail lui aurait causé un préjudice distinct ou plus ample que celui dont il demande réparation au titre de la nullité de son licenciement et du refus de sa réintégration ;
Attendu, cependant, que si le délégué syndical qui, à la suite de l'annulation de l'autorisation administrative de son licenciement, ne demande pas sa réintégration, a droit, en application de l'article L. 412-19 du Code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait de la nullité du licenciement, cette indemnité n'est pas exclusive du droit aux indemnités dues au salarié, selon le droit commun, en cas de licenciement dès l'instant qu'il remplit les conditions pour y prétendre ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si le licenciement avait un motif économique réel et sérieux et, dans la négative, réparer le préjudice subi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Vu l'article L. 143-11-1.1° du Code du travail ;
Attendu que pour dire que la créance du salarié, au titre de l'indemnité compensatrice des salaires, n'est pas garantie par l'AGS, l'arrêt attaqué retient que cette indemnité ne constitue pas une créance qui résulte de l'exécution du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à la suite de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, le salarié était fondé à obtenir l'exécution de son contrat de travail et que l'indemnité correspondant au préjudice subi du fait de la nullité du licenciement trouvait sa cause dans le contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce que l'arrêt a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a dit que sa créance, au titre de l'indemnité compensatrice des salaires, n'était pas garantie par l'AGS, l'arrêt rendu le 23 janvier 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.